Après les évacuations massives, la Ville prend le risque d’une riposte juridique

Décryptage
le 27 Nov 2018
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Alors que 1377 personnes ont dû quitter leurs logements, le cadre juridique dans lequel ces évacuations ont lieu reste flou. Plusieurs habitants s'apprêtent à entamer des procédures devant la justice. La mairie de Marseille pourrait bien être inquiétée.

Après les évacuations massives, la Ville prend le risque d’une riposte juridique
Après les évacuations massives, la Ville prend le risque d’une riposte juridique

Après les évacuations massives, la Ville prend le risque d’une riposte juridique

Les derniers chiffres démontrent bien l’ampleur de la situation. Après le drame de la rue d’Aubagne et alors que le principe de précaution poussé à l’extrême semble être de rigueur, 1377 Marseillais ont dû quitter leur logement sur décision de la mairie. Ces évacués se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes et confrontés à de nombreux problèmes administratifs. Obligés d’arrêter de travailler, sans leurs affaires ni leurs papiers, logés dans des chambres d’hôtel, plongés dans le brouillard d’une situation dont ils ne connaissent ni les contours, ni l’issue, certains pensent sérieusement à saisir la justice. Cette dernière, si elle est bien saisie, risque fort de devoir s’exprimer sur la pertinence des décisions de la mairie de Marseille, qui crée là une situation hors norme et dépassant le cadre juridique traditionnel.

Contacté par Marsactu, Frédéric Lombard, professeur de droit public et spécialiste notamment du droit administratif de l’immobilier, a pris le week-end pour réfléchir à la question. Selon lui, “les occupants ont des arguments à faire valoir” devant la justice et c’est “un pari” juridique que vient de lancer la mairie de Marseille en procédant à ces évacuations massives. Elle pourrait bien en effet se voir dans l’obligation de dédommager des centaines de personnes.

Hors cadre

En temps normal, une évacuation ne peut se faire qu’à la suite de trois actes. “Une déclaration d’insalubrité, un arrêté de mise en péril ou une situation d’insécurité dans un bâtiment recevant du public. Si une administration prend une décision, elle doit en théorie passer par un acte juridique il ne lui suffit pas d’en avoir l’idée”, indique Frédéric Lombard. Or, dans le cas précis près de 184 immeubles ont été évacués et seulement 32 arrêtés de mise en péril pris. On peut logiquement en conclure que dans une grande majorité des cas, il s’agit donc d’évacuations qui ne découlent pas d’une décision de justice, mais du constat des pompiers alertés ou des services de la Ville.

“Nous sommes donc dans un mystère juridique, car normalement, l’évacuation fait partie de l’arrêté de mise en péril, détaille Frédéric Lombard. Mais dans la justice, il y a souvent un plan B et en l’occurrence, la police spéciale du maire qui peut être utilisée dans le cas d’une situation d’extrême urgence.” Jean-Claude Gaudin a bien annoncé avoir signé un arrêté sur cette base “afin de prescrire la déconstruction d’immeubles, à proximité, qui menaceraient de s’effondrer”. Mais les évacuations ont aujourd’hui largement dépassé le secteur de la rue d’Aubagne pour s’étaler sur toute la ville.

“J’estime qu’il y a un préjudice”

“Il existe alors ce que l’on appelle la théorie des circonstances exceptionnelles qui fait qu’une décision illégale peut devenir légale par exemple lors de cyclone ou d’inondations. Dans ces cas là, le juge peut être beaucoup moins exigeant mais c’est un pari que fait la commune, poursuit le professeur de droit. Car le juge décidera ou non du caractère exceptionnel qu’en fin de compte, a posteriori.” Interrogée, la municipalité n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Pour le moment, le tribunal administratif, compétent en la matière, explique ne pas avoir encore été saisi. “Et comme le tribunal ne peut s’auto-saisir nous ne pouvons pas nous exprimer sur le sujet pour l’instant”, ajoute le vice-président du tribunal administratif de Marseille, Christophe Ciréfice. Il précise également que son instance ne peut “ni délivrer d’alertes ni de conseils juridiques sur les évacuations, ce qui est du ressort des avocats.” Impossible donc pour le moment de préjuger de la légalité ou non de la décision de la mairie. Mais les recours ne sauraient tarder.

“Nous sommes beaucoup à vouloir porter plainte, assure Karine Théophanides, propriétaire occupante du 85 rue d’Aubagne. J’ai fait toutes les réunions avec les collectifs et associations et j’ai eu énormément de retour de cette volonté.” Évacuée depuis trois semaines maintenant de son logement, cette travailleuse par intérim de 52 ans passe le plus clair de son temps à tenter d’obtenir des informations. “J’estime qu’il y a clairement un préjudice moral et financier. On nous a sorti manu militari de chez nous et cela fait plus de trois semaines qu’on est face à une absence totale d’information de la part de la mairie. Vous n’imaginez pas le temps que je passe à tenter d’avoir des informations par ailleurs. J’ai dû refuser quatre propositions de travail.” Parallèlement, le collectif du 5 novembre, formé d’habitants du quartier, est désormais organisé en commissions thématiques, dont l’une d’elles est consacrée aux questions juridiques.

Lettre au procureur

Sentant le besoin naître, le barreau de Marseille s’est organisé pour mettre en place une permanence de conseils juridiques. “Nous avons une douzaine d’avocats qui tiennent une permanence juridique. Les évacués leur expliquent leur situation et en fonction de celle-ci ils les redirigent vers d’autres avocats. Et là c’est entre 200 et 250 avocats qui sont mobilisables”, explique Pierre Le Beller, avocat au barreau de Marseille et à l’initiative de cette plateforme. Pour l’instant, l’heure est à la collecte d’un maximum de documents justificatifs auprès des institutions. Documents qui se font rares. Et il ne s’agit là que d’une première étape. “Nous sommes encore dans la recherche de solutions aux situations d’urgences, ensuite, viendra le temps de l’analyse juridique”, envisage l’avocat en droit public.

Mais certains occupants veulent d’ores et déjà enclencher cette étape. “Jeudi, ma femme et mon fils se sont rendus au commissariat pour déposer plainte contre X”, relate Christian Pellicani, élu communiste, dont la famille est propriétaire d’une petite galerie d’art au même numéro que Karine Théophanides, rue d’Aubagne. “Il y a un préjudice moral, la rue est bloquée et personne ne peut rentrer chez soi, mais aussi un préjudice financier pour les commerces qui subissent une perte sèche.” Mais ce jeudi, la famille Pellicani n’a pu déposer plainte. “On nous a dit que ce n’était pas pénal et donc que l’on ne pouvait pas prendre notre plainte au commissariat.” D’un commun accord, les copropriétaires du 85 rue d’Aubagne ont donc décidé d’écrire une lettre au procureur afin de demander que leur plainte soit enregistrée. Lors d’un point avec la presse du collectif du 5 novembre, un des habitants du 69, rue d’Aubagne, en partie détruit, a déclaré que les évacués pourraient “se présenter en masse” dans les commissariats du secteur si leurs plaintes étaient de nouveau refusées.

Responsabilité pécuniaire en jeu

“Au début, les recours en justice n’étaient même pas envisagés. Mais maintenant ça revient dans toutes les réunions. Nous sommes seuls dans le flou mais nous avons le sentiment que si notre démarche devient significative en nombre nous pourrons faire bouger les choses”, conclut Karine Théophanides. “Le juge sera peut-être clément sur les procédures et la forme mais au fond, il procédera à un contrôle ordinaire. Il se posera donc systématiquement la question : est-ce que la situation de l’immeuble justifie l’évacuation ? S’il considère que l’administration a eu tort c’est qu’elle a commis une faute”, décortique Frédéric Lambert.

Dans ce cas, la mairie de Marseille pourra compter sur un dernier argument juridique : ce que l’on appelle “la responsabilité sans faute”. “Lorsque l’administration fait subir à l’administré une contrainte particulière pour l’intérêt général, on évince l’idée de faute pour un choix purement politique.” Mais la responsabilité sans faute entraîne une condition : l’indemnisation des personnes lésées. “À mon avis, sur la légalité, les circonstances font que les décisions pourront sûrement être validées, mais sur la responsabilité pécuniaire la commune pourrait être inquiétée, en terme de dommages et intérêts notamment.” Reste que la responsabilité sans faute n’a, selon l’enseignant, jamais été appliquée dans une situation semblable. Hors du commun.

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Commentaires

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  1. reuze reuze

    Merci pour cet article très clair sur un sujet technique improbable et néanmoins important.

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  2. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    Expulsons Gaudin et tous ses complices !

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  3. Jb de Cérou Jb de Cérou

    Centre et habitat indignes de Marseille et des marseillais
    Le drame de la rue d’Aubagne ne devrait pas donner lieu aux des anathèmes entendus ici ou là du type “Gaudin assassin”. Dans le cas précis de ces effondrements, l’enquête dira les causes et les responsabilités de chacun, à tous les niveaux, et le Maire cherchera probablement à se défendre politiquement en invoquant les efforts de la Ville et les lenteurs administratives, mais cela ne dira rien du fonds de la situation calamiteuse du centre ville ni des solutions opérationnelles. Tout autant que l’habitat et l’ état de certains immeubles, c’est l’état du Centre ville qui est indigne. Avec l’expulsion de plus de 1100 marseillais de 144 immeubles décidée depuis par la mairie, l’aveu sur la situation réelle et la prise de conscience tardive est de taille, mais le principe de précaution ainsi mis en avant pour se couvrir dans l’urgence ne donne aucune visibilité sur la bonne thérapie à appliquer.
    Deux causes essentielles me semblent expliquer cette situation pour l’essentiel: le système Gaudin et son impéritie d’une part; d’autre part, l’absence de vision de long terme et d’une stratégie opérationnelle adaptée aux réalités des vieux centres urbains comme celui de Marseille. Cette absence de vision ne date pas de l’ère Gaudin et elle concerne autant l’Etat que les responsables d’une grande cité comme la notre.
    Le système Gaudin, c’ est d’abord une grosse machine électorale. Gaudin lui-même excelle dans les joutes avec sa faconde, ses réparties et sa bonhomie apparente. Son leadership ne lui est pas réellement contesté par ses dauphins successifs, conscients ou non de la médiocrité de la politique suivie, mais incapables de sortir du rang à chaque renouvellement de mandat. Une fois l’élection gagnée, il retourne vers les ors du Sénat d’où il semble bien que sa seule préoccupation marseillaise soit de gérer son fonds de commerce électoral par une politique clientéliste de saupoudrage, un endettement sans fin et corollaire, une absence criante de choix stratégiques ou de priorités pour les marseillais comme pour les finances exsangues de la ville: ce que l’on a pu constater sur l’état des écoles, les piscines, les transports en commun ou l’habitat insalubre est le triste résultat de ce mode d’administration de la ville. Quand on interroge Gaudin, sur l’impératif d’un maire à temps plein, avec une certaine bonne foi car c’est sa conception de son rôle, il répond qu’il a 50 adjoints pour administrer la Ville et que c’est bien assez et bien ainsi. C’est aujourd’hui un homme âgé et fatigué, mais il n’a jamais été un manager sur les dossiers de la Ville et chacun de ces 50 adjoints, dans un système ou le pouvoir de fait est assuré par deux non élus, le directeur de cabinet du Maire et le directeur des services, tente avec plus ou moins de bonheur ou d’efficacité à occuper sa fonction comme il le peut; il n’y a pratiquement pas de travail d’équipe aux dires de certains adjoints, par exemple de réunions de travail d’adjoints concernés par une priorité à dimensions opérationnelles et budgétaires multiples; conséquence, la coordination est faite par les fonctionnaires entre eux, et l’élu en charge d’un domaine n’ est un prête nom du Maire sans grand levier de pouvoir. A titre d’exemple, la ville de Marseille vue des services de l’Etat comme des associations n’est pas une ville modèle dans son implication dans la “politique de la Ville”, et c’est un euphémisme; ce qui est fait sur notre territoire relève plus de l’obligation contractuelle et des nécessités de la communication d’une grande ville que d’une volonté et d’une implication au plus haut sur un sujet aussi prioritaire dans une ville aussi pauvre; l’élue en charge, bien seule, fait ce qu’elle peut pour donner le change, mais elle peut peu, et comme les besoins sont immenses dans les cités ou dans le centre ville, sans pour autant figurer dans les priorités du triumvirat Maire, directeur de cabinet, directeur des services, on assiste à une gestion a minima du dossier. Le système Gaudin, c’est aussi le système FO de la fonction publique territoriale bien utile pendant les campagnes électorales pour coller des affiches, mais nocif dans le fonctionnement des services. Le système Defferre avait bien des points communs (clientélisme) avec celui de son successeur qui fut à bonne école dans les années 70, mais au moins il y avait un patron qui impulsait, qui tranchait, qui avait une vision pour sa ville, du moins dans ses premiers mandats: comparer ce qui a été fait en 20 ans par l’un et l’autre est sans appel pour la gestion Gaudin qui de plus a bénéficié de décisions fondatrices de l’ère Vigouroux (Euroméditerranée)
    Pour me résumer, aux prochaines échéances, les marseillais ont tout intérêt à choisir pour maire un homme ou une femme à temps plein, capable de développer une vision et de fixer les priorités et d’animer une équipe de qualité sur les priorités de Marseille et des marseillais.

    Comment aborder la question du Centre Ville? C’ est un sujet complexe sur lequel je pense que l’on n’a pas osé poser les bonnes questions pour déployer les bonnes réponses.
    Faut-il conserver, rénover à l’identique pour satisfaire les bâtiments de France et la vox populi pour une large part qui aime conserver les vieilles pierres même de bien piètre qualité. Contrairement à ce qui est fait, ma réponse est non pour beaucoup d’immeubles. Il est frappant sur certains ilots entiers ou groupe d’immeubles contigus de constater que l’occupation au sol du bâti est quasi totale, ce qui rend impossible l’éclairement sur cour, et produit des appartements à mono orientation sur des rues déjà bien étroites pour laisser passer la lumière. Bien souvent, une pièce en alcôve, éclairée en second jour occupe le fond aveugle de l’appartement. Fait aggravant, la trame étroite de la plupart de ces immeubles rend impossible le découpage en appartements de tailles diversifiées, nécessaires notamment pour accueillir des familles de tailles différentes. Ainsi, la structure des immeubles et l’absence de confort (éclairement) déterminent le peuplement particulier du centre ville au moins autant que la vétusté et la pression des loyers sur les secteurs plus confortables et aérés de la ville. Il faut ajouter à ce constat que pour beaucoup d’immeubles, la qualité du bâti est très pauvre comme l’ont montré les images dramatiques de la rue d’Aubagne. les immeubles en pierre de taille ne sont pas légion dans le centre. Il est parfaitement aberrant économiquement de procéder à des rénovations lourdes, alors qu’il serait plus rationnel de démolir, et reconstruire. Depuis des décennies se sont succédées des opérations de rénovation urbaine coûteuses en argent public, mais qui a mon sens ne sont que cosmétiques et spéculatives à court terme pour ceux qui ont su investir et revendre à temps; ces opérations ne changent rien sur le fonds, sur l’amélioration du Centre à long terme, sur le confort réel apporté, sur la diversification de l’offre de logements en taille, puisque les immeubles sont traités un par un: il n’y aura donc pas de progrès de structure, d’éclairage, de mise à niveau du confort de vie dans le centre par un saut réel de qualité pérenne pour lui redonner un avenir; tous les 10 ou vingt ans, il faudra reprendre les travaux dans ces opérations en y injectant à nouveau de l’argent public.
    La démarche indispensable à mon sens consiste à étudier chaque ilot ou portion d’ilot constituée de groupes d’immeubles mitoyens et homogènes à fort handicap (structure, éclairement, qualité du bâti) pour concevoir un projet d’ensemble d’intérêt public, comme s’il s’agissait d’une opération unique sur un foncier libéré: ne rénover que ce qui en vaut la peine, démolir et reconstruire en respectant des principes volumétrices, des règles simples de traitement des façades et des ouvertures, faire entrer de la lumière en dédensifiant autant que nécessaire, penser à la qualité urbaine en même temps (commerces et activités en pieds d’immeubles, équipements publics), créer une offre diversifiée de tailles d’appartements, bref, en profiter pour construire durablement. Les bâtiments de France, souvent crispés dans un conservatisme compréhensible vu leur fonction, devraient accompagner intelligemment ce mouvement au lieu de figer ce vieux centre mal bâti et inconfortable à vivre et le conserver dans le formol
    Faut-il d’autres opérateurs? d’autres modes opératoires? Oui, certainement. la tâche est immense.
    Je n’ignore pas les difficultés juridiques (copropriétaires, commerces) ni les contraintes de relogement, mais l’avenir du centre justifie que soient pris les grands moyens et l’utilité publique autant que nécessaire; l’argent public sera mieux dépensé à équilibrer les bilans d’opérations conçues pour des décennies, qu’à financer à répétition les opérations cosmétiques en cours qui ne bénéficient qu’aux spéculateurs.
    Du temps de Gaston Defferre, les organismes HLM ou d’économie mixte, bailleurs engagés sur la Ville pouvaient se voir mobilisés d’autorité sur de tels sujets, pour démultiplier l’action publique en autant de projets: pourquoi ne pas récidiver et affecter à chacun des “volontaires fortement sollicités” un ilot ou une partie d’ilot, dans un cahier des charges précis, sous l’autorité d’un chef de projet urbain à la Ville?
    L’action foncière peut justifier à l’amont l’intervention d’ un opérateur public dédié pour les cas les plus ardus; mais il me semble que découpler l’action foncière du montage opérationnel de reconstruction-rénovation peut interdire la recherche de montages juridiques associant certaines copropriétés et bénéficiant ainsi à l’économie de chaque projet et un gain de temps substantiel
    Mobiliser les organismes HLM encore dynamiques aujourd’hui sera également indispensable pour préparer et gérer les relogements provisoires ou définitifs de chaque projet
    Faut-il s’obliger à reloger sur place tous les habitants actuels? Il y a eu des guerres idéologiques stériles sur ce sujet: les uns voulant profiter des opérations de rénovation urbaines pour bouleverser le peuplement du centre jugé indigne du standing d’une grande ville, les autres arcboutés sur la défense et le maintien sur place des habitants démunis contribuaient involontairement à la fossilisation du centre; ici encore la réalité doit imposer sa loi: créer une nouvelle offre immobilière par une diversification de taille et par accroissement du confort des logements créera un apport de familles d’autres quartiers et une fluidité de l’offre et de la demande inconcevables aujourd’hui dans ce secteur qui est un cul de sac sociétal; l’extrême difficulté du relogement obligera à rechercher le maximum de solutions de relogement sur place; le cahier des charges, la concertation ouverte avec les habitants, permettront de trouver les bons curseurs , s’il y a un capitaine digne de ce nom à bord du navire ou un chef de projet légitime et soutenu.
    Euroméditerranée, opération d’intérêt national lancée dans le mandat Vigouroux est de fait une mise sous tutelle partielle de la Ville pour tout ce qui touche à l’urbanisme et aux permis de construire dans le périmètre qui lui a été dévolu. Le DG, patron de fait dans l’établissement public est nommé par l’Etat et le Conseil d’administration n’a aucun rôle opérationnel. Cela a plutôt bien fonctionné au bénéfice de Marseille et des marseillais. On pourrait être tenté d’ étendre la compétence d’Euromediterranée au Centre ancien de Marseille, mais il faudrait pour cela que l’Etablissement Public change totalement de méthode d’aménagement. Le tissus immobilier du centre n’a rien à voir avec les secteurs d’entrepôts ou de docks de Joliette et d’Arenc aménagés dans de grandes ZAC. Il lui faudrait se démultiplier et s’adapter à une multiplicité de petites opérations, à l’extrême complexité juridique et foncière, assumer une concertation permanente engageant une réelle responsabilité politique de proximité et disposer de solutions externes de relogement : ce schéma d’un Euroméditerranée élargi semble une fausse bonne idée.
    Pour refaire un centre digne de ce nom à Marseille, il faudra donc en passer par une nouvelle gouvernance municipale, une équipe projet dédiée au centre et une multiplication de petites opérations publiques de restauration-rénovation confiées à des opérateurs de confiance (HLM, Sociétés d’Economie Mixte) soutenues et contrôlées par la municipalité nouvelle.

    Choukran

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    • petitvelo petitvelo

      Je prépare mon bulletin de vote !

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    • Forza Forza

      Choukran Choukran. Cela vaudrait un billet dans l’Agora.

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    • corsaire vert corsaire vert

      Bien tourné et convaincant en première lecture cependant vous semblez proposer un aménagement du centre ville semblable à celui de la réhabilitation de la rue de la République où la population à petits revenus n’a pu y revenir après évacuation en raison des loyers trop élevés .
      Un tel financement issu de fonds privés vise en effet à réaliser une vitrine …vide des logements vacants et une rue morte .
      Le centre ville doit être reconstruit en partie, je suis d’accord, mais en logements sociaux afin que la population actuelle n’en soit pas chassée mais relogée dignement .
      En effet les projets -vitrine de” matuv” n’ont pas leur place à Marseille, ville multiculturelle d’accueil depuis sa fondation .
      Un centre ville déserté donné en pâture aux promoteurs , non merci !
      Je préparerai mon bulletin de vote en fonction de la nature des projets des candidats même si je ne me fais pas trop d’illusions sur les promesses de campagne !
      Les Marseillais devront être vigilants pour que leur ville ne soit pas transformée en site touristique où les emplois se réduiront à de la domesticité et au chômage .

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  4. theob235 theob235

    Un commentaire fouillé et rempli de vérités, même contradictoire!! C’est effectivement de là que doit partir la réflexion du réaménagement de Marseille, de son Centre, mais également de ses grands axes en mutation, en évolution, en piétonnisation si j’ose dire… Où trouver cet espace de discussion urbanistique et environnemental où chaque citoyen, partisan ou non, militant ou non pourrait échanger et proposer?? Je suis intéressé…

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    • Forza Forza

      Le collectif Ouishare a organisé un événement en ce sens (bien que le thème en ai été plus large) en juin dernier https://www.ouishare.net/events/panoramars
      Hasard du calendrier, je discutai cet après-midi de la suite à donner à cette opération avec la coordinatrice de Ouishare Marseille. Le premier événement avait été financé par la Fondation BMW https://bmw-foundation.org/ — il nous faudra trouver une meilleure solution pour le 2e épisode. 😉 On vous tiendra au courant.

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  5. Forza Forza

    Merci Violette. On y voit plus clair, et comme toujours c’est bien plus complexe qu’on aimerait le croire. Tout comme les entreprises de travaux, les juristes ont du pain sur la planche…

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  6. Jb de Cérou Jb de Cérou

    A corsaire vert
    Je suis bien en accord avec vous; la rue de la République est un contre exemple; ne pas oublier qu’elle appartenait en bloc à une société privée qui s’est revendue plusieurs fois dans une vision purement spéculative; Les petits immeubles du centre avec des centaines de petites copropriétés sont d’une tout autre nature juridique et capitalistique; mon idée de confier chaque ilot à restructurer après études et concertation à un organisme public ou para public (HLM ou société d’économie mixte) intègre totalement la contrainte (impossible de faire autrement) et l’objectif social de reloger sur place le maximum de personnes avec des loyers accessibles
    Choukran

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  7. remisoulier remisoulier

    Peut-on reprocher aujourd’hui à la mairie d’agir – certes trop tard- sur la base d’un état de nécessité, notion de droit pénal qu’on pourrait ici transposer en matière de droit public.
    L’action potentiellement illégale serait alors justifiée par la nécessité d’éviter un péril grave et imminent.
    Les victimes du 5 et celles -à un moindre titre- collatérales d’aujourd’hui ne sont elles pas aussi et en partie celles de l’atermoiement face au risque juridique.

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