Après des mois de tensions, la Ville acte la fin de son soutien financier au théâtre Toursky
La subvention de 950 000 euros que le théâtre devait percevoir ne figurera pas au menu du conseil municipal de Marseille du 28 juin prochain. La structure est lestée par un déficit important que la Ville n'est pas en droit de combler. En outre, le parquet a ouvert une enquête pour escroquerie et abus de confiance concernant l'association exploitante.
Le théâtre Toursky à Saint-Mauront. (Photo : Google maps)
C’est désormais une certitude. L’enveloppe de 950 000 euros censée être accordée au théâtre Toursky par la Ville de Marseille, au titre de l’exercice 2024, ne sera pas inscrite dans la liste des subventions soumise au vote lors du conseil municipal du 28 juin prochain. Et, par voie de conséquence, cette somme ne sera pas versée par la commune à l’association qui exploite le théâtre cofondé par le comédien Richard Martin, décédé en octobre dernier. Comme en avril dernier, les services municipaux ont émis un avis défavorable au versement de ces subsides.
“Ce, en raison d’un cumul de difficultés”, explique Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture au maire de Marseille, pour justifier cette décision. Selon lui, ces problématiques tiennent en plusieurs points. D’abord une situation financière dégradée pour l’association Compagnie Richard Martin – Théâtre Toursky, lestée par une dette importante, qui s’élevait autour de 300 000 euros en avril dernier, selon les équipes municipales et “d’un peu plus de 200 000 euros”, selon la directrice des lieux et veuve de Richard Martin, Françoise Martin-Delvalée, interrogée sur ce point par Marsactu en avril. De nouveau sollicités, la directrice et le service communication du théâtre n’ont pas donné suite. Contactée, Geneviève Maillet, l’avocate de l’association, dit ne pas avoir le temps d’évoquer le sujet et préfère nous raccrocher au nez.
Alerte du commissaire aux comptes
“Nos services, confortés par nos avocats, ont renouvelé leur alerte et leur avis défavorable. Car verser cette subvention mettrait la Ville en situation de soutien abusif, avec un risque déraisonnable de mésusage des deniers publics”, détaille-t-on au sein des services municipaux. Pour rappel, un soutien financier engagé par une collectivité à l’égard d’une association dont l’activité est gravement déficitaire peut être considéré comme abusif et engager la responsabilité de cette collectivité, si cette aide sert à pallier une situation de cessation de paiement.
Or, comme Marsactu a pu se le faire confirmer, le 30 avril dernier, la présidence du tribunal judiciaire de Marseille est “destinataire [d’un] courrier d’information de l’alerte émise par le commissaire aux comptes” de l’association. Le professionnel, garant de la sincérité et de la régularité des finances de la structure, alerte alors sur la situation de fragilité de l’association qui exploite le théâtre. De fait, le non-versement de la subvention par la Ville risque de placer le théâtre en situation de cessation de paiement. Le 7 mai, la structure a demandé au tribunal judiciaire la nomination d’un mandataire ad hoc pour régler cette problématique. “Mais à part réclamer une subvention, il ne dit pas comment le théâtre est en capacité de sortir de cette situation”, reprend-on à la mairie, après avoir échangé avec l’intéressé.
Trois présidents en huit mois
Outre “ce manque de gages pour l’avenir”, Jean-Marc Coppola souligne qu’en parallèle “une enquête est ouverte par le procureur de la République de Marseille pour des faits graves en lien avec la gestion des deniers publics”. Le parquet de Marseille confirme son ouverture pour des chefs d’escroquerie et abus de confiance. Dans ces conditions, “la décision n’est pas prise à la légère, mais la Ville doit prendre ses responsabilités”, dit-il et donc ne pas accorder cette somme au théâtre.
Cette situation de déficit se double d’une “grande instabilité” au niveau de la structure, plaide l’adjoint. “Le conseil d’administration de l’association a connu trois présidents en huit mois et ils s’attaquent entre eux via diverses procédures.” Ce qui pose, selon l’élu, des questions sur la pérennité de l’exploitant comme sur ses capacités à sortir de la crise.
La commission de sécurité pointe des défaillances
Enfin, l’association qui exploite le théâtre – dont les murs appartiennent à la commune – l’occupe sans bail depuis une dizaine d’années. Au début de l’année 2023, la Ville propose la signature “d’une convention d’occupation temporaire” d’un an renouvelable deux fois, ce que la direction refuse alors. Depuis lors, l’association occupante ne bénéfice pas de titre d’occupation. “Ce n’est pas le point le plus bloquant. Mais cela pose des problèmes, notamment pour ce qui est de l’entretien du bâti“, souffle-t-on en mairie.
La commission communale de sécurité est passée mercredi 12 juin au théâtre. Elle relève plusieurs points tels que la nécessité de remplacer l’ensemble des détecteurs incendie, un boîtier d’alarme incendie hors service, ou encore des éclairages de sécurité et d’évacuation non conformes… L’avis définitif de la commission devrait être rendu le 5 juillet, ce qui laisse au théâtre le temps de réaliser certains de ces travaux. À défaut, elle pourrait émettre un avis négatif, qui pourrait entraîner une fermeture temporaire de l’établissement, “par souci de préserver la sécurité des personnels comme du public qui fréquente cet équipement”.
Le devenir des salariés
Les personnels, justement. Ils sont une vingtaine. “Nous prenons leur situation très au sérieux. On s’engage à les accompagner et à leur trouver des solutions”, poursuit Jean-Marc Coppola. En cas de fermeture du théâtre, les services municipaux assurent “ne pas vouloir les laisser le bec dans l’eau” et disent envisager “la mise en place d’une cellule RH chargée de les recevoir, d’analyser les situations individuelles, de voir comment ils peuvent être orientés, pourquoi pas intégrés aux services de la commune”.
Surtout, la Ville promet que, quoi qu’il advienne, le théâtre Toursky restera un équipement culturel dédié au spectacle vivant. “Ce théâtre est un lieu extrêmement important pour le territoire sur lequel il est installé. Avec la médiathèque Loubon qui va pousser non loin de là, les potentiels de développement et de rayonnement pour cet équipement sont très grands”, poursuit Jean-Marc Coppola. À se projeter ainsi vers “l’après”, la mairie de Marseille acte son désir de sortir de cette crise qui dure depuis de plus d’un an avec la direction de ce théâtre. Et marque son ambition de voir s’écrire de nouvelles pages dans la vie du lieu.
Commentaires
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Vu l’ensemble des faits exposés, il n’ya rien à redire, je trouve que la mairie tient une ligne correcte. Le Toursky a vecu, Richard Martin y a fait des choses magnifiques dans les années 1990-debut 2000 ; vue la situation actuelle il est temps de tourner la page.
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Oui, R. Martin a fait des choses extraordinaires. Il parait même qu’il a essayé de monter “Les maîtres chanteurs de Nuremberg”.
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