Anne-Laurence Petel offre au RN sa première victoire aixoise

Anne-Laurence Petel au soir du second tour. (Photo : ML)

“J’avais fait, avec le soutien des militants et des citoyens, un choix. Ce choix n’est pas gagnant ce soir. Donc je m’incline. Je viens de la société civile, je repartirai dans la société civile. Mais je ne quitte pas la politique pour autant.” C’est avec ces mots que ce dimanche 7 juillet, Anne-Laurence Petel met fin à son aventure en tant que députée macroniste de la 14e circonscription des Bouches-du-Rhône.

La candidate Renaissance avait promis qu’elle pouvait l’emporter en refusant de se désister, alors qu’elle était arrivée troisième derrière Gérault Verny (Rassemblement national) et Jean-David Ciot (Nouveau front populaire). Mais elle perd son pari, aussi bien électoral que personnel, ainsi que son siège au Parlement, au profit du candidat d’extrême droite. Arrivée au palais Bourbon en 2017 avec la vague macroniste, elle quitte l’Assemblée nationale avec le deuxième reflux, aussi bien au niveau national que départemental, qui laisse place à de nouveaux députés du RN.

Pour annoncer la nouvelle de sa défaite, son équipe a donné rendez-vous à la presse au restaurant La Mado, place des Prêcheurs à Aix-en-Provence. Avec une heure de retard, Anne-Laurence Petel arrive finalement les larmes aux yeux. Elle prend le temps de remercier une poignée de ses soutiens avant d’affronter les caméras et appareils photos des journalistes qui ont scruté toute la soirée cette seule triangulaire du département. Et les chiffres sont là : troisième au départ, elle l’est aussi à l’arrivée, mais de manière plus lourde. Ses concurrents gagnent tous deux plus de 4000 voix, quand elle en perd 1300. Loin du report de 10 points théorisé dans sa profession de foi, qui devait la placer en tête à près de 40 %.

Victime de la macronie

“L’ennemi de la gauche ce n’était pas le RN c’était moi. Nous avons tous été harcelés, littéralement insultés, bousculés même pour ma suppléante, dénonce Anne-Laurence Petel. Cette dernière semaine m’a confortée dans mon choix de me maintenir”. Le discours a été bien préparé avec sa garde rapproché et les éléments de langage sont posés sur un carnet A4. “Les Aixois me l’ont demandé, beaucoup ne se voyait pas faire un choix entre une gauche communautariste et un RN identitaire”, défend, encore, la députée sortante. Toujours selon cette dernière, son désistement au profit d’un front républicain n’aurait rien changé : “Mon collègue Jean-Marc Zulesi perd aussi dans la 8e circonscription, pourtant il avait un front républicain lui”.

L’analyse de la courte défaite de son voisin de l’Ouest vient toutefois contredire cette absence de discipline des électeurs : dans l’entre-deux-tours, le Salonnais gagne 15 400 voix, davantage que les 14 000 bulletins réunis par son concurrent LFI dimanche dernier. Ce qui lui a permis de tout de même talonner le RN, avec seulement 329 voix d’écart. Jean-David Ciot en avait, lui, moins de 1500 à rattraper.

Amertume contre la famille Joissains

Anne-Laurence Petel termine son discours. Alors que ses équipes la pressent de rentrer dans le restaurant, elle ne peut s’empêcher d’ajouter un commentaire pour tenter de justifier sa situation. Ainsi, elle réagit à l’interpellation d’un journaliste sur “les intérêts locaux qui auraient pu jouer dans sa défaite, notamment ceux de Sophie Joissains”, la maire UDI d’Aix-en-Provence et son adversaire politique depuis quelques années.

“Sincèrement, je n’en sais rien aujourd’hui. Quand vous avez une famille Joissains qui choisit de supporter logistiquement des candidats, il y a un petit problème de cohérence politique, avance-t-elle sans préciser son accusation. Ou alors, il y a une autre façon d’envisager la politique que d’être cohérent sur une ligne idéologique”. Et d’ajouter : “mais je ne vais pas faire porter le chapeau à qui que ce soit”.

Du côté de l’hôtel de ville d’Aix-en-Provence, cet argument fait rire. Bien sûr, l’entourage de la maire s’est réjoui des résultats décevants d’Anne-Laurence Petel du premier tour : “C’est logique, l’inverse aurait été étonnant de notre part”. Cette fois-ci, pas de commentaire officieux, Sophie Joissains prend la parole après l’annonce des résultats devant la mairie. “Il y a une force politique qui n’était pas du tout implantée avant sur Aix”, regrette-t-elle au sujet de l’élection du RN Gérault Verny. Au sujet d’Anne-Laurence Petel, elle déclare : “Face à son miroir, elle saura voir qui est responsable”.

Quel avenir politique à Aix ?

Le fait de ce soir c’est qu’on a changé de député au conseil municipal d’Aix

Marc Pena, conseiller municipal et nouveau député PS

“J’aurais préféré que Jean-David Ciot soit élu, je le connais et il est tout à fait modéré et responsable”, reconnaît, enfin, officiellement la maire. Si elle avait soutenu Mohamed Laqhila (MoDem), candidat finalement perdant, sur la 11e circonscription, elle était jusqu’ici restée discrète sur le cas de son opposante Anne-Laurence Petel. Cette dernière risque se voit aujourd’hui bien affaiblie, alors que le combat entre les deux femmes aux prochaines élections municipales de 2026 semblait déjà tout tracé.

“Le fait de ce soir, c’est qu’on a changé de député au conseil municipal d’Aix”, préfère s’amuser Marc Pena, élu d’opposition aixois, troisième homme annoncé dans cette quête au fauteuil de maire dans deux ans. Et maintenant député fraîchement élu dans la 11e circonscription sous la bannière du NFP.

Autour d’Anne-Laurence Petel, “on a ordre de ne pas parler”, avoue-t-on. Mais face à l’annonce de la défaite de leur championne, certains n’arrivent pas à cacher leurs émotions. “On a pris une grosse claque”, assume ainsi un de ses soutiens. Mais malgré les résultats du soir, une certaine incompréhension règne. “Est-ce qu’il y a pas un problème avec les bulletins blancs ? Et l’abstention peut-être ?”, s’interroge une de ses proches. Et pour cause, tout son entourage l’a suivi à corps perdu dans son pari électoral. “C’est horrible. Quand tout est écrit, ça ne marche jamais. Mais on aura tout donné, je n’ai aucun regret”, souffle un militant.

Le déshonneur et la défaite

“Il était évident que la dynamique était à gauche et à l’extrême droite. Ne pas le voir, c’était être aveugle”, peste le candidat malheureux de l’union de la gauche dans la 14e circonscription, Jean-David Ciot. L’ancien député est la dernière personne à prendre la parole dans la soirée pour donner le dernier coup de pelle sur la tombe électorale d’Anne-Laurence Petel. “Ce soir, c’est bien dommage que madame Petel ait choisi son aventure individuelle, commente le maire PS du Puy-Sainte-Réparade. Elle porte une responsabilité politique qu’elle assumera.” À gauche, nombreux ont été les messages lui attribuant “le déshonneur” en plus de la “défaite”, jusqu’au maire de Marseille Benoît Payan et au premier secrétaire du PS Olivier Faure.

Avec la première place de la gauche au niveau national, l’enjeu de ce siège n’est plus d’amener Jordan Bardella à Matignon. Mais Jean-David Ciot regrette “qu’ici, on aurait pu avoir un député d’extrême droite en moins”. Le nouveau député RN de la 14e circonscription est lui le grand absent de la soirée. Contacté par Marsactu, il n’a pas répondu pour commenter cette victoire inédite à Aix pour sa formation politique. Pas de signe de lui non plus autour de la mairie pour célébrer son résultat. Un observateur local souligne : “Il n’y avait pas de RN avant à Aix. (…) Celui-là, il était pas prévu au programme.” Mais maintenant si. Aix-en-Provence a (aussi) son député d’extrême droite.

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