Allan Popelard, candidat de “la discipline” insoumise face au sortant Hendrik Davi

Le candidat LFI Allan Popelard lors d'un tractage devant l’école de la Feuilleraie le 18 juin. (Photo : JML)

Les binômes de militants pour aller taper aux quelque 400 portes de la copropriété Beausoleil (4e arrondissement) tardent à se former et Allan Popelard commence à s’agacer. L’impatient est en mission, celle confiée par la commission électorale de la France insoumise, pour devenir député de la 5e circonscription de Marseille sur le programme du Nouveau front populaire. Son nom est venu remplacer celui du député insoumis sortant Hendrik Davi, éconduit comme quatre autres au niveau national, dont Alexis Corbière ou Raquel Garrido.

Accusations de “purge”, critique des autres composantes de l’union de la gauche, maintien de la candidature Davi : Allan Popelard démarre dans un contexte troublé. Le prof d’histoire-géo, éditeur et journaliste, notamment au Monde diplomatique, est annoncé dans la ligne : proche de Manuel Bompard, le coordinateur du mouvement, et membre de l’institut La Boétie, le centre de formation et de réflexion insoumis que préside Jean-Luc Mélenchon. Il balaie d’emblée nos questions sur le sujet : “Le contexte ne permet pas d’états d’âme. Je suis celui qui dans le moment porte un programme pour le Nouveau front populaire pour gagner contre l’extrême droite et Emmanuel Macron.” 

“Comment il va Hendrik ?”

Mais le contexte politique va le rattraper dans le hall d’un des bâtiments de la cité. Il y a d’abord Raoul, la soixantaine souriante et membre du Parti socialiste “jusqu’à la déchéance de nationalité” : “Comment il va Hendrik ? Pourquoi ? Est-ce qu’il a démérité ? Franchement, c’est du délire. Méluche a déconné à fond comme avec Corbière ! Vous avez pas une place à l’Ehpad pour lui ?” Allan Popelard qui “accepte de prendre de coups” s’applique à “les rendre“. “Les insoumis locaux et du comité électoral n’ont pas souhaité lui accorder l’investiture insoumise parce que les désaccords prononcés par Hendrik Davi étaient trop profonds”, assure-t-il malgré l’opacité entretenue par le mouvement sur son fonctionnement interne. La discussion s’étire et Raoul, qui salue sa “force de conviction” pense finalement lui “accorder [son] vote. Il y a trop péril en la demeure pour éparpiller les voix.”

Il fallait le mieux à même de porter le programme, mais aussi le mieux à même de porter la ligne du mouvement.

Allan Popelard

Sorti de cette ornière, Allan Popelard rencontre immédiatement Claire, 61 ans. Cette instit’ inscrite à la “réserve citoyenne” soutient le Nouveau front populaire et partage les mêmes inquiétudes : “Je voterai à gauche, mais pas forcément pour lui. Par esprit de contradiction, parce que ça m’a tellement gavée que Mélenchon vire les cinq.” Le candidat se crispe un peu : “Il fallait le mieux à même de porter le programme, mais aussi le mieux à même de porter la ligne du mouvement. Il fallait de la clarté et – le mot n’est pas à la mode – de la discipline.” À ses côtés, sa suppléante Charlotte Deweerdt, elle aussi membre de LFI, souffle : “Au début, la notion de discipline me heurtait, mais elle sert à la clarté. Car il y a beaucoup de confusion avec la configuration de cette circo.”

“La gauche de Mélenchon”

“Ce sont des réflexions de militants”, se rassure Allan Popelard. Les autres rencontres dans ce quartier, à la lisière du 4e arrondissement, le poussent à croire que ce sont d’autres considérations, moins politiciennes, qui guideront le choix dans les urnes.  Le candidat nous a donné rendez-vous dans un quartier qui lui est favorable. Le 9 juin aux européennes, Manon Aubry y est arrivée en tête, juste devant Jordan Bardella, autour de 26 % des voix. À la sortie de l’école de la Feuilleraie, le candidat tente d’accrocher les regards avec un mot d’ordre simple autour des “trois seules personnes qui sont connues” : “Nous, c’est le vote contre Macron et Le Pen. Nous, c’est la gauche de Mélenchon et d’autres formations politiques”. En attendant 16 h 30 et la sortie des minots, Manale et Lili, toutes deux d’origine algérienne, écoutent avec attention le candidat. “On est concernées évidemment. Si Marine passe… elle rigole pas, elle. Et Macron aussi, pour moi, il parle que des Maghrébins”, répond la seconde dans un rire inquiet. Mais les modalités de vote leur sont encore floues. Alors, Allan Popelard rappelle les deux tours des 30 juin et 7 juillet.

L’aspirant député s’accroche à son programme comme à un talisman. Rien ne doit dépasser. S’il promet de “construire des écoles” à une autre maman, il refuse de donner sa position sur le plan Marseille en grand, décidé par le président de la République pour la ville et dont un pan entier concerne le thème en question : “Le programme ne s’est pas positionné dessus. Ce n’est pas le moment de parler de ça.” On cherche alors à comprendre quel parlementaire il serait, quels sont ses tropismes, en vain : “Ce n’est pas le sujet, je défendrai le programme du Nouveau front populaire”. Tout juste consent-il à dresser trois priorités : demande de cessez-le-feu à Gaza, hausse du salaire minimum et une “loi d’envergure” pour une école “totalement gratuite”, des fournitures à la cantine.

“On a 15 jours pour remplir le frigo”

Accompagné de quatre militants, Allan Popelard traverse la rue et s’attable à la boulangerie avec deux retraitées en gilets jaunes, chargées d’assurer la sortie des classes. À 68 ans, Marie-Claude vient de prendre ce petit boulot. “J’ai une retraite de 1000 euros et j’ai déjà un loyer de 650 euros par mois, je vais travailler pour vivre tout simplement”, s’émeut-elle. Elle attend son premier salaire fin juillet, sans en connaître le montant. “224 euros par mois et vous êtes pas payée pendant les vacances”, devance Popelard, qui multiplie les sorties d’école depuis son investiture.

Cette mère de policier s’émeut que les délinquants “rentrent en taule et ressortent tout de suite”, demande qu’on “respecte la police” et s’apprête à aller voter pour le Rassemblement national : “Je pense qu’il faudrait essayer.” Le candidat argumente : “Le programme du RN est un désastre social. Nous, on veut augmenter les salaires et les petites retraites, bloquer les prix sur les produits de première nécessité, faire baisser la facture d’électricité”. “Et les déficits ?”, rétorque Lili. “On veut mettre fin aux privilèges dès le 4 août !” La séquence se conclut positivement pour le candidat : “vous avez deux votes !” Il les exhorte à faire davantage : “On a 15 jours pour aller convaincre, 15 jours pour remplir le frigo !”

Au parc voisin, le candidat pousse les mêmes phrases d’accroche, les mêmes arguments. Un genou à terre ou accroupi face aux mères de famille qui surveillent leurs enfants perchés sur les structures de l’aire de jeux, il note soigneusement au stylo son nom sur les tracts signés du Nouveau front populaire. La campagne a commencé sans matériel personnalisé et le 30 juin, Popelard doit s’assurer que les soutiens de cette union de la gauche ne choisissent Hendrik Davi. Comme les autres “purgés”, le sortant a adopté la charte graphique du Nouveau front populaire et devrait être mis en demeure de cesser par la France insoumise. Une bataille fratricide comme une tache sur l’union.

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