Alain Richard : la métropole "pose un problème de légitimité"
Alain Richard : la métropole "pose un problème de légitimité"
En commission des lois, vous avez voté contre le report d'un an du projet de métropole qui tombe selon vous dans "l'erreur d'un mariage forcé". Pourquoi ?
J'émets un avertissement pour qu’on ne légifère pas par autorité dans un contexte de forte opposition de la quasi totalité des maires hors de Marseille à entrer dans un établissement de coopération intercommunale, qui exerce il faut le rappeler de très larges compétences des communes. Depuis une trentaine d'années que nous développons la décentralisation, les constitutions d'intercommunalités se fondent sur des abandons de pouvoir volontaires. Cela ne requiert pas l'unanimité, mais une disproportion aussi forte pose un problème de légitimité. D'autant qu'on peut penser qu'en vue des prochaines élections municipales, les maires vont durcir leurs positions, souvent avec un argumentaire problématique vis-à-vis de Marseille, pour ensuite en cas de réélection se draper dans le mandat populaire. C'est faire démarrer la nouvelle structure dans les plus mauvaises conditions.
Sur le fond, vous n'êtes pas convaincu de l'avantage de la solution proposée par le gouvernement.
Il ne faut pas oublier le temps et l'énergie que consomme la réforme de chaque structure administrative. Pendant ce temps là, on ne fait rien d'autre. En 82, aux côtés de Gaston Defferre, j'étais évidemment favorable lorsqu'on a dit que ce ne serait plus le préfet mais le président du conseil général qui gérerait le département ; mais il a fallu 1 an et demi avant les premières décisions. Alors qu'on a des communautés qui existent, même si elles ont certainement leurs insuffisances, on mettrait tout ça à bas ? Il y a dans ce projet une transformation lourde de structures administratives qui me paraît être un risque de gaspillage, de temps et d’énergie.
Mais ne pas adopter le texte ne mènerait-il pas à l'immobilisme ? Beaucoup doutent de la volonté des maires et intercommunalités existantes à réellement coopérer.
C'est toujours une mauvaise approche politique que de dire « il y a ma solution ou rien ». Il y a des alternatives. Même si j'ai dit à mes collègues que je ne peux pas prendre leur projet d'EPOC comme une base crédible. Devant celui qui dit « je vais inventer un nouveau système qui n'existe pas aujourd'hui », alors que nous avons une large palette de formes communautaires, je me pose des questions. Une possibilité existe déjà dans la loi : le pôle métropolitain – ce que j'appelle en français une coopérative des communautés existantes. Il faudrait à coup sûr y inclure les transports – où c'est le maintien de l'organisation actuelle qui constitue un gaspillage – et sans doute une partie de l'aménagement du territoire. Sur ce dernier point, je fais preuve de beaucoup de retenue car c'est un sujet politique majeur et je partage les réticences des maires : avant de confier les clés de l'aménagement du territoire, on y regarde de près, surtout dans une agglomération où des erreurs d'urbanisme aussi massives – comme les quartiers Nord – ont été commises dans le passé. Mais en tout cas cette formule est un moyen terme réaliste qui aurait des effets concrets.
La crainte est que les ressources financières de ce pôle soient limitées en l'absence de transfert de la part des intercommunalités
Si on prend un cadre de compétence limité, l'effet de ponction sur les finances est lui aussi limité…
A la commission des lois, vous évoquiez aussi la « crainte du système qui s'est organisé depuis longtemps pour gérer Marseille et qui a conduit à sa dégradation »…
Je ne suis pas le seul à le dire… On ne peut pas regarder sans crainte certains comportements politiques. Quand Gérard Collomb dit « on ne peut pas laisser Marseille comme ça », je suis 100% d'accord. Mais je crois percevoir qu'il y a quand même une évolution urbaine et sociale de Marseille que les autres communes n'ont pas envie de voir se reproduire sur leur territoire. Il faut faire tout ce qui est nécessaire pour conduire à la confiance, les élus marseillais devraient essayer d'être plus convaincants sur le fait qu'ensemble ils pourront faire progresser les conditions de vie au lieu d'amener à une contagion des problèmes.
La métropole ne permettrait-elle pas de repartir sur de bonnes bases, notamment en allégeant le rôle du conseil général vis-à-vis des communes ?
Non, justement. En pratique, les compétences communautaires sont gérées par des systèmes de compromis. On sait qu'il y a des intercommunalités qui fonctionnent selon des alliances non transparentes face auxquelles le contrôle de légalité n'est pas tout à fait suffisant. Dans un département sujet à un risque de clientélisme, je ne suis pas sûr que le passage de compétences au niveau communautaire soit un bon antidote.
Entretien relu et amendé légèrement par Alain Richard avant publication.
Commentaires
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On a déjà un syndicat mixte des transports qui ne fonctionne pas à cause d’un manque de volonté des élus à le financer et lui vient nous expliquer qu’il faut ici généraliser ce système dans un grand pôle métropolitain. Peut-être qu’ailleurs ça serait une solution pertinente, mais ici, ça n’est pas Cergy-Pontoise.
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“Pour conduire à la confiance”, il faudrait certainement des élus marseillais un peu plus crédibles que l’équipe discréditée qui gère aujourd’hui la ville.
Mais il ne faudrait pas pour autant que les élus des autres communes jouent aux oies blanches : la coopération des intercommunalités existantes, ils auraient pu la mettre en oeuvre depuis longtemps. Il suffisait de le vouloir, ça n’a manifestement pas été le cas.
Il n’y a pas eu seulement, dans cette agglomération, des erreurs d’urbanisme : créer une communauté urbaine riquiqui autour de Marseille, avec les habitants et les charges dedans, et les activités économiques et commerciales dehors, c’était aussi une erreur, et le plus sûr moyen d’aboutir à “une évolution urbaine et sociale de Marseille” liée au moins en partie à la faiblesse des moyens.
Quant au “département sujet à un risque de clientélisme”, comme en termes délicats ces choses-là sont dites. Et donc, puisque “risque” il y a, le mieux serait de conserver tel quel le département ? Je ne suis pas sûr de tout suivre…
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Merci à Marsactu de rééquilibrer un peu sur le fond de la métropole en réinvitant ceux qui ont d’autres idées que l’opposition.
Je vois venir le coup :
– interview des employés communaux devant le sénat jeudi sans leur demander leur billet de TGV payé par le contribuable
– interviews d’élus uniquement sur la gouvernance, jamais sur le contenu
– absence de sollicitation de la société civile (enseignants, patrons, monde de la culture, …)
– ignorance des conseils de développement.
On a connu Marsactu plus intelligent et plus prompt à relever un débat somme toute médiocre.
Donnez la parole à ceux qui ont des idées, pas à ceux dont le métier est de tout bloquer.
Merci.
Une très fidèle lectrice…
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Ce qu’il dit est loin d’être idiot mais en substance c’est ne faisons rien parce que c’est prendre trop de risques dans un département qui est mal géré que de faire en plus une métropole. Le statu quo c’est encore pire, il faut un changement extrêmement profond au contraire.
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Voilà une démarche d’un haut responsable politique,de surcroit hautement crédible, qui sème à son tour le trouble dans le processus de mise en place de la Métropole. Il est utile de revenir sur le constat édifiant des effets de la décentralisation. Ils nous montré l’inefficacité des EPCI et des communes face aux enjeux de l’aménagement du territoire, notamment les connections départementales des infrastructures de transports. Marseille a dû subir une transformation industrielle forcée par l’histoire récente; en effet des erreurs d’urbanisme massives – comme les quartiers Nord – ont pu être commises. Mais quelle grande ville, à la même époque, ne les a pas aussi faites.Les urbanistes ont pu apporter, à temps, une réponse opérationnelle de salut public. Qui était aux manettes du développement ? Certainement pas les responsables politiques actuels ! Les grandes décisions de planification urbaine, d’aménagements du territoire ainsi que les documents d’urbanisme d’application ont été élaborées dans les délais qui ont permis à cette cité de sortir du chaos. Depuis aucun document,d’échelle macroéconomique, ne les a remplacés. Aujourd’hui,Marseille assure toutes les centralités sociales et administratives et se tourne vers le tourisme international. Son port et ses accessoires doivent renaître par d’autres utilisations. Sa métropole possède des atouts remarquables dont la mise en valeur ne peut plus attendre. Laissons travailler les véritables maitres d’œuvre envoyé par l’Etat; les clés de l’opérationnalité ont été confiées trop longtemps à des dormeurs irresponsables..
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Alain Richard est bien loin de Marseille. Il feint d’ignorer la médiocrité des élus locaux, illustrés par ce pitoyable cirque des maires attachés à leurs baronnies.
Seule la métropole permettra à la fois de réaliser les projets structurants qui nous manquent et de faire émerger des responsables politiques d’un autre niveau.
En attendant, Mr Richard, ce sont les citoyens qui souffrent au quotidien, pendant que les élus locaux font les pitres…
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Alain Richard essaie, fort de son expérience en matière de décentralisation, de ramener la voix de la sagesse dans un débat accaparé par les élus, tant pro que anti; il a raison de parler de confiance, car c’est la rupture de ce lien de confiance entre Marseille et les collectivités voisines qui nous a amené dans l’impasse politique actuelle. Il ne dit pas “ne faisons rien”, il dit “ne passons pas en force”, ce qui ne ferait que contrebraquer les élus opposants, et par effet d’engrenage, les populations. Je suis d’accord avec @Akill : les citoyens doivent s’approprier le débat et mettre leurs élus devant leurs responsabilités; à l’heure d’aujourd’hui, on ne parle que d’institutions, de gouvernance, de compétences, mais RIEN sur le concret, RIEN sur ce que ça va apporter aux quotidien des populations ! Et la langue de bois des uns et des autres élus n’arrange rien…
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Un document intéressant qui propose un état des lieux de la situation actuelle et une analyse critique du projet de métropole, dont l’auteur a l’avantage d’être “à l’extérieur” : http://www.decentralisonsautrement.fr/wp-content/uploads/2013/04/NOTE-N%C2%B0-126-La-m%C3%A9tropole-de-Marseille.pdf
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Si on avait un doute, il est levé. Alain Richard n’a vraiment rien compris aux Bouches du Rhône. Et si le pourtour de l’Etang de Berre lui a fait croire qu’il était exempt de tout système, c’est vraiment qu’il lui a fait prendre des vessies pour des lanternes.
Comme si le système socialiste était limité à Marseille !! Andreoni mis en examen pour association de malfaiteur c’est Marseille ? Bernardini , c’est Marseille ; amiel c’est marseille ? Viguouroux, c’est Marseille ?
Catastrophique de voir la suffisance administrative d’un élu qui a fermé sa bouche pour avoir son poste de sénateur.
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En réponse à Alain Richard : “Fronde de sénateurs PS contre la métropole : La défaite du politique” – https://www.facebook.com/laurent.lhardit/posts/10151645536631248
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