Alain Belviso, l’autre élu du procès Guérini répond de son silence face à Alexandre

Actualité
le 23 Mar 2021
4

La justice soupçonne l'ancien président de l'agglo d'Aubagne d'avoir couvert les libertés prises par Alexandre Guérini avec son contrat d'exploitation de la décharge du Mentaure. Le bénéfice est chiffré au minimum à 4,5 millions d'euros.

Alain Belviso reviendra à la barre pour une affaire dans l
Alain Belviso reviendra à la barre pour une affaire dans l'affaire liée à des fausses factures. Dessin Ben8.

Alain Belviso reviendra à la barre pour une affaire dans l'affaire liée à des fausses factures. Dessin Ben8.

Il a choisi de démissionner il y a dix ans, après sa mise en examen. Contrairement à Jean-Noël Guérini, qui a poursuivi sa carrière politique et est encore sénateur, Alain Belviso a quitté la politique quand l’affaire l’a rattrapé. Si beaucoup ont été cités au fil de 11 ans d’enquête, il est l’autre élu du procès Guérini. Retourné depuis à des activités moins exposées tel que le conseil dans le privé, pendant dix ans, il a été le président communiste de l’agglomération aubagnaise.

À la barre ce lundi, Alain Belviso est poursuivi pour avoir toléré les tours de passe-passe d’Alexandre Guérini. Ceux-ci concernent la décharge du Mentaure, dont Alain Belviso avait la responsabilité tandis qu’Alexandre Guérini était son exploitant. La justice a concentré les poursuites sur le sommet des responsabilités. Il est ainsi le seul à répondre de l’action de l’ex-communauté du pays d’Aubagne et de l’Étoile. Exit le fonctionnaire chargé de suivi de l’exploitation, la responsable du service déchets et le directeur général des services (DGS). Après avoir été mis en examen, ceux-ci ont bénéficié d’un non-lieu pour avoir “alerté leurs autorités hiérarchiques respectives”. Quant au directeur de cabinet, il n’a jamais franchi le stade de témoin assisté.

Un élu retranché derrière son administration

Au fil des déclarations des agents, c’est donc à Alain Belviso que serait remontée la question embarrassante, par l’intermédiaire de son DGS : la société SMA environnement, propriété d’Alexandre Guérini, gonflerait ses revenus en accueillant dans cette décharge publique des “déchets privés” non prévus au contrat. “C’est [le DGS, ndlr] le seul à le dire”, croit écarter l’ancien élu à la barre. “Comme vous semblez avoir une grande confiance en lui, je me permets de le souligner”, rétorque la présidente Céline Ballerini.

Toute la matinée, Alain Belviso s’était en effet retranché derrière son administration, à commencer par son chef, le DGS, pour justifier son ignorance des détails et des péripéties du marché passé avec SMA environnement. Le fonctionnaire n’est pourtant pas le premier venu.

En 1998, Alain Belviso devient député. C’est le couronnement pour un “pur apparatchik sans charisme, monté en graine à l’ombre de [l’ancien maire PCF d’Aubagne] Tardito”, raconte à l’époque Libération. Il l’emporte de 20 voix mais l’élection est annulée par le Conseil constitutionnel. Son DGS fait partie des cinq personnes condamnées par la suite pour avoir falsifié les résultats. “Manifestement c’est quelqu’un qui est allé assez loin pour vous”, insiste la présidente.

Des soupçons de fausses factures examinés cette semaine
Initialement prévu dans la foulée, l’examen d’une petite affaire Belviso dans l’affaire Guérini lui vaudra de revenir un autre jour. À l’occasion d’une perquisition, les enquêteurs sont tombées sur cinq factures totalement étrangères à la décharge du Mentaure, mais qui ont éveillé les soupçons. Il s’agit de prestations qui auraient été réalisées pour un architecte, pour un total de 94 000 euros. Le juge d’instruction y voit une simple commission pour une “recommandation” de l’élu auprès de promoteurs, ce qui motive un renvoi pour faux et usage de faux.

Alain Belviso plaide pourtant l’ignorance. Il n’admet qu’une chose, Aubagne et ses voisins avaient un problème de poids : de l’avis presque général des acteurs du dossier, le précédent exploitant de la décharge, Bronzo, gonflait le nombre de tonnes traitées facturées à l’intercommunalité. On a perdu 6000 tonnes d’ordures ménagères [d’un exploitant à l’autre, ndlr]. Cela correspond à 12 000 habitants. Je ne crois pas que nous ayons eu une telle fuite de population ou que l’activité touristique de La Ciotat ou Cassis ait chuté brutalement”, ironise Belviso.

“Compléter” un marché trop peu lucratif

Cette base, surévaluée, figurait “à titre indicatif” dans le marché remporté par Alexandre Guérini, qui avait construit son tableau de marche économique sur ces chiffres. L’histoire part de là et de la volonté de ce dernier de “compléter” le tonnage réel pour atteindre les données présentées initialement. Un temps, Alexandre Guérini s’est plaint de l’impact sur sa société, mais aurait essuyé un refus de régulariser la situation. Ce hiatus n’est contesté par personne.

La ligne de défense d’Alexandre Guérini
“Refus de centre de tri”. La ligne figure, noir sur blanc, dans le contrat signé par l’agglo d’Aubagne avec la SMA environnement. Pendant plusieurs heures, Alexandre Guérini et Philippe Rapezzi ont tenté de justifier ainsi l’accueil de “déchets privés” au centre du Mentaure, au cours de débats passablement embrouillés. Pour eux, cela concernerait les déchets des professionnels (artisans, commerçants, jusqu’à un grand supermarché), dont la partie recyclable aurait été préalablement triée.
En jardon administratif, on parle de “DIB” pour “déchets industriels banals” et c’est aux professionnels de payer directement l’enfouissement. Cela relève d’une tout autre catégorie que les pots en plastiques mal triés de la poubelle jaune et qui finissent à la décharge. L’élimination de ces déchets ménagers est financée par une taxe payée par les particuliers (la TEOM). Le contrat n’est pas clair sur lesquels étaient visés.

Qui a décidé de laisser faire ? Avait-on des doutes sur l’illégalité de cette pratique ? “Je suis totalement étranger à cette question”, répond Alain Belviso, qui sur le fond, s’y oppose : “Notre priorité, c’est d’assurer le traitement des ordures ménagères dans la durée [les capacités d’enfouissement d’une décharge sont limitées, ndlr]. Il n’était pas question de permettre que d’autres déchets viennent l’obérer.” À côté de ce premier préjudice pour la collectivité, la présidente lui en souffle un autre : le caractère bien plus lucratif. Pour Alexandre Guérini, la tonne privée rapportait 55 euros contre une vingtaine pour les déchets ménagers des communes prévues dans le contrat. Les factures épluchées par un expert chiffrent le total des bénéfices ainsi engrangés à 4,5 millions d’euros sur trois ans.

Remuer de vieilles histoires prescrites

Mais tout cela ne semble pas remuer la moindre colère chez Alain Belviso. En plus de se défausser sur l’ancien patron de son administration, il nourrit un procès parallèle contre l’ancien prestataire Bronzo, filiale de la Société des eaux de Marseille (SEM). D’ailleurs, l’un et l’autre seraient de mèche, par le biais de liens familiaux forts, assure-t-il.

La présidente paraît peu impressionnée par ce qu’il lâche comme une bombe. Mais Alain Belviso se plaît à proposer un regard rétrospectif au tribunal. Il rappelait un peu plus tôt que la prise en main du Mentaure par la SMA environnement faisait suite à vingt ans d’hégémonie de Bronzo. Alexandre Guérini, qui a refusé de voir le moindre camion siglé Bronzo dans sa décharge, appuie son propos, parlant sans fard d’“escroquerie”.

Une “gestion défaillante” dont le préfet aurait été informé et qui aurait pu conduire à un “scandale politique” impliquant “un sénateur-maire UMP”, assure Alain Belviso. Près de vingt ans après les faits reprochés, difficile de les suivre pour remonter encore plus loin dans l’histoire. D’abord, il y a largement prescription. Ensuite, le préfet comme le sénateur en question sont décédés… “Mais on avait suffisamment de scandales avec les déchets, Entressen, l’incinérateur”, conclut l’élu. Dommage, ce n’était pourtant que le début…

Cet article vous est offert par Marsactu
Marsactu est un journal local d'investigation indépendant. Nous n'avons pas de propriétaire milliardaire, pas de publicité ni subvention des collectivités locales. Ce sont nos abonné.e.s qui nous financent.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. petitvelo petitvelo

    Si je comprends bien, M Belviso a fait moins pire qu’avant pour le traitement des déchets, mais pas au mieux non plus. Les secteurs du déchet et de l’eau semblent présenter peu d’acteurs vraiment vertueux.

    Signaler
    • neplusetaire neplusetaire

      Jadis pour avoir travailler dans le milieu du recyclage et d’ailleurs par la suite harcelée dans ce milieux très très spécial où j’ai découvert et connu l’établissement de fausses factures, deux bilans un pour les banques et pour les documents administratifs. Un vrai stock et un faux stock. facture réelle et facture minorée et… etc.. comme par hasard aucun ennui avec la justice, pas de syndicat, pas de défense du salarié pas content(e) casse toi la porte est ouverte…
      Langage cru, insultes et menaces…. Actuellement le recyclage est à la mode avec spots publicitaires, revalorisation des déchets…. Un monde impitoyable.

      Signaler
  2. Jacques89 Jacques89

    « Je ne crois pas que nous ayons eu une telle fuite de population ou que l’activité touristique de La Ciotat ou Cassis ait chuté brutalement” »
    Pour les eaux usées ce ne sont pas 12 000 mais 20 000 habitants qui sont perdues tous les ans. La Ciotat est probablement le siège d’une pandémie démarrée bien avant coronna. Mais on est rassuré, les services de l’Etat nous disent que tout est « normal »…Serais pas étonné que dans quelques années certains fonctionnaires se retrouvent à la barre… avec les successeurs de SEM.

    Signaler
  3. neplusetaire neplusetaire

    Oups pour avoir travaillé

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire