Aix-en-Provence, la ville qui n'avait pas de plan

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le 18 Avr 2013
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Aix-en-Provence, la ville qui n'avait pas de plan
Aix-en-Provence, la ville qui n'avait pas de plan

Aix-en-Provence, la ville qui n'avait pas de plan

Le courrier est signé du préfet et n'est pas tendre pour sa destinataire, la présidente de la communauté d'agglomération du pays d'Aix (CPA) Maryse Joissains. La Provence a publié les bonnes feuilles de cet avis donné par Hugues Parant – comme la loi le prévoit – sur le programme local de l'habitat (PLH), qui fixe le cap en la matière pour les six ans à venir. Projet recalé. Trop peu ambitieux, trop peu précis.

La CPA et la mairie ont d'ailleurs du mal avec les grandes orientations stratégiques : que ce soit sur l'urbanisme ou les transports, elle ne dispose d'aucun plan d'ensemble. Le seul existant déjà, le PLH, voit donc sa nouvelle version bloquée temporairement. Signe frappant relevé par les services de l'État : 7 communes sur 34 affichent des objectifs de construction de logements sociaux inférieurs au rythme de rattrapage imposé par la loi SRU. Fin mars, au comité régional de l'habitat, l'instance consultative qui regroupe tous les acteurs du domaine, l'avis a été appuyé par Colette Charriau, vice-présidente du conseil régional déléguée à l'habitat.

Pour des observateurs aixois, la raison de ces lacunes est avant tout politique. "Les élus préfèrent avoir les entreprises dans leur commune mais que les salariés habitent Marseille ou Brignoles. On voit les gens venir tous les matins, c'est délirant ce rythme de Parisiens", commente Jacques Fradin, président de l'association Devenir, qui rassemble des architectes locaux. "À Trets, nous avons tourné le dos au projet d'urbanisation qui portait la population à 15 000 habitants en 2015 [contre 10 000 aujourd'hui], et refusé de construire des barres HLM qui deviennent souvent des ghettos", écrit dans le magazine du "village" Jean-Claude Féraud, responsable du PLH.

Gouvernance difficile

"Les maires ont tous le même raisonnement : ne pas trop augmenter la population, abonde Jean-Louis Urbain, vice-président du conseil de développement du pays d'Aix. On n'inscrit donc dans les objectifs que ce qu'on est capables de construire sans politique foncière, sans mettre le paquet". Rappelons que l'enjeu de la construction de logement est, avant d'attirer de nouveaux habitants, de détendre un marché aux prix très élevés, source de difficultés pour les plus modestes et d'allongement des trajets domiciles-travail.

Mais derrière le fond il y a aussi la forme de la prise de décision politique dans l'intercommunalité : la recherche du consensus, pour ne pas dire le plus petit dénominateur commun. "On a un vrai souci sur tout ce qui est projection au-delà du mandat. Les diagnostics sont toujours très bien faits, mais quand il s'agit de basculer sur des propositions concrètes, ce qui nécessite des arbitrages entre ce que veulent les maires et les différents groupes de pression, il n'y a plus personne", tranche Jean-Louis Urbain.

D'autant que Maryse Joissains, maire de la ville centre, doit en tant que présidente de la CPA composer avec ses homologues pour garder la main sur la gouvernance. Celle-ci a été chahutée en 2010 et, dans un autre style, la métropole a grippé la machine : "Les maires se sont consacrés exclusivement à cette lutte, on expédie les affaires courantes", estime-t-il. 20 des 34 communes n'ont même pas voté d'avis sur le PLH en conseil municipal…

PLU en chantier depuis 12 ans

Comme le relève sur son blog Lucien-Alexandre Castronovo, élu dans l'ancienne majorité de gauche, c'est toute la planification qui pèche : pas de schéma de cohérence territoriale (Scot), censé dessiner l'avenir à l'échelle du territoire de la CPA, pas de plan de déplacements urbains, pas non plus de plan local d'urbanisme (PLU) pour la ville centre. Autant de documents qui, par un jeu de compatibilité et de hiérarchie, doivent normalement définir une stratégie globale à long terme.

À Aix-en-Provence même, le cadre et la vision sont encore des dérivés lointains du plan d'occupation des sols de… 1984. Dans la vingtaine de villes à la population voisine, elle est la dernière avec Clermont-Ferrand à ne pas avoir de PLU. Mais avec 180 km2, elle est une des communes les plus étendues de France, "or, quand on fait de l'urbanisme, c'est quand même sur des terrains", répond Hervé Gagneur, directeur adjoint des services chargé de l'urbanisme.

En tout cas, douze ans après le lancement du chantier, le bout du tunnel est désormais attendu au mieux avant la fin du mandat municipal. "Il y a eu une sous-estimation des délais nécessaires, on est en retard par rapport à ce qui a pu être annoncé, reconnaît Hervé Gagneur. Mais le délai ne me paraît pas anormal compte tenu de la multiplicité des problèmes. Nous avons à la fois ceux d'une commune urbaine de 140 000 habitants et ceux des communes rurales." Narbonne, avec 170 km2 et 50 000 habitants, a quand même réussi à mener ce travail entre 2009 et 2013.

"Une ligne politique"

Pour Lucien-Alexandre Castronovo, "il y a bien une ligne politique qui consiste à ne pas mettre en place les documents prévus par la loi. Récemment, l'adjoint aux finances Gérard Bramoullé a déclaré que tous ces plans sont des entraves". Seul exercice mené sans anicroche : le plan climat énergie territorial. La communauté d'agglo a bien pondu un plan de déplacements urbains (PDU) en 2005… mais il a été annulé par la justice trois ans plus tard.

Ça n'a pas empêché les transports de fonctionner depuis – avec des difficultés récentes pour le réseau aixois – mais la nouvelle mouture du PDU se fait quand même attendre. "Alors que les élections approchent, ils font des réunions publiques [depuis le 8 avril jusqu'au 14 mai] et annoncent 400 millions d'euros d'investissements, tirent des lignes partout. Mais ils ne le feront pas forcément car entre temps il y aura les municipales et ensuite ce sera versé au dossier de la métropole", grince Jean-Louis Urbain. D'ailleurs, si métropole il y a, il faudra rapidement remettre l'ouvrage sur le métier pour tous ces documents, à l'échelle des 89 communes.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e Electeur du 8e

    Encore un modèle de gestion dont les élus, si rigoureux et si visionnaires, regardent de haut la gabegie marseillaise.

    Conclusion : si M. Gaudin et son équipe ne peuvent pas s’exonérer de la responsabilité de l’image déplorable de Marseille, ce n’est pas dans les intercommunalités voisines qu’il faut chercher des leçons de bonne gouvernance !

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  2. Anonyme Anonyme

    quelle honte…. avec autant de moyens, faire pire encore que Marseille

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  3. Avé Avé

    “On a un vrai souci sur tout ce qui est projection au-delà du mandat. Les diagnostics sont toujours très bien faits, mais quand il s’agit de basculer sur des propositions concrètes, ce qui nécessite des arbitrages entre ce que veulent les maires et les différents groupes de pression, il n’y a plus personne”

    C’est bien la preuve qu’on ne peut structurellement pas confier la gouvernance aux maires, ça n’a aucun sens à moins de dire que l’intérêt général est la somme des intérêts particuliers, mais à ce moment là pas besoin de faire une communauté d’agglo. La solution s’appelle donc bien conseil métropolitain avec des élus au suffrage universel qui votent à la majorité, avec une garantie d’indépendance par rapport aux élus locaux de leur territoire d’origine.

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  4. Anonyme Anonyme

    Et pourtant Aix est une ville fort agréable, même sans plan ni trompette.
    Les impôts locaux y seraient peut-être moins cher qu’ailleurs.

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  5. Anonyme Anonyme

    STUPEFIANT !
    Ainsi donc une Cité pourrait harmonieusement se développer à travers les millénaires sans le concours des Urbanistes..
    Décidément, le temps semble venu de remettre en cause le droit de cité des Grands Architectes responsables du dégueulis de ces clapiers concentrationnaires qui, à les entendre, feraient défaut à Aix.

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  6. Manipulite Manipulite

    Je crains que la population d’Aix ne dispose pas d’une majorité sociologique, et donc politique, favorable au progrès social :
    135 000 habitants dont 40 000 étudiants qui ne votent pas mais sont de simples consommateurs de services publics ; 40 000 pieds noirs dont le cerveau s’est arrêté de fonctionner en 1962; des rentiers (et des rentières électrices de Joissains invitées aux goûters du 3ème âge) et qui louent (cher) les appartements dont ils ne veulent pas voir les prix baisser.
    La totalité de cette population a la hantise des barres d’immeubles façon quartiers nord de Marseille et on la comprend. Ajoutez à cela la mauvaise image d’Encagnane et de Beisson et la mauvaise gestion de l’OPAC Pays d’Aix et le portrait est complet.
    Reste le cas de quelques propriétaires favorables à rendre constructible leur parcelle mais pour loger …leurs propres enfants !
    La municipalité UMP et populiste de Joissains surfe sur cette sociologie conservatrice en modifiant au coup par coup le POS pour satisfaire sa clientèle électorale. Toute vision cohérente et contraignante est donc bannie.
    Ceux qui ont besoin de logements à Aix n’y habitent pas et donc n’y votent pas. CQFD.
    Bon courage aux candidats de gauche pour casser cette malédiction surtout quand on consate qu’aux dernières élections, les communistes n’avaient même pas donné de consigne de vote au second tour !

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  7. Anonyme Anonyme

    “40 000 pieds noirs dont le cerveau s’est arrêté de fonctionner en 1962”
    Amusante, cette discrimination fondée sur l’origine…C’est marrant le racisme, c’est comme les arabes : ils y a les bons, et les mauvais…
    Quand un Le Pen ou un Zemmour parle des “immigrés”, c’est du racisme…Alors que quand un Valls parle des “Roms qui ne veulent pas ‘intégrer” (les Roms étant, comme chacun le sait, une catégorie sociale une et indivisible), où quand un gland parle des “pieds noirs dont le cerveau s’est arrêté de fonctionner en 1962” (les pieds-noirs étant une catégorie sociale homogène et bien ciblée), ben c’est autorisé…
    Marrante, cette conceptualisation à géométrie variable de la DISCRINMINATION.

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  8. PC PC

    Pour une fois que l’on a une élue, qui ne se conforme pas instantanément aux directives de l’état, c’est plutôt rassurant.
    Alors bien sûr, tout n’est pas parfait, parce qu’elle est à son 3ème mandat de maire et qu’elle cumulait jusqu’à peu,mais il n’ya aucune comparaison entre M Joassain, et cette bande d’apparachiks socialistes des BdR.

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  9. PC PC

    Aix la ville qui n’avait pas de plan…
    Mais qui a une maire, qui en a une paire.

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  10. spartacus spartacus

    Originaire d’Aix,j’ai connu une ville très belle-Mais massacrée par la complicité entre promoteurs immobiliers et Muniçipalités successives :Démolition du magnifique Casino,avenue de la République,au profit d’une minable opération Sextius Mirabeau-Destruction du Grand Hotel du Roi René au profit d’immeubles sans interet-Construction du Nouveau Casino(Pasino) absolument horrible etc…

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