Aide-toi et le conseil général t'aidera

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le 3 Nov 2013
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Aide-toi et le conseil général t'aidera
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Aide-toi et le conseil général t'aidera

Jean-Noël Guérini est un président heureux. Malgré les multiples mises en examen et convocations judiciaires, il cultive la hauteur de vue d'un moine tibétain. À tous les journalistes qui évoquent ses ennuis judiciaires ou les défections dans sa majorité, il ressort le même refrain spirituel à base de hauteur de vue, leçon sur le bonheur et autres prières en commun avec des frères dominicains. Ainsi lors de la dernière séance plénière du conseil, c'est le bain de félicité religieuse qui l'a enclin à accueillir comme une bénédiction le rapport de la chambre régionale des comptes qu'il présentait aux élus. Certes, le rapport n'est pas aussi sévère sur sa gestion que sur celle de son collègue du conseil régional. Mais il n'est pas pour autant exempt de toute critique. Et s'il y a un domaine où le département fleurette allègrement avec la ligne jaune, c'est bien la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l'Etat.

Les magistrats de la cour consacrent un chapitre aux "interventions du département en faveur des lieux de culte ou des établissements d'enseignement privé". En matière de cultes, le président du conseil général a toujours eu ce souci d'ouverture de la laïcité. Ainsi, conformément à la législation en vigueur et quelle que soit leur confession, les fonctionnaires du CG13 peuvent poser un congé en rapport avec leurs fêtes religieuses particulières. Même s'ils ont déjà les faveurs du calendrier républicain, les fonctionnaires de confession chrétienne bénéficient tout de même "d'heures de reposoirs" qu'ils peuvent poser à la veille des fêtes déjà fériées.

Pas de travaux d'embellissement 

Mais ce n'est pas ce point qui a aiguisé la sagacité des magistrats de la chambre mais bien les subventions directes du CG 13 en direction d'associations cultuelles pour réaliser des travaux de réparation, voire même de construction d'édifices comprenant des salles de cultes. Et cela au mépris de la loi de séparations des églises et de l'Etat et des jurisprudences du conseil d'Etat qui régissent l'intervention des collectivités dans le champ religieux. Ainsi la loi autorise les travaux de gros oeuvre nécessaire à la conservation d'un édifice, comme cela a été le cas pour le temple protestant de la rue Grignan. "Le rapport de présentation de la délibération du 5 novembre 2010 indique que seuls les travaux assurant la conservation et la sauvegarde du bâtiment seront subventionnés", écrit la chambre. Le même rapport voté en commission permanente exclut donc les travaux de "confort, d'embellissement ou d'équipement non indispensables à la conservation de l'édifice".

Visiblement, les conseillers généraux ont été débordés par leur générosité oecuménique au point de faire mentir le texte voté. Car la chambre considère que les travaux de la phase 2 de travaux subventionnés à hauteur de 240 000 euros "sont inéligibles au regard du cadre légal et même de la jurisprudence précitée". Effectivement la liste des travaux réalisés est éclairante : création d'un sas d'entrée vitré, travaux de restauration intérieure exhaustive (sols, peinture, moulures, mobilier du culte) et installation d'un nouveau système de chauffage. Dans sa réponse à la chambre, la collectivité reconnaît "qu'a été perdu de vue le statut juridique du bénéficiaire de la subvention". Pourtant, l'Association cultuelle de l'église réformée de Marseille Grignan Centre-Sud apparaît transparente dans sa dénomination. 

Le deuxième cas soulevé par la chambre concerne l'association culturelle israélite des Caillols autrement appelé "Or Aviv". Cette association se donne pour objet de "susciter et coordonner un ensemble de services à caractère familial, éducatif, culturel, cultuel, social, sanitaire et  de loisirs". Ses locaux préfabriqués ont brûlé dans un incendie criminel en mars 2002. L'affaire avait suscité à l'époque un fort émoi tant au niveau local que national. La seconde intifada faisait rage dans les territoires occupés et la communauté juive s'inquiétait à juste titre d'une recrudescence des actes antisémites dans l'hexagone. L'ensemble des grands élus s'étaient rendus au chevet de l'association, promettant alors de l'aider à reconstruire.

Le conseil général ne sera pas le dernier : en octobre 2002, il vote une "subvention d'équipement exceptionnelle financée sur le fonds spécial d'intervention du cabinet" de 176 059 euros couvrant 100 % de la demande de l'association pour la construction d'un bâtiment provisoire "à usage de bureaux et de centre culturel". Or, un courrier de l'association du 24 juin 2002 adressé à Jean-Noël Guérini ne laisse que peu de doutes sur la vocation dudit bâtiment puisque le président d'Or Aviv le remercie pour "la mise en place du bâtiment en préfabriqué en remplacement de notre synagogue complètement détruite"

Argent public et lieu de culte

Jean-Noël Guérini ne va pas s'arrêter en si bon chemin puisqu'il va également participer au financement de la construction de son centre communautaire "à hauteur de 400 000 euros" sur un montant total de 1,3 millions, en 2006. Il ne sera pas seul en la matière puisque la Ville de Marseille participe à l'opération en mettant à disposition un terrain "pour une durée de 45 ans au coût symbolique de 1000 euros afin de réaliser un centre culturel mais aussi cultuel". Le rédacteur de la chambre prend soin de souligner la dernière partie de cette phrase. Encore une fois, l'association ne cache pas son jeu puisqu'elle évoque bien la construction de la nouvelle synagogue, mise à l'ordre du jour de son assemblée générale en septembre 2006.

Car, pour les magistrats, ce dossier est bien irrégulier pour non-respect du cadre légal de séparation des églises et de l'Etat. Motif auquel s'ajoute une foultitude d'autres irrégularités dans le versement des subventions. Dans sa réponse, le conseil général assume pleinement "les soutiens apportés qui correspondent à des situations exceptionnelles pour lesquelles l'ensemble des collectivités territoriales se sont mobilisées". La région aussi est épinglée en ce sens par la CRC. Si elle prend acte de "ces éléments de contexte", la chambre n'est pas tendre dans sa conclusion : "Sous couvert de financement d'un centre socio-culturel, la collectivité a, en toute connaissance de cause, subventionné illégalement la construction d'un lieu de culte". Jean-Noël Guérini avait peut-être quelques pêchés à expier.

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Commentaires

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  1. Silas Silas

    et pendant ce temps, ceux qui payent toujours plus et qui ne bénéficient jamais de rien, voient leurs impôts locaux augmenter pour que monsieur guerini puisse faire plaisir à sa clientèle.

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  2. piqueboufigue piqueboufigue

    et nous on paye tout ce clientelisme qui fait que tout le monde mange a sa soupe et personne ne bronche,mais moi ce qui me desole c est que chaque fois ils sont réelu voir le sondage de la provence pour le 13/14 ,alors ne rouspeter plus et agisser avec votre bulletin de vote,et ces gens seront alors puni,la seule solution c est celle du peuple,la justice est trop clemnt avec ces gens la.

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  3. Joseph F. Joseph F.

    Je ne voudrais pas faire de procès d’intention à la CRC et à sa Présidente, mais il faudra qu’elle nous explique l’intérêt de dénoncer les illégalités commises par les collectivités de notre région sans aller au delà de l’information des citoyens que nous sommes.
    Certaines de ces illégalités ne relèvent-t-elles pas du code pénal ? L’article 40 du code de procédure pénal ne s’applique-t-il pas aussi à la Présidente de la CRC comme aux autres agents publics de la CRC qui ont constatés les illégalités ?
    Il me semble que c’est d’abord aux organes de contrôle de l’Etat de démontrer que les lois de la République s’appliquent ici comme ailleurs sur le reste du territoire de la République.
    Jean-Claude GAUDIN répond toujours de la même façon aux lettres de la CRC “Il n’y a rien de pénal” ce qui dans son esprit signifie “je m’en bats les flancs”. Compte tenu du niveau plus que virtuel des sanctions encourues, faut-il s’en étonner?
    Alors Mme la Présidente de la CRC, encore un peu (plus) de courage.

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  4. greg13 greg13

    tout notre argent distribué en mode copinage … dans le contexte économique actuel c’est à vomir !!! et toujours rien ne bouge mais que fait la justice bordel !?

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  5. Manipulite Manipulite

    D’accord avec vous. Un évènement chasse l’autre, les politiciens délinquants font le dos rond en attendant l’oubli. Seule la pénalisation des affaires peut permettre de les sanctionner vraiment.Les opposants ont aussi leur rôle à jouer en saisissant les tribunaux. A condition que tout ce beau monde ne soit pas complice.

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  6. José 2013 José 2013

    Les missions délicates et à beaucoup d’égards sensibles des CRC ne semblent pas pouvoir être critiquées sans ce qui serait une mauvaise foi patente. Il est vraiment trop facile de tenter de porter des critiques sur le travail des magistrats financiers plutôt de focaliser sur le VRAI problème politico-démocratico-citoyen : la gestion d’évidence singulière du CG 13. Quant à l’application ou non du Code pénal : le juge Charles Duchaine continue ses investigations poussées. Puissent-elles aboutir et les anomalies constatées notamment dans les marchés publics départementaux être durement sanctionnées…

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  7. Anonyme Anonyme

    Juste pour la route.
    Une nouvelle federation des chasseurs, devrait se construire à Pelissanne, si la justice ne vient pas tout bloquer.
    Ils nous disent, il nous dit que le CG serait prêt à subventionner le projet à hauteur d’un million d’euros.
    Info ou intox, que dit le CG.
    Après avoir suspendu et demandé le remboursement des dernières subventions, ça serait un peu fort.
    Allez Jean-Noël, toute les BDR t’écoutent.

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  8. Anonyme Anonyme

    Ca doit être ca le bilan de fierté des 22 qui appellent à soutenir GUERINI pour les prochaines élections

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