Villa Cosquer ou Villa… Méditerranée II ?
En mars 2014, lors de la visite de l'exposition "Sous la mer, un monde" proposée par la Villa Méditerranée, un couloir est aménagé de manière à évoquer l'intérieur de la grotte découverte dans le 9e arrondissement de Marseille par Henri Cosquer en 1985 (mais révélée au monde en 1991). 3 ans plus tard, le bâtiment de Stefano Boeri pourrait en accueillir la réplique.
Villa Cosquer ou Villa… Méditerranée II ?
La grotte Cosquer est située dans la calanque de la Triperie, à 37m de fond, au bout d’un long tunnel de 175m. Les centaines d’oeuvres peintes et gravées qu’elle renferment datent d’il y a environ 27 000 ans. Le fameux pingouin qui accueille les visiteurs dans la Galerie de la Méditerranée du MuCEM (situé à quelques dizaines de mètres de la Villa Méditerranée) est un clin d’oeil à celui retrouvé sur les murs de la grotte.
En septembre 2016, je visite la grotte de Thaïs située à Saint-Nazaire-en-Royans, dans la Drôme. Enfant, je m’étais rendu à celle de la Cocalière dans les Cévennes et, plus récemment, dans l’Aude. La grotte de Thaïs ne compte presqu’aucune trace du passage de l’homme à l’exception de celles, jadis, des nobles qui payaient les guides en échange de stalactites (bravo…). Mais malgré ces dégradations, elle se suffit à elle-même. Et la forte mise en valeur de son patrimoine par la petite ville de Saint-Nazaire-en-Royans m’a remis en tête l’absence d’exploitation de la grotte Cosquer par Marseille… En octobre, l’idée qu’une réplique de la grotte Cosquer investisse la Villa Méditerranée me vient à l’esprit, comme en écho à ma visite de mars 2014. Et pour vérifier quelques idées, je pars visiter la réplique de la grotte Chauvet (la Caverne de Pont d’Arc) dont le documentaire de Werner Herzog qui lui était consacré m’avait profondément touché. Las, la Caverne est décevante : visite expédiée (45mn au lieu d’une heure), utilisation de casques audio qui anéantissent toute intéraction avec le guide (résultat : zéro question posée), réplique sans âme avec l’impossibilité de prendre quelques minutes de contemplation (la lumière s’éteint pour inviter le visiteur à avancer), mauvaise organisation du site (certains sites annoncés fermés, sont ouverts), espace muséal factice… Je rentre déçu et retiens quelques leçons pour “mon” projet. Sans être ni architecte, ni historien, ni lié d’une manière ou d’une autre à des décideurs suffisamment motivés pour donner vie à une réplique de Cosquer, je mets par écrit une idée : que la Villa Méditerranée accueille la grotte puisqu’on ne trouve plus de rôle clair à ce bâtiment que j’ai architecturalement apprécié dès le début. Histoire d’en parler plus tard sur les réseaux sociaux et espérer que quelqu’un s’y accroche. J’en parle ainsi pour la 1ère fois le 6 octobre 2016 sur Twitter. Évidemment, pris par le jeu, j’étoffe cette idée et me renseigne plus sérieusement sur Cosquer via des documentaires et des écrits. Dans la foulée, la Provence explique que la réplique ne pourra pas se faire au Fort d’Entrecasteaux contrairement à la volonté (floue) de la ville. Le 8 décembre 2016, la surprise et la confusion sont totales. Alors qu’en fin de matinée, la Provence annonce que l’Assemblée Parlementaire de la Méditerranée déménagera de Malte pour s’installer à la Villa, lors d’un discours à l’Hôtel de Région, Christian Estrosi évoque à son tour l’avenir du bâtiment de Stefano Boeri : “Je vous annonce donc que nous avons retenu le projet d’implantation d’une reproduction de la grotte Cosquer.” J’accueille d’abord la nouvelle comme un grand enfant : la réplique de la grotte Cosquer enfin sur de bons rails ! Je m’étonne ensuite de cette annonce surprise et aussi qu’un élu qui représente tout ce que je déteste en politique soit à l’origine de ce projet… D’autant que le matin, l’avenir de la Villa était tout autre. Explication. Estrosi : “Mais j’ai pris un engagement vis-à-vis de mon prédécesseur : celui d’étudier avec bienveillance son projet d’installation dans le bâtiment de la Villa Méditerranée du parlement de la méditerranée.” L’annonce du matin n’était-elle pas un coup de pression de la part de Vauzelle avant le discours d’Estrosi ? Et le “joujou” Cosquer n’est-il pas un moyen de forcer Vauzelle à accélérer la vente de la Villa ? Le tout sur le dos des citoyens de PACA. Encore aujourd’hui, j’ai été incapable de comprendre l’utilité de cette Assemblée Parlementaire de la Méditerranée. Sur le site qui lui est dédié, il est question d’un “forum au sein duquel les Parlements de la région méditerranéenne se réunissent en vue d’atteindre leurs objectifs communs visant à la création d’un meilleur environnement politique, social, économique et culturel ainsi qu’à l’amélioration des conditions de vie des citoyens qu’ils représentent”. Impossible de remettre en cause ces objectifs. Mais qu’apporterait concrètement le déplacement du siège de cette Assemblée de Malte à Marseille ? Considérée comme une coquille vide en raison de la faiblesse de l’attractivité de la Villa Méditerranée, n’est-ce pas une entourloupe visant à faire payer l’État français à la place de la région PACA et donc soulager de fait et Estrosi et Vauzelle ? On pourra légitimement objecter que, contrairement à une réplique de la grotte Cosquer, forcément privée, l’Assemblée parlementaire permettrait à la Villa de demeurer un outil public et non de devenir une “Foire du Trône” comme dénoncé par une élue marseillaise… Certes. Il suffit de jeter un oeil à la réplique de la grotte Chauvet. Pour un peu, on se croirait à la fin du Casino de Martin Scorsese avec ces touristes qui débarquent en masse (le rêve de Gaudin !) à la cafétéria consommer de l’histoire préhistorique en boite.
Mais est-on certain que l’Assemblée Parlementaire de la Méditerranée ouvrira ses portes au grand public comme la Villa le fait actuellement à travers des colloques et des expositions ? Au regard du planning (vide en 2017…) disponible sur le site, rien n’est certain, d’autant que la majorité des évènements se déroulent à l’étranger. Un comble. Il n’est d’ailleurs pas certain que la “9ème session plénière de l’Assemblée parlementaire de l’Asie” ou encore l'”Atelier parlementaire organisé par le Fonds monétaire international et le groupe de la Banque mondiale” passionne les foules marseillaises… D’autant qu’au-delà de titres peu avenants, AUCUNE information n’est disponible sur le contenu des évènements. Coquille vide bis ? Je ne suis ni architecte ni préhistorien. J’ai tenté d’imaginer comment une réplique pourrait entrer dans la Villa. Voici quelques visuels sans aucune autre prétention de permettre à tous passionnés de rêver :
Dans le peu de détails qui ont filtré sur l’aménagement possible de la Villa par une société privée, on apprend notamment que le budget prévu est de 20 millions d’euros (pile-poil ce que j’avais budgété !) mais aussi que, contrairement à ce que j’avais imaginé, l’entrée du public se ferait par l’ascenseur extérieur situé dans le bassin de la Villa, ce qui solutionne une partie des problèmes sur lesquels je butais puisque j’imaginais que le public entrerait et sortirait de la réplique par le même accès…
Mais une autre question se pose : au-delà du contenu à définir, la réplique de la grotte Cosquer peut-elle être contenue “à 90% de sa taille réelle” dans la Villa Méditerranée ? Mieux : peut-elle voisiner avec l’Assemblée Parlementaire de la Méditerranée comme l’affirme désormais Estrosi, à la grande surprise générale ? J’ai beau me creuser le teston, je ne vois pas comment faire cohabiter ces deux projets. D’autant qu’il faudrait déjà réussir à faire entrer la réplique dans la Villa. J’avais imaginé conserver l’amphithéâtre actuel de 400 places pour y projeter un film-spectacle 3D temps-réel. Mais il semble aujourd’hui difficile de conserver cette salle en reproduisant la grotte à 90%. A moins de continuer à creuser le socle de la Villa… Car sans utiliser l’amphithéâtre, la hauteur au plafond aménageable de l’agora n’est que de 3,80m. L’amphi, lui, culmine à 6,35m. Soit, en tout : 10,15m. Intéressant à condition d’utiliser toute la surface technique située sous l’agora. Par comparaison, la hauteur de plafond de Lascaux IV peut culminer par endroit jusqu’à 10m. Ce qui nécessite un espace aménageable important. Et la grotte Cosquer (la vraie, pas son hypothétique réplique) possède une hauteur de plafond variable. Par exemple, sa plus grande salle (60m de diamètre) varie de 2 à 5m de haut. Je partage ici quelques données techniques que j’ai récupérées récemment sur place. Elles aideront les personnes bien plus compétentes que moi à calculer les surfaces et volumes disponibles à l’intérieur de la Villa :
Quant à loger l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée dans la Villa en complément de l’accueil de la réplique de la grotte… Sans sacrifier dratisquement les deux projets, il semble impossible de les accueillir dans un espace déjà strictement restreint. Le porte-à-faux, par exemple, limite l’accueil du public à 300 personnes seulement, la faute à des sorties de secours en nombre insuffisant. Au mieux, la réplique pourrait se cantonner au sous-sol de la Villa (agora, amphithéâtre et espace technique, soit plus de 2000m²) pendant que l’Assemblée investirait l’atrium et le porte-à-faux (environ 1500m²). Mais quid de l’accueil du public ? Entre une réplique visant au moins 500 000 visiteurs par an et une Assemblée de ministres aux discussions théoriquement ouvertes au public, n’y a t-il pas un risque de collision, voire un problème de sécurité ? Posée début février, la question trouve sa réponse moins d’un mois plus tard… Nouveau rebondissement le 28 février 2017 : Marsactu annonce que “l’assemblée parlementaire de la Méditerranée ne s’installera pas dans la Villa Méditerranée” ! Michel Vauzelle a perdu son combat : “Marseille a obtenu la majorité absolue avec 51 voix sur 82 suffrages exprimés. Cependant, pour une décision institutionnelle, la majorité des 4/5ème était requise.” En attendant, l’inénarrable Christian Estrosi annonce un “congrès national de Légumes de France” à la Villa Méditerranée en automne… La voie semble désormais ouverte à une réplique de la grotte à Marseille. Il demeure cependant encore bien des mystères : quel acteur privé ? Quel architecte ? Quelles modifications ? J’aurais aimé avoir l’avis d’Henri Cosquer. Mais personne ne le lui a demandé et l’homme s’est finalement effacé derrière un chef d’oeuvre du paléolithique situé dans l’un des sites les plus beaux de la planète.
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