Les élections approchent

UNE POLITIQUE URBAINE À MARSEILLE

Billet de blog
le 12 Mar 2017
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Ce que l’on appelle aujourd’hui « la politique de la ville » a été imaginé pendant la présidence de François Mitterrand. C’est à ce moment que les pouvoirs publics ont fini par se rendre compte que la ville n’était pas seulement un ensemble de maisons et d’habitants, mais qu’elle supposait aussi l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique spécifique, afin de retrouver une égalité réelle entre tous les quartiers qui la forment.

La politique de la ville, c’est une forme de pléonasme : en effet, le mot même, politique, vient du mot qui polis, qui, justement, veut dire « ville ». Le fait urbain est, en quelque sorte, politique par définition. Mais ce que l’on appelle « politique de la ville », c’est un ensemble d’acteurs, de pouvoirs et de projets pensés pour mettre fin à une sorte de crise : à la crise de l’habitat urbain, à la crise de la ville, qui est une crise pleinement politique, c’est-à-dire à la fois une crise économique, une crise institutionnelle, une crise de l’habitation et une crise culturelle.

Une crise économique, cela signifie que la ville est confrontée, comme tous les espaces sociaux de notre pays, et, sans doute, de tous les pays, au chômage, c’est-à-dire à la pression des employeurs et des dirigeants qui limitent les recrutements, favorisent les départs et les licenciements, modifient les pratiques de travail, afin que les salaires représentent moins que ce qu’ils représentent aujourd’hui dans le budget des entreprises. Les villes ont subi de plein fouet la crise économique, car c’est dans les villes que se trouvaient ceux qui travaillent et qui cherchent des emplois. Marseille, en particulier, car il s’agit d’une ville dont le développement économique a été considérablement ralenti, à la fois parce que c’est l’ensemble des pays du Sud qui ont vu leur activité décroître et parce que c’est le port qui conduisait l’activité urbaine et que l’activité du port a fini par décroître – comme, d’ailleurs, l’ensemble des activités des ports, en raison du déclin du transport maritime.

Une crise institutionnelle, en particulier à Marseille, cela signifie une crise des pouvoirs et des acteurs politiques. Marseille a attendu trop longtemps – trop confiante qu’elle était dans le futur de son port – pour engager la mise en œuvre de la métropolisation urbaine, qui est sans doute seule à même de donner au fait urbain les dimensions contemporaines d’un espace économique véritable. Par ailleurs, la crise des acteurs et des pouvoirs revêt à Marseille la forme d’une incertitude : on a le sentiment que les pouvoirs métropolitains ne savent pas trop dans quelles directions orienter les projets de développement de la ville, et on a le sentiment d’une absence de politique économique métropolitaine. S’il y a crise institutionnelle, à Marseille, sans doute est-ce parce que les institutions ne remplissent pas les fonctions qu’elles devraient remplir pour garantir son avenir à la ville.

La crise de l’habitation revêt trois formes à Marseille. La première est une crise de l’espace et du paysage : les constructions ont été mises en œuvre de façon un peu aléatoire, pour répondre, en quelque sorte au coup par coup, à la crise du logement, et, de ce fait, la ville n’est pas aménagée avec la cohérence qui fonderait un paysage urbain authentique, c’est-à-dire un paysage urbain esthétiquement fondé. Le deuxième aspect de la crise de l’habitation est la crise du patrimoine. Quand on regarde le paysage marseillais, on a le sentiment d’être revenu au Paris d’avant les années soixante, quand Malraux avait décidé d’engager une politique du ravalement. À la fois en raison de l’excès de la pollution automobile et en raison de l’insuffisance des moyens engagés, les immeubles marseillais sont sales, ils sont noircis, ils ont un besoin urgent de remise en état. Enfin, la crise de l’habitation revêt une forme indirecte : il s’agit de la crise des transports et des déplacements. En effet, on ne peut pleinement habiter une ville que quand on peut y circuler facilement, car c’est le seul moyen de s’approprier l’espace urbain. Or, les déplacements, et, en particulier, les transports en commun, ne sont pas pensés de façon rationnelle et ne proposent pas une alternative satisfaisante à l’usage de la voiture particulière : sur ce plan encore, on a le sentiment d’un retour à la ville des années soixante. Pourtant, les transports en commun ne sont pas seulement des instruments destinés à se déplacer facilement: il s’agit aussi de lieux de vie sociale et de manifestations matérielles de l’identité urbaine.

Enfin, Marseille connaît une crise de son identité urbaine car elle est confrontée à une crise culturelle. D’abord, en effet, on doit déplorer un manque de lieux culturels réels dans l’espace urbain. En-dehors de quelques (rares) musées et de quelques (rares) salles de spectacle – quelques théâtres et quelques cinémas, il n’y a pas dans la ville la vie culturelle que l’on pourrait attendre d’une ville de cette importance. L’activité des librairies et des lieux de diffusion des expressions de la culture est, elle aussi, insuffisante, et, surtout, mal répartie dans l’ensemble de l’espace marseillais. Mais, surtout, si l’on a pu parler des « quartiers Nord », à Marseille, c’est parce que l’insuffisance de la politique culturelle a fini par entrainer une forme de ghettoïsation de toute une partie de l’espace urbain, alors que, justement, le rôle de la culture et des politiques culturelles est d’assurer une égalité réelle de tous les habitants d’un espace devant l’identité dont ils sont porteurs.

Au moment où approchent les élections législatives et la désignation des députés qui sot porteurs d’une part des pouvoirs de la ville, mais aussi au moment où commencent à se préparer les prochaines élections municipales, dans trois ans, les acteurs politiques de cette ville feraient bien de commencer à élaborer des projets pour une véritable politique de la ville à Marseille.

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