UNE POLITIQUE MUNICIPALE DU PAYSAGE
En-dehors des sujets classiques de la question de l’environnement, la politique écologique de la municipalité devrait porter aussi sur le paysage, sur la dimension esthétique de l’espace de la ville
En-dehors des sujets classiques de la question de l’environnement, la politique écologique de la municipalité devrait porter aussi sur le paysage, sur la dimension esthétique de l’espace de la ville
Qu’est-ce que le paysage ?
Le paysage est l’espace qui se voit, celui que l’on peut regarder, mais aussi celui que l’on représente : il s’agit de la dimension esthétique de l’espace. L’idée du paysage désigne ce qui, dans l’espace, peut faire l’objet d’une représentation, d’une expérience esthétique, comme les tableaux ou les cartes postales, ou d’une représentation que l’on se fait en se déplaçant dans un espace. Dans une ville comme Marseille, les paysages sont les images que l’on peut se figurer, comme celles de la mer et de la Corniche, celles des monuments ou les images que l’on peut se figurer des différents sites de la ville. La rue aussi offre un paysage de la ville, et c’est pourquoi il est si important qu’elle soit bien entretenue et que les constructions qui la bordent ou même les détritus qui la jonchent ne viennent pas la défigurer ou offrir des paysages désagréables susceptibles d’envahir le paysage de la ville.
Le paysage de la ville
C’est que, comme tous les lieux, la ville aussi a des paysages, que l’on peut apprécier en s’y promenant, en portant son regard sur les figures de l’espace urbain. Il y a plusieurs sortes de paysages de la ville. Les habitations sont les paysages urbains les plus nombreux. C’est pourquoi il est important de conserver leur figure esthétique, mais, dans le même temps, certaines constructions de tours ou d’édifices de logement sont venus enlaidir le paysage : je pense, par exemple, aux immeubles qui bordent le cours Belsunce, en face de l’Alcazar ou aux immeubles qui ont été construits en grande quantité dans les années cinquante ou soixante, dans l’urgence, sans aucun projet esthétique. Peut-être aussi peut-on critiquer l’expérience de Le Corbusier. Mais le paysage de Marseille est aussi fait des rues dans lesquelles, en particulier à l’époque de la grandeur économique de Marseille, des immeubles de qualité ont été construits dans un réel souci d’aménagement esthétique, en particulier, par exemple dans le haut de la Canebière ou allée Gambetta.
Mettre fin à la dégradation du paysage et du patrimoine
La dégradation du paysage a été engagée avec les excès de l’industrialisation, mais aussi avec ceux de la pollution automobile et avec les excès de la construction de mauvaise qualité. La pollution des paysages a ainsi été provoquée par l’absence de politique esthétique d’aménagement. Le cours Belsunce ou le quartier de Noailles sont les exemples les plus nets, dans le centre de Marseille, de cette absence de politique d’aménagement qui a empêché l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique du paysage en réduisant l’espace urbain à un empilement d’outils fonctionnels de logement et de commerce. Quant au patrimoine architectural, partie essentielle de paysage, il a disparu sous les assauts des marchands décidés à réduire l’espace de la ville à un espace de commerces et de magasins. Pour rendre à Marseille la qualité de ses paysages, il est urgent de mettre fin à ces dégradations et de libérer la ville de l’emprise des commerçants et du marché de l’immobilier.
Le ravalement des façades
Dans les années soixante, André Malraux, ministre d’État chargé des affaires culturelles (il sera, ainsi, le premier ministre de la culture de notre pays) engage une vigoureuse politique du ravalement des façades des édifices et des monuments, à Paris, puis dans d’autres villes françaises. À l’exception de quelques immeubles qui ont été convenablement ravalés, et encore pas dans n’importe quels quartiers, les façades des immeubles et les monuments de Marseille ont vieilli, se sont dégradées, ont été salies par des années de négligence, et, aujourd’hui, il devient véritablement urgent d’élaborer et de mettre en œuvre une véritable politique du ravalement des façades, et cela sans se limiter aux immeubles historiques, mais en l’étendant à tous les immeubles d’un certain âge, qu’il s’agisse d’immeubles de pouvoir et d’administrations ou des immeubles d’habitation. Mais, bien sûr, une telle politique a un coût. C’est pourquoi la municipalité devrait utiliser le moyen essentiel dont disposent les pouvoirs et les administrations pour se financer : la fiscalité. Un impôt particulier devrait être élaboré pour le financement d’une politique de ravalement efficace qui profiterait à toutes les habitantes et à tous les habitants, car ils se déplacent tous dans la ville et, ainsi, profiteraient tous d’un paysage amélioré. Par ailleurs, il devrait être possible d’imposer à tous les propriétaires et à toutes les copropriétés des immeubles anciens d’engager le ravalement des façades de leurs immeubles.
La pollution du paysage et l’écologie esthétique
On parle toujours de la pollution atmosphérique, de la pollution de l’air que nous respirons, mais on ne parle pas assez de cette autre pollution : celle du paysage. Curieusement, la pollution des paysages n’a pas véritablement été reconnue comme une pollution, bien qu’elle défigure la ville. Une véritable écologie urbaine de l’esthétique devrait être conçue et mise en œuvre à Marseille, où l’écologie ne devrait pas se cantonner aux exigences de la lutte contre les pollutions classiques. L’écologie urbaine devrait, ainsi, porter aussi sur la reconfiguration des paysages de la ville. Cette écologie urbaine du paysage devrait, de cette manière, faire partie de la politique écologique de la municipalité et renforcer le caractère engagé – voire militant – de l’écologie. La politique de la ville devrait, ainsi, associer la politique du paysage et de l’esthétique de l’environnement aux exigences de la solidarité qui sont à l’origine de la politique de la ville. L’égalité ne porte pas seulement sur les aspects financiers de la politique de la ville, mais porte aussi sur la qualité esthétique des paysages, qui ne devrait pas se limiter aux quartiers privilégiés, mais devrait faire partie de la politique municipale de la solidarité et de l’égalité. La politique du logement et du développement social des quartiers porte aussi sur l’esthétique des paysages, car elle permet à celles et à ceux qui vivent dans une ville de pleinement l’habiter. Pour que le printemps marseillais soit véritablement une saison de la ville, il doit éveiller la conscience du paysage, chez les habitantes et les habitants, mais aussi chez décideurs et les acteurs des pouvoirs. L’écologie esthétique fait partie de ce qui caractérise une écologie de gauche.
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