À propos de « Ça ira (1) : fin de Louis », de J. PommeratJe suis allé à la Criée voir la dernière pièce de Joël Pommerat, qui propose une relecture contemporaine des événements de juillet 1789, des derniers jours du règne de Louis XVI, de la montée de la Révolution, ou, si l’on veut, une relecture de la vie politique contemporaine à la lumière de sa confrontation aux événements de 1789. Voir ce spectacle m’a fait mieux comprendre ce qu’est un théâtre engagé.

UN THÉÂTRE PLEINEMENT ENGAGÉ

Billet de blog
le 17 Déc 2017
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Je suis allé à la Criée voir la dernière pièce de Joël Pommerat, qui propose une relecture contemporaine des événements de juillet 1789, des derniers jours du règne de Louis XVI, de la montée de la Révolution, ou, si l’on veut, une relecture de la vie politique contemporaine à la lumière de sa confrontation aux événements de 1789. Voir ce spectacle m’a fait mieux comprendre ce qu’est un théâtre engagé.

Un théâtre engagé : un théâtre ici et maintenant

C’est cela, un théâtre engagé : c’est un théâtre dont on ne peut lire la pleine signification qu’en le situant pleinement dans l’espace et dans le temps dans lesquels il est écrit et dans lesquels il est joué. Joël Pommerat nous explique, dans la quatrième de couverture du livre, qu’il ne met en scène que ses propres textes : c’est une résolution qui donne toute sa signification à ce qu’est un texte théâtral : un texte théâtral, c’est un texte qui ne sépare pas l’écriture du jeu, qui articule pleinement l’énonciation et la représentation. Pommerat retrouve ainsi la logique qui fut, en son temps, celle de Molière, celle d’une écriture représentée. Mais cela permet de comprendre le sens de « Ça ira (1) » : il s’agit d’une pièce qui se situe à la fois dans le temps d’une relecture de l’histoire qui permet de lire le temps présent dans la distanciation pensée par Brecht comme le fondement du théâtre : une distanciation dans le temps, puisque la situation contemporaine est située dans sa relation à l’histoire, une distanciation entre la fiction et la représentation de la réalité du monde, une distanciation entre des acteurs et les personnages qu’ils représentent, mais aussi entre les personnages du théâtre et les acteurs de l’histoire. En représentant la véritable rupture sociale qu’engagent les inégalités, la pièce de J. Pommerat nous en donne une approche esthétique qui nous permet de donner une signification à des événements comme la fête d’anniversaire prévue au château de Chambord par le président de la République, et, dans le même temps, elle donne un écho aux politiques fiscales contemporaines : de cette manière, nous pouvons mieux comprendre comment le théâtre nous permet de mieux comprendre le présent à la lumière de la représentation qu’il nous donne du passé.

 

Relire l’événement

C’est qu’il s’agit de relire l’événement : la pièce de Joël Pommerat nous emmène à Versailles, dans la salle des états généraux, au cours desquels Louis XIV et son gouvernement vont demander à pouvoir lever de nouveaux impôts, mais aussi à Paris, dans cette ville populaire, et la pièce nous montre bien cette autre distance, celle qui sépare deux mondes éloignés l’un de l’autre : d’un côté, Versailles, l’espace de la Cour et celui du pouvoir, celui du roi et de la reine, et, de l’autre, Paris, l’espace du peuple, celui du monde confronté à la famine, aux contraintes d’une situation économique de crise, mais aussi celui d’un peuple décidé à mettre fin à sa situation en cherchant, enfin, à prendre le pouvoir, à s’engager, c’est-à-dire à manifester une identité politique. « Madame », dit un député à une représentante de la noblesse, « je suis choqué, je suis vraiment choqué, par votre insistance à exiger des devoirs de la part des Français, alors qu’une majorité d’entre eux croule déjà sous les sacrifices et les obligations ». C’est cette distance entre deux mondes que nous fait voir « Ça ira (1) » , en nous faisant mieux comprendre, grâce au théâtre, ce que sont les inégalités, faisant écho au rapport qui vient d’être publié sur la montée des inégalités dans le monde.

 

Une nouvelle approche de l’espace théâtral

Mais c’est aussi sur le plan de l’esthétique du théâtre et de la représentation que J. Pommerat nous propose une rupture. Dans « Ça ira (1) », le théâtre n’est plus seulement un espace fondé sur le face à face de la scène et du public, des acteurs et des spectateurs. Il ne s’agit plus seulement de l’espace des regards des uns sur les autres. Il ne s’agit plus non plus seulement du théâtre en rond de Shakespeare, dans lequel la représentation était entourée par le public. Non. Dans « Ça ira (1) », des personnages s’expriment depuis les rangs du public, faisant, ainsi, sortir le dialogue entre les personnages de la clôture de l’espace scénique. Le théâtre est joué aussi dans le public : c’est tout l’espace théâtral qui devient, ainsi, l’espace de la représentation. Mais, au fond, sans doute s’agit-il d’une autre expression de l’engagement au théâtre : en faisant ainsi jouer les acteurs dans l’espace du public, Pommerat nous propose un théâtre qui situe aussi la scène dans la réalité de l’espace du public. De cette manière, peut-être Pommerat donne-t-il toute sa signification au public : le public ne se limite pas aux spectateurs, à ceux qui assistent au spectacle dans le silence du regard, mais il trouve sa place dans la représentation même, ce qui vient nous rappeler que le mot même, public, est issu du mot peuple. « Ça ira (1) » nous représente le peuple dans l’espace du théâtre. Sans doute est-ce cela, le théâtre engagé.

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