UN ESPACE PUBLIC PLURIEL ET UN VÉRITABLE DÉBAT POLITIQUE

Billet de blog
le 16 Août 2020
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Le quotidien « La Marseillaise » fait l’objet d’un projet de reprise par le groupe Maritima Médias, porté par les salariés du journal et par l’Association des Amis de La Marseillaise. La confrontation de ce projet avec une offre concurrente portée, depuis mardi dernier, par le P.D.G. de « La Provence » et par X. Niel, par ailleurs à la tête de plusieurs autres titres de presse nationale, dont Le Monde, et actionnaire de La Provence, même si elle n’a pas de suite, nous amène à réfléchir au sens et au rôle de la presse régionale, ici, à Marseille.

 

Un pluralisme de la presse difficile à Marseille

À Marseille, mais, il est vrai, comme, sans doute, dans toutes les régions françaises, le pluralisme de la presse écrite est difficile. Rappelons-nous, tout de même, qu’il fut un temps, pas si éloigné, où il y existait quatre titres de quotidiens de presse écrite, Le Provençal, Le Méridional, Le Soir et La Marseillaise. La concentration dans la presse écrite avait commencé par la publication de trois de ces quotidiens par un groupe unique, et elle est encore aggravée aujourd’hui par la menace d’une appropriation de La Marseillaise par La Provence. Même si un tel projet ne débouche pas sur une reprise effective, il signifie bien que, dans la métropole marseillaise, il devient aussi difficile que dans les autres grandes villes, en France, mais aussi dans d’autres pays, de faire vivre plusieurs quotidiens de presse écrite, de garantir le pluralisme de l’information, et, au-delà, d’assurer la richesse du débat public en garantissant la possibilité d’expression de plusieurs opinions.

La situation particulière aujourd’hui

Deux phénomènes aggravent la situation de la presse aujourd’hui, dans notre ville, mais aussi, sans doute, ailleurs. Le premier est lié à la survenue de la pandémie du coronavirus. Même si cela semble un fait de santé publique et non un fait directement lié à la presse et à l’information, les incidences de la pandémie sur la situation économique de notre pays sont extrêmement graves et menacent l’avenir des groupes de presse comme celui d’autres entreprises et d’autres acteurs de l’économie. Les situations de gravité exceptionnelle comme celle que nous connaissons aujourd’hui ont toujours constitué des menaces pour ce que l’on peut appeler l’avenir économique – qu’il s’agisse des entreprises, des emplois ou de l’ensemble des acteurs de la vie économique et du développement. L’autre fait qui aggrave les menaces pesant sur les journaux est lié à ce que l’on peut appeler l’intensité particulière du libéralisme. L’économie politique est largement dominée, aujourd’hui, par le libéralisme, sous toutes ses formes, y compris sous les formes qu’il se donne dans une situation économique comme celle que nous connaissons. Or le propre du libéralisme est, finalement, de ne profiter qu’aux riches, de ne profiter qu’aux acteurs des entreprises et des projets qui le garantissent, alors que la presse écrite, elle, fonde son rôle et son identité sur le discours critique qu’elle tient dans l’espace public.

 

Et demain ?

Pour toutes ces raisons, il est clair que la menace qui pèse sur le pluralisme de la presse est grave et urgente, et qu’au-delà même de cette menace, c’est l’avenir même du débat public qui est menacé, car il risque bien de ne plus trouver à sa disposition les outils de l’argumentation et de la réflexion critique qu’il propose aux lecteurs qui sont, en même temps, des citoyens. Nous ne devons pas oublier qu’à Marseille comme ailleurs, il ne peut y avoir de débat réel, ni, au-delà, de vie politique pleine et active, sans discours, sans expressions des opinions, sans tribunes pour donner une consistance et une signification aux opinions qui peuplent la vie politique et la citoyenneté. Ce qui semble bien caractériser l’espace public de demain, c’est une forme de dualité entre, d’un côté, les médias classiques, écrits ou audio-visuels, journaux, stations de radio, chaînes de télévision, et, de l’autre, les médias numériques, dont Marsactu fait partie, qui semblent les lieux du débat dans ce que l’on peut appeler l’espace public de demain. Le problème, c’est qu’à Marseille comme ailleurs, cette dualité des espaces publics s’accompagne d’une autre dualité : entre un espace public populaire, fondé sur le loisir et sur une forme de refoulement du débat, et un espace public pleinement consacré au débat, de plus en plus réservé à une audience et à un lectorat engagés et socialement et culturellement plus aisés. Ne nous trompons pas : une telle dualité est une menace pour la démocratie, à la fois parce qu’elle menace le débat de ne plus avoir pleinement lieu et parce qu’elle risque d’introduire une ségrégation sociale dans l’espace public.

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