Ultra-pauvreté : Vassal boude, Macron fait semblant de ne pas comprendre ?

Billet de blog
le 13 Oct 2021
0

CHRONIQUE A CHAUD. Ce matin, la déclinaison régionale du collectif ALERTE, composé d’ONGs, de fondations et soutenu par de nombreuses associations et collectifs citoyens, rendait public son rapport sur l’ultra précarité en région PACA.

 

Les chiffres sont édifiants et confirment des constats de terrain déjà faits : une contamination au COVID chez les personnes pauvres et mal-logées deux fois plus importante que dans la population générale, une situation de faim qui avoisine les 40% de la population dans le 3ème et le 15ème arrondissement, un travail au noir payé parfois à 2euros/heure etc. . Pour en savoir plus, je vous conseille vivement la lecture du rapport.

 

Soulignons déjà une chose. Ce n’est pas pour rien que la première demande du collectif est la création d’un observatoire régional de la pauvreté (sur lequel Mairie et Etat se sont engagés, affaire à suivre) : ce rapport est l’énième expertise de qualité produite par la société civile, alors même que des données publiques ne sont pas accessibles (alors qu’elles devraient légalement l’être pour certaines), pas traitées correctement, jamais analysées. Je me souviens à propos des délogements d’une quantité de données que nous avions reçues qui étaient soit fausses, incomplètes, transmises tardivement, soit analysée à la hache. D’ailleurs, nous avions fini par produire nos propres données, nos propres recensements. On n’est jamais mieux servi·es par soi-même. Sans ce travail qui devrait être fait par les pouvoirs publics, les plus précaires seraient à nouveau invisibilisé·es. Alors déjà : Merci aux rédacteurs et rédactrices !

 

La présentation de ce matin a révélé deux choses importantes : que la société civile a franchi un cap dans sa capacité de coordination mais qu’en face, un fossé semble se confirmer avec les pouvoirs publics, là où nous aurions pourtant plus que jamais besoin d’un peu de sérieux.

 

D’abords Martine Vassal et ses institutions, le département et la métropole, qui n’ont pas daigné envoyer un·e représentant·e officiel·le alors que le Maire, son adjointe aux affaires sociales et des directeurs des services de l’Etat étaient présent·es (le nouveau Préfet délégué à l’égalité des chances été excusé pour cause de passation de pouvoir le jour même). C’est à se demander si Mme Vassal va bien. D’ailleurs, quelqu’un·e l’a vue ces dernières semaines ? Dans la salle, rares sont ceux et celles qui ont réellement eu l’occasion de la voir un jour, on se pose des questions, on s’inquiète pour la dame. Ce n’est pas comme si les compétences solidarité, RSA, logement, protection de l’enfance, lui appartenaient hin ? Passons.

 

Côté société civile, la salle était remplie d’acteurs et actrices associatives, des « petites » assos et collectifs qui ont commencé ces dernières années à travailler avec les « grandes » ONGs et associations. Du chemin reste à parcourir mais le rapport ALERTE en est la preuve : nous avons appris à coopérer et se transmettre nos expertises. Depuis la crise post-rue d’Aubagne, doublée de la crise COVID, quelque chose se met en place. La représentante d’Action Contre la Faim (oui, ACF est implantée à Marseille et pour reprendre les mots de sa directrice « on n’accepte pas ces chiffres de la faim au Burkina Faso, on ne les accepte pas à Marseille ») a souligné l’importance de repartir de l’expertise des personnes concernées et des acteurs et actrices de terrain. Cette expertise est en fait constamment entendue. Chacun·e l’avait constaté pendant le premier confinement : les services de l’Etat nous contactaient chaque semaine pour connaitre la situation de terrain, reconnaissant là la capacité de maillage territorial et le travail d’aide alimentaire mené par plus d’une centaine de structures à échelle humaine (dont l’Après M en est l’exemple évidemment le plus connu, continuant encore aujourd’hui à distribuer des centaines de colis par semaine). Côté Mairie, cette expertise est reconnue. Malgré ses maigres moyens et compétences, le Maire a annoncé ce matin la création de 1 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires. C’est peu et il faudra être attentif à ce qu’elles soient vraiment accessibles sans conditions (encore un problème soulevé à plusieurs reprises ce matin, admis à demi-mot par les représentant·es institutionnel·les), mais c’est un pas en avant non négligeable.

 

L’on se demande alors, puisque (pour citer le cynique représentant de la DREETS) « [tout le monde] aurait pu faire les mêmes constats », puisque tout le monde reconnait cette expertise de terrain qui mûrit, pourquoi cela ne change pas ? Deux exemples.

 

Nous sommes plusieurs à être revenu·es sur les crises multiples d’évacuations d’habitats : délogements pour péril, incendies, évacuations de squat, bidonvilles… depuis trois ans l’histoire se répète. Pour les périls d’immeubles, vous connaissez l’histoire : sans le travail des associations et collectifs, ni l’urgence n’aurait été traitée, ni la charte du relogement n’aurait été rédigée et votée. Mais comment accepter que l’essentiel des politiques publiques sur les squats, bidonvilles, immeubles de marchands de sommeil se résument à expulser des occupant·es de logements pourtant vacants (comme récemment à Sadi Carnot), à attendre des incendies parfois meurtriers (les Flamants, Félix Pyat cet été) pour finir par mettre des gens dans des gymnases ? Parce que oui, l’Etat réagit : il expulse, expulse, expulse. Face à cela, après autant de drames sociaux, comment se fait-il qu’aucun processus de relogement et de prise en charge n’ait été pensé en cas de telles urgences? Comme après le 5 novembre 2018, on a l’impression que l’Etat se terre en faisant semblant de ne rien voir, s’auto-convainquant que la crise va s’arrêter d’elle-même. Faisons quand même ici un salut admiratif à l’association des usagers de la PADA, qui a décidé de mener le combat pour conventionner l’occupation de logements vides, occupés par les demandeurs et demandeuses d’asile. Encore une fois, les premier·es concerné·es ne sont jamais mieux servi·es que par eux et elles-mêmes.

 

Je le répète : la situation est connue, nos alertes remontent et le rapport publié aujourd’hui est une nouvelle preuve. De nombreux intervenant·es ont souligné ce niveau de stucturation exceptionnel en PACA et à Marseille. Pourtant, rien, pas une mesure sérieuse, dans le discours de Macron du 2 septembre. Sur l’emploi et le chômage, le Président s’est contenté d’annoncé la création de 3 « carrefours de l’entrepreneuriat » et le développement d’une industrie culturelle qui ne produira que peu d’emplois locaux. On peut se demander légitimement quels effets, quels nouveaux projets, quel faible nombre d’emplois seront créés dans une ville maintenue depuis si longtemps dans une situation de sous-développement structurel. La start-up-Marseille, vous y croyez-vous ? Comment accepter que lorsque des ONGs habituées aux terrains de guerre et de famine viennent à Marseille, le Président, lui, ne réagisse pas ? Comment accepter que l’ultra-pauvreté que tout le monde connait puisse être mise sous le tapis ainsi ?

 

Un grand plan d’emploi tourné vers la mer et la reconversion industrielle et écologique, une expérimentation d’un revenu de base, une politique choc de création de logements sociaux et très sociaux, en allant reprendre les logements vacants là où il le faut … voilà ce que pourrait être une vision de « Marseille en grand ». Un plan digne de ce nom, dont le Président va préciser les contours ce week-end lors de son retour à Marseille, devrait être co-piloté par les institutions et la société civile. A la sortie de toute grande crise, la reconstruction de terrains aussi dévastés s’est faite ainsi. Il n’y a nul doute, nos interlocuteurs et interlocutrices à la Préfecture ont bien fait remonter l’info, je crois en leurs compétences. Je crois que le problème est à trouver plutôt du côté de la surdité aigüe qui frappe notre Président.

 

Il va bien falloir que des gens lui fassent entendre ce qu’il se passe.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire