TROIS PETITS JOURS, ET PUIS S’EN VA
C’était à la fin du mois de juin dernier, à présent, il y a un siècle. Le président de la République avait consacré trois jours à une visite à Marseille. Que penser d’une telle visite, après coup ?
Le mépris et l’arrogance
À l’occasion de cette visite, E. Macron nous a, de nouveau, entonné sa petite chanson sur les emplois que l’on trouve facilement, si l’on veut bien s’en donner la peine. Il a demandé à un jeune s’il voulait un emploi de serveur. Comme si les jeunes de Marseille ne pouvaient trouver que des emplois de serveur. Il n’a pas demandé à ce jeune quel était son métier, quelles étaient sa formation et sa qualification. Non. Un jeune, à Marseille, en quête d’un emploi, n’en a pas. À Marseille, les qualifications, les diplômes, les formations, ne doivent pas être des obstacles au fait de travailler. Les préjugés ont la vie dure, chez le chef de l’État. Mais cela va plus loin : en réalité, il a beau, comme il le dit, aimer Marseille, E. Macron ne connaît rien – ou, en tous les, pas grand-chose, à l’économie de la métropole de Marseille. Sans quoi, sa visite à Marseille aurait consisté dans de véritables échanges avec les acteurs de l’économie métropolitaine et non dans des visites touristiques à la Busserine, au MuCEM ou à la grosse Cosquer. C’est aussi cela, le mépris macronien pour celles et ceux qui vivent à Marseille (mais, sans doute, aussi pour les autres : je ne suis pas paranoïaque) : l’idée selon laquelle, à Marseille, les gens qui viennent d’autres mondes comme le monde parisien ou celui de la centralité des pouvoirs de l’État, ne peuvent, à Marseille, que voir, que regarder – surtout pas échanger, dialoguer, parler, faire du sens.
La visite du chef de l’État a accentué la coupure entre deux villes
La Busserine le lundi, le MuCEM le mardi. Ce sont, en réalité, deux villes que le président a visitées. Alors que le rôle de l’État, donc, en particulier, celui de son chef, devrait être de garantir l’unité de notre pays, de la garantir, le programme de la visite présidentielle à Marseille, ne fait qu’accentuer la division de la France en deux mondes : celui des cités et celui des musées, celui des immeubles inhabitables à force d’être dégradés et celui des créations architecturales comme le MuCEM, l’œuvre de R. Ricciotti, celui des logements sans grâce et sans qualité de vie et celui des monuments et des paysages qui fondent la culture de la ville. Mais, au fond, on peut se poser la question : peut-être justement, est-ce cette coupure de Marseille entre deux villes, cette ségrégation qui sépare deux mondes, qui plaît tant à E. Macron, qui constitue aussi pleinement une réalisation dans l’espace du projet politique qui est le sien, les pauvres d’un côté, les riches de l’autre. Avec le président Macron, la régression sociale est telle que nous revenons aux images et aux figures du XIXème siècle.
La seule réponse de l’État à la crise marseillaise : la police
Puisque nous voilà revenus à la société d’il y a plus d’un siècle, le président n’a formulé aucun projet, ni sur le plan économique ni dans le domaine de l’emploi. Non. À Marseille, la seule réponse du président consiste dans la surveillance et dans la répression. Pour améliorer la qualité de la vie à Marseille, on ne prévoit pas de plans ni de projets d’aménagement et d’urbanisme, on renforce la police. À Marseille, de cette manière, l’État se réduit à de la police. Comment, dans ces conditions, celles et ceux qui vivent dans cette ville peuvent-ils encore croire à l’État, adhérer aux projets de société qui leur sont proposés ? Pour réduire les difficultés de la ville de Marseille, pour résoudre les problèmes quitte posent à la ville, la première réponse est là : dans la formation d’une unité de C.R.S. Accessoirement, une des premières visites du président à l’occasion de ce séjour à Marseille de juin 2023 aura été pour la prison des Baumettes. Forcément, Marseille se réduit à de la police, à de la prison et à une cité des quartiers Nord. Merci, soit dit en passant, pour celles et ceux qui vivent à la Busserine.
La ville et les cités
Car c’est à la Busserine que le président consacre sa première visite. Cela en dit long : pour lui, le logement, à Marseille, ce sont les cités. Marsactu a parlé de la colère des habitantes et des habitants de la Busserine, de cet « abandon » des quartiers Nord par les autorités de l’État, en particulier par son chef. M. Macron aime bien Marseille, mais enfin n’exagérons pas : ce qu’il aime, à Marseille, ce sont les beaux quartiers. Les quartiers populaires et les cités, il n’y va qu’en touriste. C’est que, rappelons-nous le toujours, une fois de plus à l’occasion de cette visite, les cités enferment, elles sont des ghettos, comme tant d’autres quartiers des villes de la Méditerranée. Peut-être, finalement, la politique de la ville de M. Macron se réduit-elle à cela : enfermer dans des ghettos.
Imaginer un nouveau Marseille ?
C’est pour cela qu’il est plus qu’urgent d’imaginer un nouveau Marseille, d’en finir avec l’époque Defferre-Gaudin. Laissons-nous aller à rêver. Après tout, cela sert aussi à cela, un « blog » : on écrit dans un journal des mots qui peuvent ne pas reposer sur des informations ni sur des événements, et qui peuvent n’être que des rêves, de douces chimères politiques. Nous avons même une nouvelle municipalité pour cela : laissons-nous aller au rêve d’une nouvelle politique de la ville engagée par le maire, B. Payan, et par son équipe. Nous sommes ainsi, à l’occasion de cette visite du président, devant une confrontation entre deux nouveaux Marseille. D’un côté, celui que projette « Emmanuel le conquérant ». E. Macron veut soumettre Marseille, il ne supporte plus d’avoir là, au bord de la Méditerranée, une ville qui pourrait lui résister. Il ne veut pas dialoguer avec Marseille, il veut la soumettre. Ne nous y trompons pas : comme, à une autre époque, le verrou du Fort Saint-Jean et du Fort Saint-Nicolas qui permettait de surveiller l’entrée du Port et sa sortie, le renforcement de la police que nous promet le président n’est pas tant destiné à lutter plus efficacement contre le trafic des stupéfiants qu’à renforcer la surveillance de la ville, qu’à la dompter, à la domestiquer, à faire de toutes les habitantes et de tous les habitants de Marseille des serviteurs (ou des serveurs puisqu’il a été beaucoup question de numérique). C’est le sens de ce mot qu’il a employé : il veut faire de Marseille un « laboratoire » : nous, ses habitants, ne sommes plus que des petites souris sur qui le souverain veut faire des expériences, essayer de nouvelles formes, inédites, de domination. En se posant la question de l’apport de Marseille à la France (« Jusqu’où Marseille peut apporter à notre pays ? », se demande le président), comme si ce voyage était l’occasion d’uns sorte de marché entre la ville et la France, E. Macron semble retenir essentiellement deux aspects : une approche écologique de l’économie de la mer, de ce qu’il appelle « l’économie bleue » et il propose de « faire de Marseille une capitale du numérique européen ». Reste à savoir de quels moyens disposera la ville pour cela, en moyens financiers et en hommes et en femmes, et, surtout, si la population de ce ville est disposée à jouer ce rôle. Il faut dire que, dans ces belles paroles, il fut peu question de l’adhésion de la ville à ses projets.
Une fois ces expériences faites, une fois après avoir tenté de séduire Marseille en essayant, sans succès, de lui faire croire que « sur la sécurité, tout y est », que « sur les transports, tout y est », après ces trois petits jours, le président s’en est allé, en laissant derrière lui les éprouvettes de ses expériences, les insuffisances de la politique de la ville de « Marseille en grand ». L’autre Marseille, celui les colères des habitantes et des habitants.
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