Sorties de l’ombre

Ciné Apprendre de Claire Simon

Un constat s’impose année après année au sein de l’exploitation cinématographique : le geste de diffusion des œuvres filmiques s’inscrit toujours plus dans un consortium où se mêlent public, salle, distributeurs et partenaires des œuvres. L’unique dispositif d’une seule rencontre entre un film et les spectateurs, plongés dans l’intimité de l’obscurité, ne suffit plus à donner sens, aujourd’hui, au besoin d’échanges sur la multiplicité des regards. Les cinéastes accompagnent désormais un nombre parfois phénoménal de séances spéciales, permettant de remplir au mieux les salles hexagonales. Cette transformation des praxis a conduit les professionnels de la profession à réinventer les bases même de la diffusion cinématographique.

Rappelons ici que dans la vie d’un film, trois étapes principales se dégagent des rouages industriels : la production et la réalisation de l’œuvre, la distribution, et enfin l’exploitation, dernier maillon qui permet la rencontre physique avec le public. Les distributeurs souffrent peut-être d’une méconnaissance de leur profession aux yeux du grand public : ce sont elles et eux qui permettent que le film enfin fabriqué puisse trouver le chemin des salles, en orchestrant sa promotion, en éditant tout le matériel nécessaire (copies, bandes-annonces, affiches…), en sélectionnant les lieux de projections. Et ce dans un contexte professionnel somme toute plutôt verrouillé, contraintes liées à l’exception culturelle hexagonale. Ce rouage de l’industrie cinématographique est donc essentiel à son économie, ainsi qu’à la visibilité des œuvres. L’une des structures qui le fédère reste sans contexte le SDI, Syndicat des Distributeurs Indépendants, réunion des forces vives de la profession, qui permettent entre autres l’extraordinaire diversité des propositions cinématographiques.

Chaque année, le SDI organise les bien nommées Rencontres du Cinéma Indépendant, et c’est, pour la première fois, dans la cité phocéenne, que seront proposées quatre journées de projections de films en avant-première, dans les cinémas Artplexe, La Baleine, Le Gyptis et Les Variétés. Une occasion rêvée de découvrir les opus qui feront l’actualité cinématographique des prochains mois, à commencer par Les Belles créatures du cinéaste islandais Guðmundur Arnar Guðmundsson, à la Baleine. Suivront le soir même les séances de Duel à Monte-Carlo del Norte, de l’époustouflant cinéaste d’animation (pour adultes) Bill Plympton — dont nous reste en mémoire, entre autres, le savoureux L’Impitoyable Lune de miel —, ainsi que le dernier opus de Claire Simon, Apprendre, suivi d’une rencontre avec la réalisatrice. Au programme de ces quatre journées exceptionnelles de cinéma, à Marseille, citons les opus When the Light Breaks de Rúnar Rúnarsson, Maman déchire d’Émilie Brisavoine, Totem de Lila Avilés, My Favourite Cake de Maryam Moghadam & Behtash Sanaeeha, Libertate de Tudor Giurgiu, Dahomey de Mati Diop ou Animale d’Emma Benestan, films distribués par les structures d’exception que sont JHR Films, Arizona Films, Outplay, Jour2Fête ou Les Alchimistes, entre autres, distributeur marseillais de talent, souvent évoqué dans ces colonnes.

Emmanuel Vigne

Les Rencontres du Cinéma Indépendant : du 18 au 21/06
Le programme détaillé des Rencontres du Cinéma Indépendant à Marseille