REPENSER LA POLITIQUE À MARSEILLE
Il y a trop de violence à Marseille, mais il y a aussi trop d’inutiles conflits de pouvoirs et trop de confusion, d’ambiguïtés. Sans doute faut-il concevoir une nouvelle politique
Une nouvelle vie politique
À Marseille, la vie politique semble usée. Elle est trop vieille, elle a été dégradée par des années de mandatures qui ne répondaient pas aux attentes de celles et de ceux qui vivent dans la ville. Il est temps, à présent, de tenter d’imaginer une nouvelle vie politique donnant naissance à une nouvelle cité et à de nouveaux citoyens. Les habitants de Marseille doivent, à présent, après tant d’années de sommeil, retrouver une vie politique, ils doivent redevenir des citoyens. Car c’est cela, un citoyen : une femme ou un homme qui vit dans une ville et qui fait de cette vie urbaine même un engagement politique. Cette vie politique que nous devons imaginer doit, d’abord, naître de nouvelles identités politiques allant au-delà des partis, mais se fondant sur des espaces de rencontres et de débats dans lesquelles se concevrait le Marseille de demain. Marseille a aussi besoin d’une vie politique qui aille au-delà des éternels conflits de pouvoir entre la ville et la métropole pour construire un nouvel espace de projets, de discussions et de confrontations. Cette vie politique pourrait s’exprimer et se manifester dans des petites agoras dans lesquelles la parole s’énoncerait librement, dans lesquelles les mots dessinerait la ville de demain. Surtout, cette nouvelle vie politique réunirait tous les espaces de Marseille, du Nord au Sud, tous les quartiers de la ville, dans des rencontres au cours desquelles les habitantes et les habitants de la ville se remettraient à se parler et à s’écouter. Si Marseille a été trop souvent la proie des violences de toutes natures, en particulier au cours de l’époque que nous vivons, c’est parce que la politique a déserté la ville, parce que la ville est devenue un espace de rapports de forces, de trafics et de banditisme – faute d’autorités légitimes pour réguler la vie de la cité.
Un nouveau débat public
C’est que c’est cela qui manque à Marseille : un débat public de qualité qui permettrait à toutes celles et à tous ceux qui se rencontreraient d’élaborer de nouveaux projets qui seraient conformes à leurs visions et à leurs conceptions du fait urbain au lieu de leur être imposés par des bureaux d’études marseillais voire parisiens. Le débat public est le lieu de la ville dans lequel elle s’invente, dans lequel elle fait le bilan du passé, et dans lequel elle imagine les projets qui conviennent le mieux aux habitantes et aux habitants. Ce nouveau débat public est aussi le lieu qui permet à celles et à ceux qui vivent à Marseille de se rencontrer, de se retrouver – ou de se trouver, de mieux se connaître. Les quartiers de la ville sont devenus des îles isolées les unes des autres sans écoute et sans paroles. Les quartiers Nord ignorent les quartiers du Sud, les quartiers riches ne savent même pas qu’il y a des quartiers qui le sont moins. Tout cela parce que le débat public s’est perdu dans les a priori et dans les idées toutes faites. Surtout, le débat public a été comme volé par les acteurs des pouvoirs. Il n’y a de débat, pour ainsi dire, qu’à l’occasion des élections à l’issue desquelles tout se passe comme si un chèque en blanc était donné aux nouvelles autorités. C’est même pire s’agissant de la métropole puisqu’elle n’est pas issue d’élections directes, mais que ses autorités sont désignées, sans débat, par les municipalités qui la composent.
Une meilleure connaissance des questions politiques qui se posent à Marseille
La politique marseillaise a changé de questions, d’enjeux, de logiques, et on a le sentiment que les acteurs de la vie politique de la ville ne s’en sont pas rendus compte. Ce qui compte, aujourd’hui, dans la ville, c’est la dégradation du paysage urbain, c’est l’hygiène, la propreté et les exigences de la voirie, mais c’est aussi la dégradation du patrimoine et de l’architecture, et, surtout, bien sûr, la pollution liée à toutes sortes de causes. Enfin, c’est la violence, le banditisme et les trafics de toutes sortes, notamment de stupéfiants. Sur toutes ces questions, la politique marseillaise semble tourner la tête, pour ne pas voir, pour ne pas entendre, pour ne pas parler. À moins qu’elle ne soit pas assez armée pour répondre à ces questions. Mais, si la politique marseillaise ne se réveille pas, le risque devient grand que des habitantes et des habitants ne finissent par quitter la ville. À moins que la ville ne finisse par devenir, comme beaucoup d’autres, une « ville morte ».
Les médias et l’opinion à Marseille
Mais il n’y a pas de vie politique sans que des opinions s’expriment dans l’espace public. Il y a eu, il y a maintenant longtemps, trois quotidiens à Marseille, même quatre. Aujourd’hui, il n’y en a plus que deux. Et encore ces quotidiens sont-ils porteurs d’une information qui n’est pas de qualité. Les médias de qualité, ce sont les quotidiens en ligne – mais il faut dire que cela n’est pas vrai seulement de Marseille. Ce sont toutes les villes de notre pays – et aussi des autres – qui ont vu leur information se dégrader. C’est ainsi que, s’il n’y a plus d’information assez forte, assez solide, assez diffusée, il n’y a plus d’opinion publique. La politique marseillaise a perdu les mots, mais, en perdant les mots, elle a perdu les idées. Les « états généraux de l’information » ont fait le bilan, et il n’est pas brillant. Pour retrouver une opinion dans la ville, il faut en finir avec cette sorte de vol de l’information et du débat par les élites et permettre au peuple de Marseille de retrouver sa voix et de retrouver des opinions. Les médias doivent, de nouveau, reconstruire une opinion publique dans la ville – notamment au moment où des domaines sont en crise, comme celui des transports, celui de l’environnement ou celui du logement. Les médias doivent de nouveau proposer à celles et à ceux qui vivent dans la ville de se former une opinion sur ce que devraient être les réseaux de transports, les modalités de la préservation de l’environnement, les nouvelles logiques de la construction et de l’urbanisme. Ces domaines ne doivent plus être réservés aux techniciens ou aux technocrates, mais faire l’objet d’un débat dans lequel s’expriment pleinement les opinions des premiers concernés : les habitantes et les habitants.
De nouvelles logiques de pouvoir
Au-delà, ce sont de nouvelles logiques de pouvoir que Marseille doit trouver. J’en citerai trois. La première est la recomposition des limites de la métropole, trop étendue, habitée par des habitantes et des habitants qui ont trop peu de choses en commun, qui ne se posent pas les mêmes questions. La seconde logique de pouvoir qu’il faut recomposer est l’élaboration d’une assemblée métropolitaine élue au suffrage direct. De deux choses, l’une : ou la métropole doit avoir un véritable pouvoir et celui-ci doit lui être confié par celles et ceux sur qui il s’exerce ; ou la métropole est désignée en-dehors du suffrage universel direct et elle ne peut pas avoir de pouvoir. La troisième logique de pouvoir qu’il importe d’instituer est celle qui porte sur la fiscalité, sur l’urbanisme et sur les transports : la ville n’est pas autre chose – on a tendance à l’oublier – que l’acteur local de l’État qu’il ne faut pas confondre avec la nation. C’est bien pourquoi la ville doit retrouver une autorité effective sur l’urbanisme et la construction et ne pas les laisser au marché, sur les transports et ne pas les laisser à des autorités qui défigurent la ville et qui oublient les habitants et les usagers, sur la fiscalité locale qui est mal gérée et pouvoir imaginer et concevoir de nouvelles façons de disposer des moyens dont elle a besoin pour renaître, pour trouver un nouvel élan, pour proposer de nouvelles initiatives.
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