QUE SERAIT UN R.E.R. MARSEILLAIS ?

Billet de blog
le 3 Déc 2022
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L’oracle élyséen l’a dit : il y aura des RER un peu partout en France. Penchons-nous donc, après J. Vinzent, sur ce que signifierait un « R.E.R. marseillais ».

 E. Macron et les R.E.R.

Notre bien-aimé président se mêle de tout. Il vient de dire « je veux » au sujet de l’aménagement de réseaux R.E.R. dans une dizaine de métropoles françaises. Nous sommes revenus aux plus beaux temps du centralisme français. Tout se décide à Paris, sans que soit recueilli l’avis des populations concernées, et, surtout, tout est décidé par le président qui se conduit comme un souverain : nous sommes devant les relents monarchistes du pouvoir macronien. Le cas des R.E.R. est intéressant, à cet égard, car il constitue une excellente illustration des spécificités de la présidence d’E. Macron. Ce dernier n’a sans doute jamais mis les pieds dans certaines des métropoles dont il parle, il n’a jamais étudié dans le détail l’histoire et la politique des transports et des déplacement dans les dix métropoles concernées, mais cela est sans importance : comme il sait tout, il n’a pas besoin de faire l’expérience ni de mettre en œuvre une concertation ni même un simple dialogue avec les métropoles.

 

Qu’est-ce qu’un R.E.R. ?

On peut dire que la première idée d’un R.E.R. est née à Paris dans les années trente : en 1938, la « ligne de Sceaux » est organisée, de façon distincte de la S.N.C.F, pour desservir la banlieue Sud et Ouest de Paris. Mais le principe du R.E.R. contemporain est formulé en 1965, dans le « Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de « la région parisienne », document constituant un projet d’aménagement fondé sur une logique de planification. C’est le planificateur Paul Delouvrier qui est à l’origine de ce « schéma directeur ». Un R.E.R. articule une politique des transports, une politique de planification et une politique métropolitaine : on peut dire qu’il constitue le squelette d’une métropole.

 

R.E.R. et identité métropolitaine

Un réseau manifeste l’identité d’une métropole à la fois en organisant les déplacements dans l’aire de cette métropole et en instituant une politique élaborée par une autorité politique de cette métropole. Sans doute une métropole n’existe-t-elle pleinement, de nos jours, que quand il existe un réseau métropolitain de transports en commun. Le projet d’un R.E.R. est, pour Marseille, le signe qu’il existe réellement une métropole marseillaise : dotée d’un tel réseau, la métropole marseillaise acquiert une dimension réelle, elle n’est pas seulement une idée d’urbanistes sans incidence sur la réalité de la vie des habitants. En utilisant le R.E.R., ceux-ci n’habitent pas seulement la ville de leur domicile et celle de leur travail, mais ils habitent la métropole.

 

Marseille et un R.E.R.

À Marseille, le projet d’un R.E.R. implique que soit repensée la relation entre la ville et ses périphéries. Il ne s’agit pas de limiter la logique métropolitaine à Marseille et à ses banlieues : sur ce plan, on sait bien que ce que, dans d’autres villes, on appelle les banlieues, fait, à Marseille, partie de la ville. Un R.E.R. institue une métropole, comme avaient commencé de le faire, en leur temps, l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise, ou les universités d’Aix-Marseille. En-dehors de son usage et de l’organisation des déplacements, un R.E.R. fait partie de l’ensemble des institutions qui donneraient une consistance politique et culturelle à la métropole marseillaise.

 

On ne peut pas imposer un R.E.R. depuis Paris

C’est justement pour cela que l’on ne peut pas imposer l’existence d’un R.E.R. depuis Paris. Dans les propos d’E. Macron, la technocratie et la centralisation, une fois, de plus, règnent en France – j’allais dire : comme d’habitude. L’identité politique de notre pays est née du centralisme, de la réunion d’une quantité de provinces et de régions – et même de langues – sous l’autorité politique du pouvoir central, sans doute en 1539, quand François Ier impose l’usage de la langue française dans les actes d’état-civil. Ensuite, sous le règne de Henri IV, puis, encore plus, sous ceux de Louis XIV et de napoléon, le centralisme monarchique achèvera cette œuvre de construction d’un pays unifié, avant que la IIIème République avec les instituteurs et l’école publique obligatoire, puis les républiques suivantes avec la planification et le centralisme poursuivent l’intégration politique de notre pays sous la conduite d’un État toujours puissant. Mais une telle négation repose tout de même sur une sorte de chimère : celle de l’adhésion de la population à de tels projets. Pas plus qu’on ne peut imposer depuis Paris les évolutions du pouvoir et de l’État, l’idée d’un R.E.R. ne pourra prendre corps que si les populations de la métropole manifestent leur accord avec ce projet en acceptant d’être les usagers de ce réseau, ce dont nous n sommes pas encore sûrs. Au-delà, peut-être cette adhésion est-elle la signification d’une politique des transports fondée sur l’usage des transports en commun au lieu de l’être sur l’usage de la voiture particulière.

 

Les limites d’un réseau comme le R.E.R.

Jusqu’où peut aller un R.E.R. ? Qu’implique l’institution d’un tel réseau, et, surtout, quelles en sont les limites ? La première est ce que nous venons d’écrire : l’aménagement d’un réseau unifié métropolitain de transports en commun n’a de sens que s’il s’accompagne d’une politique d’incitation à son usage –et d’une politique de réduction de l’usage des voitures particulières. Il faut, pour cela, une volonté politique que la métropole ne semble pas prête à manifester. Par ailleurs, même si un R.E.R. est, bien sûr, un moyen de faciliter les déplacements, il ne faut pas tomber dans le piège de l’accroissement du temps de travail des habitants de la métropole sous l’effet de la croissance des usages du R.E.R. Puisqu’il y a un R.E.R., les entreprises pourraient faire le choix de ne pas tenir compte du temps passé dans les transports pour l’organisation du temps de travail ou pour le choix des lieux d’implantation de leurs sites de travail. Surtout, le piège d’un R.E.R. se trouve dans le logement : à la fois l’existence d’un réseau de transport et son extension pourraient augmenter la valeur des logements même s’ils sont situés loin des centres. Il importe, en ce sens, que cet aménagement du R.E.R. s’accompagne d’une vigilance accrue des institutions de la métropole sur le marché du logement et sur le fait qu’elles aient la possibilité d’exercer sur ce plan une véritable autorité. Il importe aussi que ce futur réseau ne soit pas l’enjeu de la confrontation des pouvoirs et des orientations politiques entre les institutions nationales, les institutions métropolitaines et les institutions municipales.

Commentaires

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  1. Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

    heureusement que macron émet cette excellente idée (je ne suis pas macroniste) qui va dans le sens de l’histoire j’ai 72 ans cela fait plus d’un décennie pour l’on évoque un RER marseillais si on doit attendre la métropole Marseille reste à l’âge de pierre. Il faut tout de même que la 2ème ville de France grandisse et ne soit pas à la traine pour tout !!

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  2. Malaguena/Jeannine Malaguena/Jeannine

    et il y aura tellement de freins que je serai morte avant de l’avoir pris

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