Passion, colère, rationalisation et futur : parler une dernière fois de la soirée d’inauguration
Encore un billet sur la soirée d’ouverture, oui, encore un ! Un dernier pour la route, avant de plonger dans cette année pleine de bonnes surprises, mais à froid, une fois diluées la passion et la colère, entendus les réactions des uns et des autres, essayé de comprendre les raisons de chacun et surtout, s’être posé la question : pourquoi ne pas recommencer l’année prochaine ?
Récit de ce qui m’est passé par la tête et les tripes ces derniers jours.
Le temps des passions et de la colère
A peine la fête était-elle terminée que le couperet tomba : tout le monde n’avait visiblement pas passé la même nuit que mes amis et moi. Comme tous les passionnés, j’en rajoute volontiers, “c’était pas bien, c’était génial !”, et conforté par l’unanimité de mon groupe, je m’attendais à des articles et des conversations reprenant notre enthousiasme et notre plaisir.
Le sondage de la Provence publié lundi (74% d’insatisfaits), des commentaires sur Twitter et les articles “cheaps” de journaux nationaux m’ont douché. J’ai réagi avec colère : ceux qui n’ont pas aimé n’aiment rien ou n’ont pas compris comment profiter de la soirée. Je me suis retrouvé avec plein d’autres marseillais, attaquant les “grincheux”, “râleurs” et autres “parisiens” ou “lecteurs de Libé”.
Une fois que chacun a pu expliquer pourquoi il avait aimé / pas aimé, que tous les journalistes ont eu le temps de donner leurs bons et mauvais points, on se retrouve face à un paysage est clivé avec à ma droite les vrais marseillais patriotes qui ont adoré la soirée, à ma gauche les parisiens cultureux adeptes du Marseille-bashing : choisis ton camp camarade !
Le temps de la rationalisation
Alors oui, j’ai adoré la soirée, c’est un sentiment qui ne se rationalise pas et s’explique difficilement. Je ne dois pas être difficile du moment qu’on me laisse danser et je suis extrêmement partial, pourquoi le nier ? Mais si après quelques jours, j’essaie d’analyser la situation, que vois-je ?
Un “papier” qui a permis de structurer les réactions, signé par un envoyé très spécial qui s’est livré à un exercice de style entre méchanceté gratuite et condescendance. Je l’ai d’abord détesté, lui, Paris, la France en général (un classique chez moi). Mais finalement, je ne lui en veux pas : ça arrive à tout le monde de rater un papier et céder à la facilité. On sent qu’il camoufle un manque d’implication dans son travail sous un ton volontairement très acide, qu’il se fait plaisir comme je le ferais si je devais écrire sur la Nuit Blanche parisienne. C’est facile et vite fait, pas besoin de s’intéresser au contexte, d’essayer de comprendre l’évènement, on vitriole en se prenant pour Cocteau, et vite vite vite dans le TGV pour retrouver son chez-soi. En plus, ça va buzzer et le journal sera content.
Ça a aussi permis de mobiliser le Tout-Marseille pour défendre la ville, et renforcer un clivage qu’Olivier Bertrand et Télérama tenteront de dépasser. Ils y arrivent parce qu’ils connaissent la ville et qu’ils contextualisent ce qu’ils ont vu.
Plus globalement, cette expérience souligne selon moi la difficulté qu’à Marseille pour s’émanciper de la référence parisienne. Je regrette l’attention que nous avons porté à ce regard, comme celui d’un grand frère, comme si nous avions fait tout ça pour qu’ils nous félicitent, et pas pour en profiter nous. Le New-York Times nous honore dans son classement des villes à visiter, et nous pleurons pour un papier dans Libération… ça a quelque chose de surréaliste ! Marseille ne deviendra jamais une métropole sans se libérer du modèle parisien et imposer son cadre de référence.
Le temps des projets
Et après avoir geint, insulté et réfléchi, on fait quoi ? Ben à mon avis, on se penche sur une édition 2014 pardi ! A quoi peut bien servir de faire un bilan, partager des idées/points faibles et forts si ce n’est pour améliorer l’évènement la prochaine fois ?
Tous les articles honnêtement écrits ont souligné les avantages de la soirée, au premier rang desquels l’exceptionnelle participation des marseillais et des “métropolitains”. Mais aussi le mélange (générations, origines, quartiers…), le civisme, l’utilisation des transports en commun etc… La Provence rapportait lundi la joie des restaurateurs dont on devine qu’ils ont fait carton plein dans le centre. Et puis on sait bien que le défi de 2013 est de dynamiser 2014 et 2015 et ainsi de suite.
Le Nouvel Obs annonce un budget de 2,5 millions d’euros pour l’ensemble du week-end, dont on peut imaginer qu’il s’élève à 1,5 pour la seule soirée marseillaise (et 1 million pour les activités aixoises, arlésienne et la chasse au 13 or). Ce qui représente moins de 4€ par participant, et un peu moins d’1% du budget culture de la Ville de Marseille : une dépense que l’on peut se permettre vu les résultats, enfin, je pense !
Et aux vues des retours, comment améliorer une hypothétique prochaine édition ? Voilà quelques propositions :
- Abandonner l’idée de la clameur qui fait disjoncter la ville, ou le faire vraiment et simplement, avec une seule proposition : venir hurler sur le Vieux-Port et Canebière.
- Étaler la fête sur 2 ou 3 soirs, avec un jeudi soir plus familial et un vendredi / samedi plus festifs, avec de la musique dans les rues piétonnes, et en plus de cette édition un grand concert gratuit sur la Plaine, des activités sur l’esplanade de St Charles, dans le Parc Longchamp (pour diluer la foule), et plus de lieux pour continuer après 1h (Docks, Friche, sélection de rues où les bars seraient exceptionnellement ouverts jusqu’au matin).
- Une parade des quartiers, avec 111 chars, représentant chacun un des villages de Marseille, pour impliquer les CIQ, les écoles, les associations de tous les quartiers.
- Des points “familles” protégés dans les lieux les plus denses, où on puisse être à l’aise avec sa poussette ou sa grand-mère, attendre que la foule passe en sécurité.
- Pourquoi pas rapprocher ce grande fête des beaux jours ? Soit en “upgradant” la Fête du Panier mi-juin qui deviendrait la fête de Marseille, après tout, Marseille n’est-elle pas née dans le Panier avant de “conquérir” le reste de la commune ? Ou en l’installant autour de la St Victor (21 juillet), ou en lieu et place de feu la Fête Bleue qui fait pâle figure en comparaison ?
Alors avec ces idées, on en est peut-être au double ou triple du budget, mais ça fait jamais que 3% du budget culture de l’année… Et bien fait, ça peut rapporter bien plus, en argent mais aussi en cohésion, en bonne humeur et en sacro-sainte image :-).
Chiche ?
Commentaires
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Marseille c’est sale.
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On répond quoi à ce genre de commentaire constructif ?
“Et ta mère ?”
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100% d’accord ! Je veux bien être avec toi au comité d’organisation de la Clameur Marseillaise de 2014 !
Quand aux commentaires idiots style “attention le sang va couler” (lu sur le site de France Info) laissons les aux gens qui utilisent encore le mot “province” pour signifier que quelque chose n’est pas parisien… donc pas aussi bien que si c’était à Paris. Et ce n’est pas de la paranoia ou un sentiment d’infériorité, mais bien une frustration due à l’incompréhension. Notre ville est incomprise. Mais nous on l’aime comme elle est.
Et on va pas rester à l’agachon d’un bon article, tu l’as dit, faisons avant ! Ceux qui n’essayent pas de comprendre tant pis pour eux !
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Merci Julie. Sinon, je pensais à une “Marseille Pride”, genre on est fiers de l’être et ceux qui nous comprennent/aiment pas, on vous em/en…(tu mets ce que tu veux derrière).
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A propos de la couverture médiatique de l’événement. En écoutant l’émission La Dispute sur France culture, je me faisais la réflexion que ces journalistes non locaux, ont été trimballés en bus par les organisateurs, on les a emmenés au Mucem, au J1,à la Friche et à Aix. Bref, ils étaient là avec d’autres journalistes, pas avec leurs amis, dans une ville qu’ils ne connaissaient pas, submergée par une marée humaine. Ils ont été dépassés par les événements ! Ils n’étaient pas là pour comprendre la ville mais pour participer à la fête mais visiblement, ça ressemblait plus pour eux à un voyage organisé professionnel avec étapes obligatoires, etc. Il faudra qu’ils reviennent, c’est dommage quand même ! 😉
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Je suis assez d’accord. Peut-être qu’on aurait pas du les inviter à ce moment-là, laisser ceux qui voulaient participer le faire. On aurait de la couverture super locale, beaucoup sur les réseaux sociaux, plutôt positifs et ça aurait sûrement posé des questions aux nationaux… il se passe quoi ? Tiens, y a pas eu de problèmes, les gens disent que c’était bien…
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Excellente analyse, et mêmes sentiments après quelques jours.
Les avis négatifs émanent, semble-t-il, de ceux qui se sont mal organisés (arrivés en retard, non informés, ne sachant pas trop où aller, et n’aimant pas marcher) et surtout des habituels râleurs (mais ceux là, on ne pourra rien en faire).
Moi, pour la grande clameur j’aurai bien fait une énorme mascleta sur le Vieux Port, comme à Valence, avec 150 kg de poudre, plein de bruit et basta.
Pour les années suivantes, il faudrait réfléchir à ce qui se fait à BCN avec les fêtes de la Mercè, la festa major d’estiu.
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