NOUS AVONS GAGNÉ, VOUS AVEZ GAGNÉ, ILS ONT GAGNÉ …
French President Emmanuel Macron delivers a speech at the Palais du Pharo, on September 2, 2021, as part of a three-day visit in Marseille, southern France. (Photo by POOL / AFP)
Nous avons gagné.
Vous avez gagné.
Ils ont gagné…
Le 10 février 2023, le Conseil municipal de Marseille adoptait une délibération actant le recours à un accord-cadre de marché de partenariat entre la Ville et la Société Publique des Écoles Marseillaises (SPEM).
Dès cette date, nous avons alerté les élus accessibles, dénonçant un montage hasardeux, un PPP déguisé, et un grave manque de clairvoyance politique.
Ce dispositif n’était pourtant que le prolongement expérimental du plan Marseille en Grand : transformer une SPLA-IN (Société Publique Locale d’Aménagement d’Intérêt National) en une méga-structure chargée de piloter des Marchés Globaux de Performance (MGP).
Ces MGP englobent tout : études, travaux, entretien et maintenance — sur un périmètre tentaculaire : espaces verts, sécurité incendie, chauffage, sanitaires, portes, fenêtres… Tout sauf le ménage, le mobilier et l’informatique.
Le ministère du Budget, allait même jusqu’à vanter alors des MGP sur 20 à 30 ans, saluant le “montage vertueux” proposé.
Votée à une quasi-unanimité, cette délibération n’a été comprise en réalité dans toute sa portée que par très peu d’élus, voire aucun. Car ce montage est né dans les bureaux de FIN INFRA, la cellule du ministère du budget chargée de promouvoir les PPP et les MGP auprès des collectivités.
Avec cet accord-cadre, la SPEM se voit confier études, construction, rénovation, mais également entretien et maintenance de dizaines d’écoles — au détriment des services techniques municipaux. À l’époque, un budget de 300 millions d’euros était avancé pour l’entretien et la maintenance.
Nous avions aussi alerté sur des hypothèses de fonctionnement irréalistes de la SPEM : seulement 30 agents, dont 15 opérationnels ?
Aujourd’hui, les coûts explosent, et nous ne sommes qu’au troisième marché subséquent. Il en resterait trois ou quatre et pas des moindres : le quatrième, à lui seul, représente le volume des trois premiers réunis.
Et tout cela sans aucune maîtrise d’œuvre publique, malgré des centaines de millions d’euros engagés.
Nous avons alerté, encore et encore. Et nous avons appris que la Ville avait été prévenue elle aussi du risque contentieux élevé.
Mais non, il fallait vite annoncer du grandiose, le plan du siècle, peu importe si les coûts explosent. L’urgence servait surtout de cache-misère à un manque de rigueur et de vision politique.
Mais au fond, l’illégalité est simple : l’entretien et la maintenance ne font pas partie des compétences d’une SPLA-IN.
Une société d’aménagement conçoit, investit, transforme l’espace urbain. Elle n’est pas censée gérer des poignées de porte ou des chaudières.
Derrière Marseille, c’est toute la France qui est concernée.
Le Sénat lui-même a mené une mission d’information sur la rénovation du parc scolaire, un chantier évalué à plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Le montage marseillais n’est qu’un prototype : transformer les SPLA-IN en gestionnaires du patrimoine scolaire, au profit des intérêts privés du BTP, et au détriment du service public.
C’est pourquoi nous avons saisi le Tribunal administratif, qui nous a donné raison sur le fond en annulant l’accord-cadre le 20 janvier 2025, avec exécution au 1er août.
Deux ans de procédure, trois citoyens sans avocat, face aux avocats parisiens de l’État, de la Ville et de la SPEM.
La Ville, l’État et la SPEM ont fait appel.
Ils viennent de gagner en appel, non pas sur le fond, mais pour irrecevabilité :
* Le ministère du Budget n’avait pas été considéré comme partie à la procédure en première instance ; la Cour d’appel estime qu’il aurait dû l’être. Faute de pouvoir se défendre, l’affaire est donc rejetée pour vice de procédure. Ceci n’est pas de notre fait mais bien du tribunal administratif en première instance.
* Notre recours aurait été tardif, selon la Cour d’appel. Pourtant, nous avions respecté les délais en nous appuyant sur la publication européenne. Mais la Cour s’est appuyée sur une autre publication (le BOAMP) pour estimer que nous étions hors délai.
Le jugement de première instance est donc annulé, non sur le fond, mais pour des raisons de forme.
Et pourtant, nous considérons avoir bel et bien gagné sur le fond.
Le Tribunal administratif a en effet affirmé l’illégalité de l’accord-cadre. Le rapporteur public devant la Cour d’appel l’a confirmé : une SPLA-IN n’a pas vocation à faire de l’entretien ou de la maintenance.
La situation est donc explosive.
Les marchés signés par la SPEM sont juridiquement fragiles, les risques contentieux sont majeurs. N’importe qui peut déposer un recours et faire annuler les marchés globaux de performance.
C’est pourquoi, en urgence, la Ville présente aujourd’hui au Conseil municipal des délibérations de “sauvetage”, pour proposer de reprendre les volets entretien et maintenance par la Ville pour les marchés en passe d’être signés. Mais quid des MGP déjà signés ? ils peuvent être attaqués à tout moment sans aucun problème de délai puisque la SPEM ne publie pas ses avis d’attributions (et oui une société publique est avant tout une société commerciale, elle n’a pas à publier ses avis d’attribution de marché).
Une usine à gaz.
Un gouffre financier.
Une faillite politique.
Le coût de la maintenance externalisée est 5 fois supérieur à celui assuré par les services municipaux. Autant d’argent public détourné des écoles pour alimenter les profits privés.
Nous rêvions d’une SPEM puissante, porteuse d’une vision architecturale forte, comme au temps de l’architecte Egger, architecte de la ville, bâtisseur de 150 écoles marseillaises dans les années 50. Une SPEM capable d’imaginer une “école Payan” ou “Ganozzi”, belle, reproductible, fonctionnelle, adaptée aux usages.
À la place, nous aurons du clinquant, des paillettes, des transats colorés. Un patrimoine scolaire aux architectures éclatées, aux matériaux hétérogènes, ingérable pour les services, avec des risques de malfaçons démultipliés.
Et demain ?
La “performance”, si elle est mesurée, le sera à la tête du client. Et quand les désordres surgiront, les entreprises pointeront l’usage comme cause, jamais leur exécution.
La SPEM, elle, ne sera pas équipée pour y faire face.
Bon courage…
Enfin, une pensée pour les salariés de la SPEM, pris au piège d’un montage bancal. Rappelons que la Ville n’a même pas détaché un seul agent pour y travailler. Un autre scandale.
Bref.
Ils ont tout gâché.
Le Collectif des écoles de Marseille,
Le CeM (prononcez le seum parce que…)
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