Mes châteaux d’If: Le mythe de la meuf.

Mes châteaux d’If: Le mythe de la meuf.

Qu’est ce qui se cache derrière l’histoire de la Reine des neiges, chez Karaba la sorcière ou dans le mythe de Pénélope? Blanche Sabbah, féministe engagée comme ils disent chez Dargaud, a publié ses dessins revisitant les histoires et mythes sur son compte Instagram. Nom de code: Mâtin. Désormais, on pourra retrouver l’ineffable papier et le solide carton pour se faire une idée de la condition féminine quand on s’appelle Shéhérazade et que le roi de Perse commet un féminicide en tuant chaque jour, après consommation, une femme.

Le récit sur la Reine des neiges d’ Andersen, adapté par Disney de 2013 manquait à ma culture. A contrario de nombreuses histoires macho-compatibles, la Reine des neiges raconte l’histoire d’une libération. Les héroïnes sont étouffées, leurs désirs sont comprimés…mais ça va bouger. Le prince charmant est un assassin et la Reine des neiges une battante qui combat  des mercenaires armés. Elle sait se défendre et n’est pas secourue comme toutes les princesses en sa pâmant d’aise.

Chez Daphné, la belle nymphe, c’est ce gros lourd d’ Apollon, touché par la flèche d’Éros le dédouanant ainsi de sa responsabilité, qui poursuit la fille de Pénée de ses assiduités, mais quand c’est non, c’est non. N’en pouvant plus Daphné demande à son père d’être sauvée. Celui ci la transforme en laurier. Pauvre Daphné, victime du désir des hommes, symbole des femmes victimes des ravissements et autres viols.

Trois pages de dessins sont relayées par un texte explicatif qui met en perspective les enjeux de chaque histoire. Un encadré complète le tableau en ouvrant le sujet. Je ne vous dis pas ce qu’on apprend à grande vitesse. Faut avoir du melon même pour comprendre les dessins.

Ce sabbat des sorcières, ces réunions nocturnes où des femmes festoyaient , ce grand tapage illustré, réunit avec ces chroniques, Jeanne d’Arc, Judith, Cybèle, Méduse, Le petit chaperon rouge et même Pocahontas. Une sacrée bringue entre stars. La nuit promet d’être belle si vous écoutez en même temps Jean Guidoni, marseillo- toulounais avec Djemila pour la Reine de Saba.

Une pancarte féministe à Madrid pour le 8 mars affichait : “Je ne suis pas sortie de ta cote, c’est toi qui est sorti de ma chatte.” Bien trouvé et cité dans les pages consacrées à Eve et Adam, habilement inversés. La Genèse est une histoire pour les hommes, surement une consolation pour cet incapacité à créer à partir de son propre corps. Ce qui pousse les hommes à créer en dehors de la maternité, ce qu’on appelle, depuis les parois rupestres jusqu’aux sublimes tags de nos villes : l’ art. Groumpf! (onomatopée figurant la subtilité des gars)

On trouve dans cet album, Barbe Bleue, tueur de femmes ou le Chevalier Éon, qui se travesti en femme sous Louis XV et se joue du genre de manière chevaleresque. Ce thème passionnant se trouve dans un album troublant sorti en 2016, Mauvais genre, l’histoire d’un déserteur de la guerre de 1914 qui se travestit et y prend gout, le bougre, pour échapper à son retour au front. Car la guerre c’est un massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent ( Paul Valéry) Ben, et la guerre qui c’est qui aime le plus la faire? Hein, devinez, question à cent balles? C’est nous. En temps de paix, heureusement qu’on joue à la pétanque mais même là; t’as des gonzes capables de te prendre la tête pour un point…Ha! je vous jure!

Conclusion: procurez vous  ce charmant bouquin coloré, chatoyant, joyeux, jamais moralisateur et fichtrement intelligent.

Mythes et meufs, Blanche Sabbah, Matin, Dargaud, sortie le 15 avril 2022, 18 Euros.