Mes châteaux d’If: Le chat du rabbin sur les genoux de Pierre Goldman
Mes châteaux d’If: Le chat du rabbin sur les genoux de Pierre Goldman
” On nous aurait dit, Allez crever pour Paris, on acceptait sans hésiter.” Mais nos musiciens, l’un juif algérien et l’autre africain ne souhaitent pas se battre pour la France ou contre l’Allemagne en 1914. Ils veulent jouer avec Django au Sphinx à Alger, pincer les cordes plutôt que de se faire pincer dans les barbelés, s’accorder plutôt que crever pour les marchands d’armes et les va-t-en guerre, toujours prompts à envoyer les autres nourrir les tranchées de leurs cadavres.
Jacob Malka, ce personnage fantasque, sorte de hippie flamboyant et coloré aux yeux des profondeurs aquatiques, refuse la conscription. Les gendarmes lui demandent ” Tu crois que les autres n’ont pas d’enfants?” Lui affirme: Moi j’ai un lion.” Malka est sanguinaire mais sans patrie.
Une merde noire.
Joann Sfar signe un album antimilitariste ou anti guerre si l’on veut. En racontant à grands traits l’embrigadement de deux goumiers et tirailleurs d’ AOF, Josué Rebibo et M’bangui, dans un conflit qui ne les concerne pas, il raconte la fraternité entre tous les exfiltrés des pays colonisés. Sfar nous entraine vers la mer noire ou la guerre n’en finit pas: il faut combattre les bolcheviks qui ont renversé le tsar et proclamé la révolution. Nos héros dont notre rabbin habituel et son chat sont les passagers involontaires des événements historiques.” Je prie au milieu des cadavres de tous les pays. C’est ça l’Internationale.” raconte notre rabbin algérois. Seule constante dans le mouvement historique: l’anti sémitisme.
Une découverte pour Sfar:les mutins de la mer Noire avec André Marty, le plus connu d’entre eux.On croise l’anarchiste Makno et ses adversaires, on assiste aux massacres des uns puis des autres. Et à la fin, c’est la faute aux juifs. Comme c’est commode.
Dans les bastingages du bateau qui les emmènent vers Odessa, le lion et la chat sont étendus ensemble dans la même couchette. Clin d’œil. Dessin qui me fait penser à Tardi par moment, à Fred aussi de Philemon.
L’actualité qui voit la sortie du film sur le procès de Pierre Goldman, après la sortie du livre de Jablonka sur Jean-jacques Goldman m’a poussé à relire Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France.
Le curriculum vitae de Pierre Goldman n’a pas perdu de sa force. Le récit de sa jeunesse, folle, romantique part comme un boulet de canon. L’origine familiale est racontée sans fard. Son livre est à cœur ouvert sur ses pensées, ses errements, son aventure personnelle qui va le conduire à la mort. Une mort qu’il désire ardemment. Comme un feu noir qui le dévore.
Pierre Goldman est hanté par les faits de Résistance de ses parents, par leur héroisation. Son père Lucien appartenait au FTP MOI, sa propre mère polonaise combattait aussi. Lui est né de l’ombre et a souhaité y rester. Ténébreux et hébreu, il consacre en prison une thèse sur la salsa, apprend la philosophie et se trouve à Cuba lors de la mort du Che.
Engagé dans l’U.E.C ( Union des étudiants Communistes) coté service d’ordre et action, il s’encanaille de l’autre avec les Antillais, les bandits haïtiens, apprend le créole, adore la musique cubaine, fréquente un Paris populaire et déteste la comédie de mai 68. Pierre Goldman rêve de Cuba, de luttes armées, d’authentiques batailles. Il s’engage sur un cargo pour les États-Unis espérant s’échapper une fois pour la guérilla vénézuélienne. Il se tire sans papiers à Mobile en Alabama et trace vers le Mexique. Se retrouve en prison aux Etats Unis. Revient. Repart. Il mène une vie agitée entre musiques noires et caraïbes qu’il aime par dessus tout et recherche d’action qui puisse le faire dépasser les faits d’armes de son père. Insoumis à l’armée Française, il s’engage dans un maquis vénézuélien.
En prison en France accusé du crime de la rue Richard Lenoir, il y a ce texte ” Est ce qu’on peut dire la prison?” Un texte qui est d’une vérité absolue sur la prison. Jean Dutourd avait écrit dans France Soir qu’un type qui écrivait comme ça ne pouvait être un meurtrier.
Goldman dénonce l’anti sémitisme en se revendiquant juif. Fier de la première victoire d’Israël lors de la guerre des six jours, il y voit la foudroyante résistance juive.” Il n’y avait plus de lâcheté, de passivité juives. il n’y en avait jamais eu mais les goyes l’ignoraient ” ou encore cet aveu “J’étais trop juif pour me sentir israélien”
Quand il repasse à Paris, ses deux frères dont Jean-Jacques le regardent comme un ovni. Jean-Jacques composera des chansons dégagées sans qu’on s’en aperçoive. Pierre Goldman sera assassiné en pleine rue en 1979. Assassinat revendiqué par le Groupe Honneur de la Police.Goldman plaçait dans son firmament personnel Marcel Rajman, le jeune fusillé du groupe Manouchian.
Vous vous demandez peut être pourquoi j’ai associé les deux livres? Parce que dans l’histoire de Pierre Goldman et de Joann Sfar, il y a un père avec un costume trop grand à porter. Un costume de résistant pour un peuple exterminé.
Quant à Joann Sfar, pas de doute.Il est entrain de se demander comment dessiner la vie de Pierre Goldman. Entre eux deux, l’essentiel; faites la musique, pas la guerre!
Le chat du Rabbin. 12. La traversée de la mer Noire. A paraitre le 13/10. Dargaud. 16.95 euros. A la Réserve à Bulles. Marseille.
Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France. Points seuil Actuel. Se trouve dans les bouquineries comme les Frères de la Cote, cours Julien.
Psitt: Que seraient ce ces albums sans les couleurs de Brigitte Findakly. Hein, je demande?
Commentaires
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Le chat du rabbin sur les genoux de Pierre Goldman.
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Le beau Marcel Rayman pratiquait la natation et touchait sa bille dans ce domaine les dimanches sur les bords de Marne du côté de Nogent. Comme en miroir, Momo de la casbah d’Alger, le même qui avait offert son pécule au père Charlot, était champion d’apnée et pouvait s’asseoir sans problème au niveau du môle le temps d’une prière pour le salut de cette terre. L’occasion de le voir ou le revoir dans le film Tayia ya didou où il joue son propre personnage. À vos cassettes.
Le brestois
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J’ai vu le film hier, ça remue et ça fait remonter pas mal de trucs. Lequel as tu lu, les souvenirs ou Archibald rapoport ? Je suis allé à son enterrement, c’était la première fois que je voyais Signoret en vrai, il y avait aussi mon prof d’histoire monsieur Clopeau qui était militant au PCF ce qui m’a étonné et a commencé à me faire réfléchir sur la complexité des choses et des êtres. Une nuit où on aura du temps, je te raconterai aussi la chapelle des lombards et ses antillaises sublimes du temps où elle était rue des lombards à côté du siège d’ordre nouveau. En ce temps là, la chapelle était fréquentée par les dingues de musique cubaine qu’on appelait pas encore salsa, essentiellement des antillais et des sud américains avec plein de musiciens et un rhum à se damner. On y croisait Goldman a la fin des années soixante dix mais moi j’y allais parce que cette musique me fascinait, que j’aimais danser et j’aimais aussi les filles. C’est un copain cheminot martiniquais Cleomène qui m’avait initié et introduit. Il est mort il y a deux ans du COVID à Rivière salée sans que j’ai pu le serrer encore une fois. Son frère s’appelait Jouvet et sa sœur Philomène, en ces temps de libertés je passais mon temps dans leur famille à Goussainville près des avions.
H.T.
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