Mes châteaux d’If: La bibliomule de cordoue.
Mes châteaux d’If: La bibliomule de cordoue.
Année 976, le grand vizir de Cordoue ordonne la destruction des livres de la bibliothèque de la ville musulmane. Tarid, le rondouillard archiviste veut sauver le plus d’ouvrages possibles. Avec la complicité de Lubna, la copiste, et d’un ancien disciple quelque peu voleur, ils tentent l’impossible en volant quelques dizaines de livres. Et en les sauvant sur le dos de la mule avec laquelle ils partent sur les routes. On tremble avec eux comme pendant nos déménagements où l’on ne sait plus si on doit laisser tel ouvrage pour lequel on a vibré ou pleuré. Comment choisir entre Ringolevio d‘Emmet Grogan réédité bientôt à l’ Echappée et Sans patries ni frontières de Jan Valtin ? Peut-on abandonner un Balzac ou un Gide sur le bord de la route ? Et si l’on doit se réchauffer, ce sera avec les pages de Victor Serge, publiées chez Agone ou celles d’un Rancière à la Fabrique. Il y a de quoi se flageller pour choisir quand on veut sauver une bibliothèque. C’est comme entre deux digestifs…on tangue, on hésite et on veut prendre les deux.
En 976, si je me rappelle bien, Cordoue est une ville des savoirs et des arts qui devient un des plus grands centres culturels du monde. Avant la bibliothèque du congrès. (Le Secret perdu de Dan Brown vous fera visiter ses sous-sols sans vous faire connaître le contenu des ouvrages mais en vous racontant l’histoire folle de ce bâtiment.) Revenons à Cordou où Wilfrid Lupano, lointain descendant de la province ibérique, scénariste des Vieux Fourneaux et du Loup en slip construit un conte merveilleux où les aventures de trois personnages sont rythmées au pas et reculade de la mule. Parcourant l’ Espagne, nos trois héros essaient de faire avancer cette mule, chargée de livres au-delà du possible. La mule la plus difficile du monde mais à qui on ne donne jamais la parole. Car en quoi est elle concernée par la destruction des livres ? Prétexte à raconter l’histoire de nos personnages, nos héros ont affaire à nombres d’ennemis tels que la pluie ou les voleurs qui infestent les routes.
Le dessin est très présent et suggère une ambiance. Une vraie respiration à la lecture. Des planches entières sont le décor sans texte de l’aventure et reposent la lecture. Léonard Chemineau avait eu la bonne idée de dessiner la vie de ce cher Alexandre Marius Jacob, anarchiste marseillais qui volait aux riches pour la cause. Son trait rappelle celui de Gazotti, qui dessine Seuls dans la revue Spirou. La forme du livre proche des classiques façon Jules Verne est à l’image des livres sauvés: Tranche rouge et dorée comme dans l’imagerie, on rêve ces livres rares qui étaient comme des cadeaux. Les couleurs réalisées par Christophe Bouchard participent au conte. Lupano invente Le livre de l’explication pénétrante d’Ibn Masara qu’on se met à chercher en vain sur internet. Invention originale à partir des titres du monde égyptien que ce titre valise et qui donne à espérer d’un savoir qui cherche son chemin, fuyant la tyrannie. Gageons que ce bel ouvrage trouvera des yeux émerveillés.
Les auteurs disent que leur livre se trouve entre Le Nom de la Rose et la grande Vadrouille. Je crois qu’il se situe plutôt entre les Mille et une nuits et La Folie des Grandeurs. Mais on ne va pas se battre pour ça.. Diantre!
La bibliomule de Cordoue. W.Lupano, L. Chemineau, Dargaud, 2021, 35 euros.
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