Mes châteaux d’If: Aux catalans, mandonné!
Mes châteaux d’If: Aux catalans, mandonné!
Patrick, Roger et Michel, la soixantaine chacun, discutent torse nu, la peau rouge de l’été. Ils l’ont laissé bruler depuis des mois, sans se soucier. Ils sont bien sur leur plage du centre ville. Assis sur leurs petites chaises de camping Décathlon comme des guetteurs. Pat, lunettes à la Top Gun, raconte son Marseille. Il raconte la Rose, les copains d’enfance qui ont grandi et qui en profitent. Qui en croquent, ceux qui connaissent quelqu’un à la Mairie. ” Mandonné…Ils se sont tirés comme des cafards!”Pat n’est pas morose ni désabusé. Il raconte ce Marseille de la corruption, la pitchounette, celle du laisser faire, de l’arrangement. Les autres écoutent. Ils connaissent. Ils ont du en profiter un peu. Alors on acquiesce. Le plaisir de parler est là. De toute façon, on est bien au bord de l’eau. On le sait.
Derrière un type envoie de la musique sur son enceinte. On sait pas trop ce que c’est. Un cycliste sur la plage tente de lire un guide sur les plantes malgré le bruit.
Mandonné, l’enceinte crachote une émission intelligente qui évoque les grands paquebots. Ça faisait rêver les bateaux avant. Maintenant ce sont des grands polluants. D’ailleurs tout est polluant maintenant. Ou pollué. Je me dis que ce type, lui, me pollue l’oreille. Il me la salit au point que je ne peux plus entendre Pat. Que je n’entends plus la mer et son petit ressac. Ni les cris des gosses ni le bruit de la douche. Ni les enfants qu’on traine à la douche et qui ne veulent pas rentrer à la maison. Alors les mamans leur en colle une, et les forcent dessous le jet.
Alors Patrick crie au type: “Mets de la musica! Arrête ton émission.” C’est vrai que l’émission c’est lui qui le faisait jusqu’à alors. Un spécial Marseille avec son lot de petites histoires.Et là on lui balance de l’émission de Paris sur les croisières. L’autre cherche une fréquence et sourit. On lui a parlé. C’est déjà ça. Avant il nous cassait les oreilles. Là Pat l’a compris.
Une femme en maillot de bain jette dans l’air: ” Je l’aimais bieng cette émission.” et s’en retourne.
Puis subitement vers le rivage, deux hommes s’empoignent. La bagarre éclate. Une presque vraie. On en est venu aux mains pour on ne sait quoi. Une engatse pour un regard, une parole mal dite. Des gitans s’attrapent à d’autres gitans. Ça part en tout sens. Il y a du monde qui cherche soit à donner son coup, soit à empêcher les mecs de se frapper. La fille d’un d’entre eux s’accroche à son père et le supplie de s’arrêter. Mais lui il a son honneur à défendre. Alors il y retourne. Au premier sang, ça aura de la gueule.
Ça se voit qu’ils savent mieux parler avec les mains qu’avec la bouche. C’est un peu confus pour nous autres cette mêlée authentique et désordonnée. Une sorte de siège de Missolonghi mais sans Byron.
J’ai ajusté mes lunettes. Pas bougé. Aucune envie de perdre un œil ou une oreille pour une insulte mal ressentie ou une serviette empiétant sur notre carré de sable. On n’est pas Lord Byron tous les jours.
L’algarade a attiré les regards de toute la plage sans provoquer de fuite. Une bonne distraction dans cet après midi trop calme aux Catalans.
Puis, Roger a dit: “Ce week-end, on a visité la maison de Patrick Bruel. Tu vois…“
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