MARSEILLE, UN MARCHÉ MÉDITERRANÉEN (3) : LE MARCHÉ DU COURS JULIEN

Billet de blog
le 7 Mar 2025
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À partir de 1860, le cours Julien fut le lieu du marché de gros des fruits et légumes, avant l’ouverture du marché des Arnavaux, en 1973. De cette époque, il est resté un petit marché de ville, mais aussi une figure de Marseille.

Le cours Julien : une “agora”  d’activités sociales

Le cours Julien est une sorte de centre : il s’agit d’un centre d’activités, d’un endroit où se mettent en œuvre des échanges de toutes les sortes, d’un lieu de rencontres. Comme tous les marchés, il est devenu un espace de paroles et de communication, et, même après la disparition du véritable marché, il est resté ce lieu de dialogues. En ce sens, le cours Julien figure bien un espace manifestant la vie sociale de Marseille. Tout semble d’être passé comme si, au moment où les activités du marché de gros du cours Julien quittaient le centre de la ville pour aller s’installer aux Arnavaux, en raison des difficultés de circulation et, surtout, en raison, des besoins d’extension du marché, ce que l’on pourrait appeler l’identité urbaine d’un marché était restée cours Julien. Il y a une sorte d’inconscient des villes et des lieux dont elles sont faites : comme notre inconscient d’humains, cet inconscient des lieux de l’urbanité consiste dans la conservation, même refoulée dans les pratiques sociales contemporaines, de la mémoire des activités qui les ont caractérisés, toujours présente dans les aménagements des espaces et dans les activités qui s’y déroulent. Ce que le cours Julien a conservé de son identité de marché, même après la fermeture des activités commerciales proprement dites, c’est l’importance des activités sociales et des relations entre les habitants, en même temps que la recherche de lieux de ville destinés à des rôles sociaux. On ne va pas cours Julien seulement pour regarder le paysage, mais aussi – voire surtout – pour y faire l’expérience de la socialité marseillaise. C’est, d’ailleurs, pour cela qu’une école élémentaire s’y est maintenue, ainsi, que le siège d’activités municipales d’entretien des rues.

 

Du marché à la voie piétonne

Comme beaucoup de quartiers, à Marseille, mais aussi dans d’autres villes de notre pays voire du monde, la piétonnisation du cours Julien a été décidée au moment où il devenait impossible de circuler facilement en voiture, en même temps qu’avait lieu la recherche de nouvelles voies et de nouvelles pratiques urbaines dans des centres-villes appelés à devenir des lieux de vie culturelle et de tourisme urbain. Le cours Julien fut une des voies qui devenaient des rues consacrées à la marche et à la promenade. Mais, à bien réfléchir, cet usage piéton du cours Julien faisant de lui un espace de déambulation pour le plaisir, de conversations aux terrasses des cafés, mais aussi de vitrines à visiter, continue sous d’autres formes le rôle qui était le sien au temps du marché de gros : permettre la déambulation entre les lieux offerts au négoce et à l’échange et la mise en œuvre d’activités d’échanges et de commerces. Après tout, seule changeait, alors, la nature des biens faisant l’objet du commerce dont le cours Julien est le siège. Une voie piétonne est toujours un peu une voie commerciale, car les promeneurs, les passants, celles et ceux qui y circulent à pied peuvent très facilement être transformés en usagers et en clients. La piétonnisation du cours Julien n’a pas changé le sens de ce lieu, toujours présent dans les pratiques que nous en avons, même si ces pratiques ont transformé les échanges qui y réunissent les passants. Sans nous en rendre compte, nous continuons, dans nos pratiques urbaines contemporaines du cours Julien, à faire de cette voie un des lieux porteurs de l’identité marseillaise de marché. Il reste, d’ailleurs, quelques marchands (modestes, il est vrai) proposant leurs produits aux piétons. Quant au métro, il vient poursuivre ces usages piétons de l’espace urbain en reliant nos déambulations pédestres au réseau de transports de la ville.

 

De la voie piétonne à la vie culturelle

C’est aussi en relation avec la piétonnisation que le cours Julien a fini par devenir une voie et un centre de circulation esthétique et culturelle. D’abord, bien sûr, en raison aussi de son histoire, il s’inscrit dans l’ensemble du réseau des activités culturelles de Marseille : des lieux de spectacle, petits mais aussi plus grands comme la chapelle des Bernardines font du cours Julien un espace consacré à la vie esthétique et culturelle. La proximité du Conservatoire inscrit aussi le cours Julien dans l’ensemble des espaces marseillais consacrés à la musique. L’école élémentaire du cours Julien propose aussi des classes à horaires aménagés permettant aux élèves de conjuguer l’enseignement primaire et la formation à la pratique musicale du Conservatoire de région. Mais, au-delà, c’est, ainsi, tout le sens du lieu qui a en partie changé cours Julien. Passant de son identité d’espace de halles de commerce alimentaire à sa nouvelle identité d’espace culturel, le cours Julien a simplement changé d’aliments, passant des nourritures terrestres aux nourritures esthétiques et culturelles. On pourrait parler d’une sorte de sublimation esthétique de la rue, liée à la fois à la piétonnisation et à la présence d’activités de culture. Mais, bien sûr, cette sorte de « sublimation », pour employer un terme issu de la psychanalyse freudienne, s’accompagne d’une mutation profonde de la place du cours Julien dans l’espace social et politique de la ville et de la population qui s’y trouve, pour y habiter ou simplement pour s’y rendre. En se transformant, le cours Julien a, sans doute, perdu le caractère populaire qui était le sien en quittant ses vêtements de marchands pour les vêtements d’un autre marché, celui de la culture. Il s’est, en quelque sorte, « bohémisé ». Mais ne nous trompons tout de même pas : il s’agit toujours d’un marché. L’artère piétonne du cours Julien est restée l’espace d’un marché : seuls ont changé les marchands, les usagers et l’alimentation proposée

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