MARSEILLE MANIFESTE SA COLÈRE

Billet de blog
le 12 Jan 2020
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Marseille dans le mouvement social (1)

MARSEILLE MANIFESTE SA COLÈRE

Le jeudi 9 janvier et le samedi 11 janvier, après que la ville l’eut fait à plusieurs reprises en décembre, Marseille est descendue dans la rue pour dire sa colère et manifester son refus du projet de réforme des retraites, proposé aujourd’hui et peut-être imposé demain par le gouvernement d’É. Philippe, sous l’autorité d’E. Macron. Mais sans doute cette colère doit-elle se comprendre au-delà du simple événement du mouvement de décembre et janvier.

 

Les manifestations contre le projet de réforme des retraites

À Marseille, comme partout en France, jeudi et samedi, le peuple était dans la rue pour dire son refus du projet de réforme des retraites, et, en particulier, de la dégradation du statut des retraités de la dénégation de l’identité même des travailleuses et des travailleurs que ce projet signifie. Ces manifestations ont rassemblé dans les rues de la ville des dizaines, voire des centaines, de milliers de personnes venues exprimer leur citoyenneté en défilant contre le projet et, au-delà, contre la politique menée par l’exécutif. C’est que la Canebière, où a eu lieu la manifestation de jeudi, n’est pas seulement une rue qui symbolise presque Marseille, connue dans le monde entier, elle n’est pas seulement une rue qui est en train d’être réaménagée, pour être, peut-être, renouvelée : elle est surtout la rue que les défilés empruntent pour parcourir la ville de leurs voix et de leurs paroles de manifestation. La Canebière est la rue – au sens politique de ce mot. Cela signifie que la rue n’est pas seulement une voie urbaine que l’on emprunte pour circuler, mais qu’elle est aussi l’espace de la ville où les habitants se rencontrent, où ils se réunissent, mais aussi l’espace dans lequel ils marchent pour dire leurs protestations et leurs colères : « la rue », c’est la ville qui parle, c’est un peu la compagne de l’agora : tandis que l’agora est le lieu où l’on délibère, la rue est le lieu où l’on proteste.

 

Marseille et la culture de la protestation

À Marseille, la protestation est une vieille histoire. Cette ville porte une culture de la protestation depuis toujours, parce qu’elle n’a jamais voulu des décisions prises par le pouvoir central, parce qu’elle s’est toujours située à distance des pouvoirs nationaux comme des pouvoirs régionaux, parce que cette ville a toujours vécu dans la colère. C’est pour cela que le Vieux Port a été fermé par deux forts, le fort Saint-Nicolas et le fort Saint-Jean, qui venaient exprimer la volonté du pouvoir de surveiller la ville. C’est ainsi que Marseille la rebelle fut, dans l’histoire plus récente de notre pays, un lieu important de la Résistance. C’est ainsi que les défilés de jeudi et de samedi, après ceux qui avaient au lieu en décembre, venaient manifester cette culture de la protestation, la mettre en scène, une fois de plus, dans les rues de Marseille, pour faire vivre la rue comme espace de protestation dans la ville.

 

Une politique de la colère

Sans doute faut-il, alors, s’interroger sur ce qu’est cette politique de la colère, sur ce qu’elle signifie et sur sa façon de s’exprimer dans la rue. D’abord, la politique de la colère est une politique qui articule le discours et les manifestations, les mots et les défilés, une politique qui réunit, en quelque sorte, l’agora et la rue dans le même espace de la ville. Une politique de la colère, c’est une politique dans laquelle les citoyens s’expriment en fondant leur identité sur la colère, en se retrouvant dans les mouvements de protestation, en se réunissant dans des voix collectives de l’indignation. Ensuite, une politique de la colère articule le refus et le projet : il ne s’agit pas seulement de rejeter le projet de réforme des retraites, car il s’agit aussi de proposer une autre vision du travail, celle qui se fonde, au contraire, sur la reconnaissance du statut des travailleuses et des travailleurs, de leur rôle dans la société, et de leur identité. Enfin, en manifestant dans les rues de la ville, on manifeste la recherche d’une autre ville, d’une autre citoyenneté : c’est aussi un imaginaire politique qui s’exprime dans la colère, l’imaginaire d’un monde meilleur.

C’est, en particulier, le refus des inégalités qui s’exprime dans le refus du projet de réforme des retraites. Dans ce projet de réforme, ce qui est rejeté, en-dehors de la question de l’âge qui exprime la recherche du pouvoir de faire travailler les gens plus longtemps, c’est la question des « points », qui marque l’inégalité en empêchant la reconnaissance de l’évolution des carrières et des statuts. Marseille est donc en colère, aussi, parce que cette ville a toujours combattu pour l’égalité, pour s’engager dans la recherche d’une société de l’égalité entre toutes celles et tous ceux qui y vivent.

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