MARSEILLE : LA VILLE OU LA MÉTROPOLE ?
À Marseille, comme sans doute dans toutes les villes métropolitaines, ou l’on supprime la municipalité et la politique de la ville repose sur la métropole, ou l’on supprime l’échelon métropolitain et c’est sur la ville que se fonde cette politique.
La question de la métropolisation
La métropolisation est arrivée dans les politiques françaises de la ville en 1966. C’est à ce moment que sont instituées les quatre premières « communautés urbaines » (c’est le nom qu’on leur donnait à l’époque) de France : Bordeaux, Lille, Lyon et Toulouse. À l’époque, il s’agissait de constater que les villes étaient devenues un cadre trop petit pour construire de véritables politiques urbaines allant au-delà de la gestion du quotidien et permettant de s’inscrirez dans le long terme, mais aussi de reconnaître l’importance politique du fait urbain, dans une sorte d’adaptation à la France des politiques urbaines d’autres pays. C’est que notre pays a conservé, depuis toujours, l’importance politique du fait communal. Tout le monde sait que nous avons, en France, 38 000 communes, tout le monde sait que c’est trop, et, en même temps, personne ne peut prendre le risque politique majeur d’en supprimer certaines en les regroupant avec d’autres. La métropolisation pouvait être une façon de pratiquer les deux politiques en même temps, mais, comme chacun le sait bien, encore mieux depuis sept ans, la politique du « en même temps » ne mène à rien. C’est qu’en instituant une métropole, on institue aussi de nouveaux organes de pouvoir et de nouvelles façons d’en désigner ceux qui les détiennent. Ce ne peut être à des élus de petites communes situées parfois loin de Marseille de prendre des décisions concernant cette ville, par exemple en ce qui concerne les transports en commun ou les poubelles. G. Defferre avait raison en s’opposant à la naissance d’une communauté urbaine à Marseille : même si c’était surtout pour que rien ne s’oppose à son pouvoir, il n’en demeure pas moins que la naissance de la métropole n’a fait que multiplier les obstacles à des décisions, parfois nécessaires et même, de plus, urgentes. La métropole d’Aix-Marseille est instituée, par une loi de 2016, et elle regroupe six intercommunalités : Marseille Provence, Pays d’Aix, Pays salonais, Pays d’Aubagne, Ouest Provence (Istres et environs) et Martigues. Finalement, la métropole se confond avec le département (à l’exception d’Arles, de Tarascon et de la Ciotat).
Les limites politiques d’un pouvoir municipal et d’un pouvoir métropolitain
En 1983, les lois de décentralisation, élaborées, justement, par G. Defferre, alors ministre de l’intérieur dans le premier gouvernement de la gauche dirigé par P. Mauroy, avaient pour but d’alléger la tutelle des pouvoirs nationaux de l’État sur les communes, les départements et les régions, et de rappeler que l’État ne saurait se réduire à sa dimension nationale, mais que les collectivités locales sont aussi des institutions de l’État et qu’elles doivent se faire reconnaître une partie de ses pouvoirs. C’est dans ce cadre de la décentralisation qu’il faut penser le pouvoir municipal, son étendue et ses limites. À Marseille, les pouvoirs de la municipalité et de la métropole sont sans cesse en conflit les uns avec les autres. Même si ce conflit est exacerbé quand les orientations politiques de la ville de Marseille et celles de la métropole entrent en conflit les unes avec les autres, il n’en demeure pas moins que les limites des pouvoirs sont ainsi mises en évidence, et cela doit nous amener à réfléchir.
Même si, sur le plan pratique, sur le plan de la gestion quotidienne de l’espace urbain, cette division des pouvoirs et cette opposition entre eux rendent la vie difficile, la métropole et la municipalité sont des contre-pouvoirs l’une par rapport à l’autre, et cela évite qu’une domination ne vienne mettre à mal la démocratie dans la politique de la ville. Les limites politiques des pouvoirs municipal et métropolitain donnent un peu d’air à la vie politique de la démocratie urbaine et sans doute est-ce une bonne chose pour la démocratie. Reste, dans ces conditions, à comprendre comment peut se mettre en mouvement cette dynamique de la démocratie urbaine.
La dynamique des pouvoirs à Marseille
On peut proposer cinq aspects de cette dynamique marseillaise des pouvoirs.
Il s’agit, d’abord, des pouvoirs urbains sur l’articulation entre le quotidien des habitantes et des habitants et les dynamiques de l’espace de la ville et de la métropole. Je pense, en particulier, ici, à la question de l’énergie, à celle du logement et à celle des transports. Les pouvoirs réels sur ces aspects majeurs de « l’habiter Marseille » échappent à celles et à ceux qui vivent dans la ville, car ils ont été confisqués par une métropole dont les pouvoirs et même la configuration leur échappent. Il n’est pas normal que la question des réseaux de transports en communs et de distribution d l’énergie et de l’eau soit soumise à une institution opaque sans aucun contrôle citoyen possible.
Par ailleurs il s’agit des pouvoirs sur le futur et sur l’imagination des projets d’urbanisme et d’aménagement. Au-delà même du quotidien de l’habitation et du travail, c’est le pouvoir sur l’urbanisme qui doit être repensé de façon qu’une meilleure articulation soit imaginée entre les six secteurs, la municipalité et la métropole, pour que les projets d’aménagement à long terme fassent l’objet d’un véritable débat dans l’espace public.
D’autre part, la dynamique des pouvoirs est celle d’une meilleure articulation de la ville et de la métropole et d’une redéfinition de l’espace métropolitain. La définition de la métropole a conduit à une aberration qui consiste dans la confusion d’une partie du département avec la métropole, sans qu’il ait été clairement expliqué et débattu comment l’espace métropolitain se définit. Cette opacité des limites de la ville et de celles de la métropole concourt à l’absence de démocratie de la politique métropolitaine.
La question des budgets et de la fiscalité se pose également comme l’un des aspects de la dynamique des pouvoirs, car, sans budget, la métropole n’existe pas pleinement de façon démocratique, et sans fiscalité, il n’y a pas de ressources, et c’est par le budget et la fiscalité que les habitantes et les habitants peuvent percevoir l’existence réelle d’une collectivité locale. Il importe, par conséquent, de repenser la fiscalité métropolitaine et la façon dont elle se situe par rapport à la fiscalité locale, mais aussi, de repenser la manière dont est élaboré le budget de la métropole.
Enfin, la dynamique des pouvoirs consiste dans la construction d’une véritable vie démocratique de pouvoirs et de contre-pouvoirs à l’échelle de la ville et de la métropole. Aujourd’hui, c’est la ville qui est l’espace des pouvoirs, l’espace de leur visibilité. Pour que la métropole existe pleinement, il faut que ses pouvoirs soient conçus et exercés dans le cadre démocratique d’une publicité réelle des débats, de l’existence d’une politique métropolitaine et d’une politique municipale de l’information qui ne se contente pas de faire de la propagande déguisée.
C’est dans ces conditions que les pouvoirs peuvent exercer une véritable dynamique politique à Marseille et dans une métropole reconfigurée.
Commentaires
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Cette métropole est une aberration géographique et politique.
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Géographique, politique ET économique. La métropole regroupe 90% de la population des BdR……
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Merci de votre commentaire. Nous nous sommes compris, c’est bien ce que je voulais dire.
Amicalement.
B.
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