Marseille : faire la ville avec ses habitants
À l’occasion de la concertation autour du futur plan local d’urbanisme intercommunal, sept associations interpellent les autorités sur leurs inquiétudes à propos des orientations du futur document d’urbanisme en matière de densité urbaine, habitat, espaces verts et agricoles, espaces publics, mobilité et patrimoine. Elles disent surtout leur exigence d’un vrai processus de concertation démocratique.
Marseille est une ville où la richesse associative est réelle, où les habitants sont attentifs à ce qui les entoure. Pourtant cet intérêt citoyen est perçu comme inquiétant par les décideurs. Au lieu d’ouvrir les débats, d’écouter les habitants, de discuter en amont des réalisations, nos autorités cachent leurs intentions. Toute intervention des habitants est perçue comme une opposition. Le résultat de cet état d’esprit est que les Marseillaises et les Marseillais ne disposent que du minimum que la loi nationale impose pour échanger avec les décideurs. Cela ne suffit pas !
Les associations signataires de cette tribune réclament que les projets qui remodèlent fortement nos territoires et impactent nos vies soient présentés publiquement. C’est lors des phases de réflexion et de préparation de ces documents multiples que les habitants doivent être informés et écoutés et non lorsque tout est décidé et quasiment bouclé. Cela concerne les documents de planification urbaine comme le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI)l, les orientations d’aménagement et de programmation (OAP), l’aire de valorisation de l’architecture et du patrimoine (AVAP) (etc.) et les documents de projets d’aménagement comme pour la Plaine, Noailles, Belle de Mai, et les projets de rénovation urbaine dans les quartiers Nord.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’informations partielles, données secteur par secteur, sur des documents peu lisibles, quand ils sont disponibles, et omettant les autres documents interférant avec le projet. Une gestion responsable d’une ville à la citoyenneté apaisée ne peut pas se faire sans sa population. Et même si nous n’ignorons pas les difficultés d’une entreprise réelle d’information et de débats, il est indispensable que se mette en œuvre une participation citoyenne active, positive. Seule la participation citoyenne à la vie de la cité permet de construire des territoires où il fait bon vivre.
Densité urbaine
Pour un meilleur équilibre urbain et une plus grande qualité d’habiter, arrêtons l’étalement urbain en définissant un véritable projet de territoire. La densification urbaine est nécessaire au développement de la ville. Mais cela exige une analyse fine du territoire et la définition de projets établis en concertation avec les habitants. Elle ne peut se faire au coup par coup en fonction « d’opportunités » et sans nécessaire préservation de la qualité de vie dans la cité et de sa fonctionnalité.
Ainsi le centre-ville déjà dense doit se densifier par la rénovation des immeubles vacants et trouver des espaces de respiration complémentaires avec la définition des emplacements réservés pour la création de jardins, de places, en constituant des cheminements doux entre ces lieux publics de rencontre. Dans la première périphérie, arrêtons l’urbanisme de raquettes et définissons un projet urbain à l’échelle du quartier. Les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) sont une première étape pour l’aménagement des quartiers à condition que les projets soient bien d’intérêt général, et qu’ils soient discutés et partagés. Les quartiers en balcon participent d’un équilibre paysager pour la ville. Ils n’ont pas vocation à être densifiés. Il convient d’y limiter la hauteur des constructions, de privilégier les jardins en pleine terre et de préserver les perspectives paysagères.
Habitat
Le PLUI devrait permettre une action de rééquilibrage du logement social entre Nord sur-doté, centre-ville et Sud de Marseille, outre un effort particulier dans les villes périphériques de l’ex MPM (18 communes) déficitaires au sens de la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) pour stopper les dynamiques de ségrégation socio-spatiale. L’objectif de 25% de logement sociaux en 2025 contenu dans la loi ALUR devrait se traduire par un taux minimal de 25 à 50% (selon le déficit par arrondissement de Marseille ou par commune) de logements sociaux dans toute opération de construction-réhabilitation de plus de 10 logements (et non de 120 comme à Marseille), ainsi que par la définition des emplacements réservés significatifs, et une politique foncière anti spéculative appuyée sur les outils existants (établissement public foncier, Euroméditerranée, etc..). Stop à cet « urbanisme » fait d’opportunités financières sans projet urbain d’ensemble.
Espaces verts et agricoles
Le projet de PLUI annonce le « retour » de 200 hectares en classement agricole. En fait le bilan global fait apparaître seulement un plus de 13 hectares, ce qui nous paraît très insuffisant au regard des enjeux de l’agriculture de proximité pour un développement durable. A contrario, le rapport d’évaluation environnementale (Ecovia, E1, version 2) révèle le projet de disparition quasi intégrale de bonnes terres agricoles dans des communes comme Allauch, Saint-Victoret, Plan-de-Cuques, et Marseille (Sud Caillols) ce qui n’est pas acceptable.
Les espaces verts et agricoles doivent être sanctuarisés compte tenu de leur inquiétante disparition au profit de constructions résidentielles. Dans la ville les espaces verts publics et privés ne représentent qu’une infime partie du territoire. Ils doivent être protégés car ils concourent tous à la qualité du cadre de vie, comme les parcs et jardins publics contribuent aussi à la vie sociale. Or le PLUI ne propose aucune amélioration significative, aucune création par rapport aux actuels PLU. Les niveaux de protection sont insuffisants face à la pression foncière, les prescriptions des documents ne sont pas respectées. Nous attendons du PLUI: un état des lieux précis et une sanctuarisation effective de ces espaces, le respect du coefficient de biotope (CBS), la reconstitution d’une réelle trame verte et bleue urbaine par l’utilisation du droit de préemption, et la création d’emplacements réservés.
Espaces et équipements publics
La ville ne doit pas être seule juxtaposition d’activités, de logements, de voies de circulation automobile. Pour le bien-être de la population, elle doit proposer un cadre de vie agréable et convivial. Or la ville souffre d’un manque récurrent d’espaces publics et d’équipements. Les espaces publics existants, sont déjà insuffisants, en particulier au cœur de l’hyper-centre. Pourtant ils peuvent être menacés au profit de projets privés et donc au détriment du bien commun.
Les exemples de réduction d’espaces d’usage public au profit d’intérêts privés ne manquent pas à Marseille : le site archéologique de la Corderie, une grande partie du jardin Valmer, le jardin Levy, la place Léon-Blum, le parc de la Porte d’Aix… Il faut également que cesse le déclassement de la voirie publique au profit de résidences fermées qui interdisent la libre circulation aux simples promeneurs. Stop à la privatisation de l’espace public ! Enfin, tous les espaces publics du centre-ville doivent être aménagés en concertation avec les habitants pour répondre aussi à leurs besoins d’espaces de proximité. Mêmes insuffisances pour les équipements au service de la population, notamment le manque d’écoles, ou en mauvais état ; et le manque d’équipements d’accueil et de loisirs pour l’enfance et la jeunesse dans les quartiers. Le PLUI doit anticiper les besoins et afficher les réservations foncières nécessaires.
Mobilité
Aujourd’hui, Marseille et sa banlieue ne peut accepter d être qualifiée de “ville la plus polluée et la plus embouteillée de France”, avec de graves impacts sur la santé et la qualité de vie des métropolitains, en raison de l’attentisme des décideurs. Ainsi, aucune disposition ambitieuse n’apparaît encore au PLUI pour les transports en communs ou doux ! Quels emplacements réservés pour l’installation de transports en commun efficients ? Quelles servitudes pour des pistes cyclables sécurisées et ininterrompues ? Quels parkings périphériques pour inciter à l’usage de ces modes ! Et quel projet de développement pour un réseau ferré local, pérenne et cohérent sur l’ensemble du territoire ?
Patrimoine
Patrimoine et aménagement de la ville peuvent-ils enfin se réconcilier à Marseille ? Comme nous le montre le site archéologique de la Corderie, la pression populaire serait-elle ici la seule garante d’une meilleure attention, préservation et valorisation ? L’aire de valorisation architectural et paysager donnera-t-elle de meilleurs outils de conservations et de considération du patrimoine ? Comment mieux préserver la grande qualité des paysages marseillais ? Nous demandons une attention accrue sur les richesses patrimoniales de notre ville, une vraie politique de préservation et valorisation pour l’ensemble de la ville afin de rendre aux habitants leurs patrimoines.
En conclusion, nous rappelons notre exigence que soient communiqués aux citoyens l’ensemble des documents existants sur le PLUI (règlement, AOP thématiques et sectorielles, évaluation environnementale, planches graphiques) avant l’arrêt du projet par les élus, et que le processus de « concertation en continu » se déroule comme il l’avait été annoncé. Ce qui se fait sans les habitants se fait contre eux !
Les associations signataires présentent leur démarche à la presse ce lundi à 10 heures : Un Centre ville pour tous, Laisse Béton, Gratte-Semelle-Roucas’Pieds, Brouettes et Compagnie, CIQ St Victor – Corderie, CIQ Saint-Jean-Tourette Protis, Coordination Pas Sans Nous 13.
Commentaires
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Remarquable tribune, bravo !
“Toute intervention des habitants est perçue comme une opposition.” C’est le reflet d’une culture politique désuète où les élus, trop souvent cumulards et carriéristes, se croient propriétaires de leurs mandats et considèrent à tort que leur élection vaut blanc-seing pendant cinq ou six ans.
Un peu de modestie et d’écoute ne leur nuirait pas, quand on voit le bilan de plus de deux décennies de gestion locale par la même équipe. Le “baromètre des villes cyclables” publié vendredi dernier par la FUB classe Marseille en onzième position des villes de plus de 200 000 habitants… sur onze (https://public.tableau.com/profile/fub4080#!/vizhome/BarometredesVillesCyclablesresultatfinal/Accueil) : faudrait-il féliciter les élus qui sont à l’origine de ce brillant résultat ?
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Encore une fois on n’entend que les CIQ qui ont déjà pour eux des rdv spéciaux prévus avec les services qui élaborent le document… Et hors CIQ?
Aussi, si on fait une analyse des éléments de concertation, on se rend compte que la ville baisse les droits à construire, emprise au sol/ étages, de beaucoup beaucoup de secteurs. Si c’est justifié en zones mal desservies, à côté des stations de métro et des gares il faut pouvoir construire et densifier, car on ne construit pas assez pour loger tout le monde, il faut le répéter…
Conclusion, pendant 5 ans Marseille va construire encore moins, quand on voit qu’on construit déjà 2 fois moins qu’à Lyon ou Toulouse…
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CIQ ou mairie même combat.
Il suffit de voir le parcours de madame Cordier remerciée par un joli ruban rouge pour sa brillante carrière critique à côté de Gaudin
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Tous les CIQ ne sont pas inféodés à la mairie. Il existe des CIQ qui défendent leurs quartiers en toute indépendance ….Mais , personne n’en parle ….et pourtant, ils font un sacré travail .. non rémunéré bien entendu.
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Excellente tribune. Je me permets d’apporter deux éléments complémentaires:
– oui il faut densifier comme cela est très justement dit, mais où et comment: en choisissant les bons couloirs de transports urbains lourd existants ou projetés (métro, tram); les nouvelles constructions doivent contribuer au financement ou à l’amortissement des investissements très lourds de transport, domaine dans lequel Marseille a accumulé un retard dramatique sur Lyon (Defferre et Pradelle avaient inauguré ensemble leurs premières lignes de métro); il faut aussi que cette densification s’accompagne d’une ” qualité méditerranéenne” des logements ( espace, balcons, terrasses, ) pour que la population adopte ce mode de vie
– Grosse lacune de tous les urbanistes: l’emploi à caractère industriel. On a bêtement consommé toutes les zones d’activités en promotions sans intérêt (ex: la Capelette) ou en surface d’exposition commerciale grande consommatrice d’espaces pour peu d’emplois. Les parc industriels d’aujourd’hui ne font plus de fumée; les ateliers de production d’aujourd’hui ne sont pas plus polluants que des stations services, occupent des emplois qualifiés, et les derniers bastions qui résistent dans Marseille devraient être sanctuarisés, plus encore peut-être que les espaces agricoles car la densité d’emplois à l’hectare urbain y est élevée et les migrations pendulaires domicile travail plus confortables au bénéfice de tous (usagers, RATVM, économie urbaine d’ensemble), à l’opposé du modèle dominant des industrialisations périphériques et des migrations écologiquement ruineuses sur de trop longues distances et sans RER. En son temps, l’équipe de Defferre consciente du problème étudiait les HIV (hôtels industriels verticaux) mais n’a pas réalisé grand chose ; il est impératif de construire une offre foncière et immobilière de locaux artisanaux et industriels dans Marseille et ce ne sont pas les pauvres petits hectares réservés à Chateau Gombert qui permettront de redresser l’emploi à et dans Marseille
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