MARSEILLE EN COLÈRE
Comme beaucoup de villes en France, Marseille a manifesté sa colère, hier, jeudi 18 septembre, dans des grèves et dans des défilés de protestation qui ont fait retrouver au cœur des villes leur identité et leur raison d’être : parler la voix du peuple.
Marseille en colère contre une situation économique et sociale injuste
Marseille était en colère parce qu’elle ne veut plus se trouver dans le piège d’une situation économique menaçante et de conditions de vie qui aggravent la vie sociale de la ville. L’injustice dans laquelle nous vivons est triple. Il s’agit d’abord de l’injustice des inégalités. Jamais, sans doute, avant les quinquennats d’E. Macron les inégalités n’ont été aussi fortes dans notre pays. On se demande où est passé le second mot de la devise de notre pays, oublié, sans doute, comme tous les idéaux de la Révolution de 1789 dont le chant avait été celui des marseillais. Une seconde injustice est celle qui rend de plus grave la coupure de notre pays entre son nord et son sud. Les régions méridionales de la France, en particulier la région à laquelle on donne le nom de “Méditerranée”, sont les plus pauvres de notre pays et la situation économique d’une ville comme Marseille est particulièrement menacée par l’inégalité entre les deux parties de la France, mais aussi par les inégalités qui séparent le Nord de l’espace méditerranéen est son Sud. Une troisième injustice est l’injustice fiscale qui, de cadeaux en ristournes, a fini par prendre des dimensions irrationnelles, dont on ne peut se libérer que par l’adoption de normes et de lois comme la taxe Zucman imposant une surtaxe fiscale aux grandes fortunes. Une quatrième injustice est celle de la menace du futur. Rien ne semble se profiler à l’horizon qui soit de nature à réduire la gravité de ces inégalités et à donner un nouvel élan aux régions et aux villes du Sud de la France dans un temps proche. L’absence de lisibilité et de projet de la politique économique des villes et des pays du Sud rend la menace d’autant plus grave qu’on se demande si les pouvoirs y ont encore une politique.
La rue marseillaise a dit qu’elle ne voulait plus d’un pouvoir qui l’ignore
À Marseille, la voix de la rue a dit, hier, qu’elle ne voulait plus d’un pouvoir qui ne l’écoute pas, qui ne sait pas quelles sont ses revendications, qui ignore une ville qui entend, au contraire, manifester sa raison de vivre. Le pouvoir parisien et ses soi-disant élites se tiennent soigneusement à distance des classes populaires qui habitent les villes du Sud comme Marseille. La rue de Marseille n’a ainsi pas seulement dit qu’elle entendait qu’on l’écoute quand elle dit souhaiter un autre projet, mais elle a aussi dit qu’elle ne voulait plus de pouvoirs, de dirigeants, de décideurs, qui ne l’entendent pas. La rue marseillaise a crié fort afin que les pouvoirs, au moins l’entendent pour finir par l’écouter. Ce pouvoir a ignoré les mots de la rue au point de manifester une la violence d’une répression qui a pris, entre autres, la forme d’une trentaine d’interpellations selon C. Bonnefoy dans Marsactu. Comme toujours, à la voix de la rue, l’État n’a su répondre que par la violence de la police, comme si une violence soi-disant légitime, celle de l’État, pouvait répondre à la force du peuple. C’est ainsi qu’à la Joliette, un policier a commis une violence contre une femme, mais cette violence a été filmée. La police dit qu’elle va “étudier les images”. Mais sait-elle seulement donner du sens à des images ?Comme il ne connaît que la violence de la force, l’État ne comprend pas les images ni les mots du peuple qui cherche à construire un autre pays, plus juste.
Marseille ne se retrouvera que dans une nouvelle ambition pour la ville
C’est qu’en ce moment, à Marseille, il n’y a pas que la colère. La colère d’hier exprimait aussi la volonté de se retrouver dans un autre projet politique que celui qui l’ignore et, même, qui n’en est pas un, puisque le pays n’a toujours pas de gouvernement. C’est dans la recherche d’un nouveau projet politique que la ville se retrouvera. Ce n’est sûrement pas le projet de M. Vassal qui répondra à cette volonté de changement à l’occasion des élections municipales : c’est pourquoi la rue disait, hier, qu’elle ne pouvait ni ne voulait se retrouver seulement dans des élections et des pouvoirs institutionnels vides de signification. En ce sens, la colère s’était manifestée hier comme elle avait commencé avec « Bloquons tout », même si c’était avec d’autres mots, avec d’autres voix, avec d’autres actions. Comme la plupart des villes françaises, Marseille a dit au cours de la manifestation qu’il ne faut pas changer de gouvernement mais de politique pour pouvoir répondre aux exigences de son peuple et qu’il faut entendre sa colère en faisant en sorte qu’elle mène à un autre projet économique, politique et social. À Marseille comme dans le reste de notre pays, ce serait un leurre que de croire, comme feignent de le croire le chef de l’État et le chef du gouvernement, que les deux pays qui sont la France pourraient gouverner ensemble. Le pouvoir ne se partage pas. Ce que le peuple de Marseille est venu dire, hier, c’est que sa voix est la même que celles de tout le peuple de France : celle de la colère d’aujourd’hui et du projet de demain. La colère du peuple de Marseille est celle qui cherche une nouvelle ville dans les rues et les maisons de celle dans laquelle nous vivons aujourd’hui.
Deux villes qui s’ignorent
Mais, hier, à Marseille, une fois de plus, comme de plus en plus, il y avait deux villes qui s’ignoraient, qui ne s’entendaient pas et ne se parlaient pas. Nous sommes revenus au temps des premières colères populaires, avec, d’un côté, la Marseille de celles et ceux qui se prennent pour des élites, et, de l’autre, la ville du peuple et des classes populaires, qui est la vraie ville : d’un côté, la ville qui a les pouvoirs et qui tente de les conserver en maintenant les inégalités qui lui réussissent, et, de l’autre, la véritable démocratie, celle du démos, du peuple et de la rue. Ces deux villes ne se parlent plus – si tant est qu’elles se soient jamais parlé, mais, hier, la manifestation de la colère de la rue et du peuple disait qu’elle était décidée à se faire au moins entendre, à défaut de se faire comprendre et de s’entendre répondre. Ces deux villes qui s’ignorent ne peuvent que s’affronter quand elles se trouvent l’une face à l’autre. Les deux Marseille s’ignorent car elles ne portent pas le même futur de la ville, car leurs idéaux de ville ne sont pas semblables et même qu’ils ne sont pas compatibles, qu’ils s’opposent. On peut même aller plus loin : les classes dirigeantes libérales n’ont pas de projet, elles ne sont orientées que par la recherche des profits, mais c’est le peuple qui est le seul à s’exprimer dans un projet, celui qui se faisait entendre au cours de la manifestation. La ville qui a fait entendre sa voix hier, celle qui a élu une municipalité de gauche, entend bien que ce soit aussi sa voix qui gouverne notre pays, la voix de la liberté, de l’égalité et de la solidarité. Mais, à Marseille plus sans doute qu’ailleurs, l’autre mot de la devise de notre pays, la fraternité a un sens particulier, celui de la fin des discriminations. Dans notre ville, c’était aussi le sens de la colère d’hier.
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