Marseille, capharnaüm 2020

Tribune
le 22 Oct 2019
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À Marseille, l’élection municipale de mars 2020 sera l’une des élections les plus scrutées nationalement et localement. Au soir du premier tour, une seule interrogation retiendra le souffle des Marseillais. Qui arrivera en tête de cette course folle vers la mairie de Marseille ?

Quelles seront les forces en présence susceptibles, dans cette guérilla démocratique, de conquérir la deuxième ville de France ? Qui bénéficiera de réseaux suffisants pour emporter le cœur des Marseillais et devenir la nouvelle figure tutélaire de la cité phocéenne ?

Un scénario digne des plus grandes séries des célèbres plateformes vidéo est effectivement en train de se jouer sous nos yeux. Une partie de poker menteur, où les cartes bougent à chaque regard pour construire ou déconstruire des équipes, qui in fine, s’affronteront frontalement dans une campagne dont seule Marseille connaît les secrets.

Une guerre tactique où la tectonique des plaques politiques viendra agrémenter cette trame digne d’un grand polar américain.

Une fin heureuse qui se dénouera probablement entre les faiseurs de rois du Rassemblement National au score malheureusement élevé (plus de 20% quand il avoisine les 6% à Paris), et le plus grand parti de Marseille : les abstentionnistes (frôlant les 70 % dans certains quartiers de la ville) qui jouera pour sa part, le fossoyeur de rêves.

Marseille est une fois de plus prise en tenaille entre l’hydre populiste, les écœurés du débat démocratique et les héritiers du « defferisme » de droite et de gauche, touchés par la maladie chronique du fauteuil de l’Hôtel de Ville.

ÉTAT DES LIEUX…

À cinq mois des élections municipales les positions se figent, vacillent et transmutent.

À GAUCHE :

La Gauche, dans un élan d’unité, entend construire une alliance inédite appelée : “Le Printemps marseillais”. Réunissant dix partis politiques de Gauche ainsi que des militants et citoyens, ce mouvement sans précédent à Marseille compte faire bouger les lignes. Une démarche attendue par certains marseillais qui s’impatientaient de voir les querelles de chapelles miner encore tout espoir de remporter les élections de mars 2020.

Toutefois, cette union construite dans les petits couloirs étriqués des partis politiques, par des ayants droits qui pour certains ont toujours collaboré avec le “système”, interpelle un bon nombre de marseillais.

Une unité que d’aucuns jugent de façade et régie par la tyrannie des apparences, dissimulant en coulisse bien des appétits. Une unité qui résiderait en la capacité de dénoncer la droite marseillaise, ô combien critiquable à bien des égards, en évacuant l’épineux problème de l’incarnation du mouvement, si importante à Marseille.

Il ne suffira pas d’être capable d’aspirer les petites capillarités sociales de cette ville à l’aide d’un Verbe toujours haut pour créer l’unanimité. Les lois de l’arithmétique ne suffiront pas pour créer les conditions d’une victoire éclatante, sans ouvrir les portes au-delà du cercle des convaincus. Le Printemps marseillais ne survivra pas sans y injecter du sang neuf en appelant les jeunes générations éloignées du processus électoral à participer au changement…

La constitution de listes pourrait également s’avérer problématique au vu des positions extrêmes des uns et celles plus modérées des autres. L’éviction de Samia Ghali, personnalité tout de même appréciée de la ville et seule survivante des dernières élections municipales de 2014 à avoir conservé son secteur pourrait sérieusement compliquer les choses car elle pèsera de tous ses réseaux sur cette future élection.

Sans oublier une partie de la Gauche qui vient de rejeter cette « unité » au profit d’une alliance autour d’un programme rassembleur, faisant de Marseille une ville laboratoire en matière d’innovations et d’expérimentations sociales, environnementales et démocratiques ; alliance menée par l’une des personnalités de Gauche les plus engagées écologiquement, Sébastien Barles.

Une démarche légitime qui pour être crédible devra sortir des petits calculs d’apothicaires et se structurer autour des forces vives de l’ensemble des composantes sociales de Marseille.

Le temps pourrait faire des caprices face aux vents contraires qui soufflent encore.

À DROITE :

Dans une guerre fratricide où aucun mot ne dépasse la barrière de la courtoisie, la Droite cherche encore l’unité.

Deux candidats, au sein d’un parti qui après les faibles  résultats  des dernières élections européennes n’a pas pris le temps de se remettre en question.

Après un quart de siècle passé à la tête de la ville, la droite ne pourra pas échapper au bilan contrasté de Jean-Claude Gaudin et notamment après le drame de la rue d’Aubagne.

Des réalisations ont été faites. Le bilan n’est pas aussi calamiteux dans son ensemble qu’aimeraient le faire croire les jeunes loups de l’opposition. Mais de nombreuses interrogations restent tout de même en suspens…

La Droite marseillaise ne pourra pas non plus faire l’économie d’une clarification afin d’expliquer les déséquilibres territoriaux et les différentes fractures économiques et sociales qui traversent la ville. Marseille reste tout de même, en 2019, l’une de ville les plus inégalitaires de France.

Une Droite déchirée entre un ancien Maire de secteur Bruno Gilles, qui pendant plus d’un an a sillonné la ville en lançant une démarche participative et une Présidente du Conseil Départemental des Bouches du Rhône et de la deuxième Métropole de France Aix-Marseille-Provence, qui a prouvé à plusieurs reprises sa détermination à conquérir Marseille, en contribuant fortement au développement de la ville via ces deux institutions. Deux poids lourds de la politique locale !

Dans cette guerre froide Martine Vassal semble se démarquer, en demandant un rassemblement plus large qui dépasserait les clivages en place pour apporter des solutions.

Cependant, elle devra poser des actes d’unité, en imposant le renouvellement générationnel et en proposant la diversification du personnel politique ; condition sine qua non pour reconquérir un électorat déboussolé et agrandir son périmètre de persuasion.

Une course contre la montre a donc commencé.

Face à la désunion de la Droite, le Rassemblement National pourrait se frotter les mains et imposer sa loi.

Attention danger ! 

À quelques mois de cette intrigante municipale, la Droite marseillaise est condamnée à fumer le calumet de la paix, à se renouveler et à se diversifier.

Tout un programme… La course est lancée, les aiguilles de l’horloge tournent.

AU CENTRE :

Marseille se gagnerait toujours au centre.

L’adage pourrait peut-être encore se vérifier ; même si les premières intentions de certains candidats ont jeté le trouble et la confusion.

La course à l’investiture de La République En Marche s’est révélée dévastatrice pour le parti du Président de la République.

Pas assez implantés, pas assez préparés, les candidats déclarés ont plutôt montré d’affligeantes insuffisances de programmes et de structures.

Un casting qui n’a pas séduit ; avec des personnalités qui ont laissé l’impression de répondre plus à leurs égos démesurés qu’aux difficultés rencontrées par les habitants de la ville. Un casting qui a sévèrement lassé les Marseillais. Des prétendants déconnectés des réelles priorités, parlant la langue des puissants, sans véritable ancrage, ni puissance effective et jugeant de haut les autres écuries politiques avec orgueil et légèreté. La venue de Jean-Marc Borello, fin connaisseur de la ville et ancien membre du cabinet de Gaston Defferre, devrait refroidir certaines ardeurs et recentrer le débat au cœur des huit secteurs de la ville.

Une démarche laborieuse mais nécessaire tant les appétits voraces et les petites combinaisons ont miné pour un temps, les ambitions de La République En Marche sur la ville.

En brûlant certaines cartes essentielles, avant même de partir à la conquête de la ville, le centre devra recomposer un écosystème politique en tissant de solides réseaux.

Le chemin de croix a probablement commencé car certains rêvent déjà d’un accord de second tour, en imposant des conditions surréalistes.

Le changement de méthode a du mal à se faire voir.

Le temps pourrait manquer…

Composer des listes, dénicher des talents, créer une dynamique, trouver la perle rare… Les 12 travaux de Borello ont commencé !

Borello pourrait réussir sa mission et créer une dynamique d’ensemble. Qui sait ?

SOCIETE CIVILE : CHANGER LES RÈGLES DU JEU

Dans ce capharnaüm marseillais la société civile est probablement l’une des solutions. Elle doit s’extirper des calculs et imposer le débat démocratique permanent.

Mais sans un changement profond des règles et le remplacement de certaines individualités de la future équipe municipale, (pour reprendre une métaphore footballistique si parlante à Marseille), la partie aurait inexorablement un air de déjà vu.

Ancien élu de cette ville, j’ai combattu de toutes mes forces le système. J’ai d’ailleurs été le seul élu à avoir été passé à tabac,  dans une cité populaire de Marseille, pour ne pas avoir accepté la loi des médiocres et des voyous.

C’est avec la même détermination et volonté que je m’engagerai pour cette cité afin de retisser,  à ma juste place, un lien solide entre les deux parties de la ville qui se font face et s’éloignent.

Je ferai quelques propositions en délimitant cinq priorités qui, selon moi, pourraient ostensiblement modifier les règles du jeu et changer la donne…

Et comme ces vieilles dames du Panier me soufflaient au creux de l’oreille, en absorbant fortement la dernière syllabe, lorsque pressé d’avoir une réponse à mes nombreuses interpellations: “Aspetta” !

Je vous demanderai d’attendre encore un petit peu…

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