M-A Carlotti veut “faire la movida”, du coup j’ai quelques questions pour elle
Marie-Arlette Carlotti, presque candidate aux élections municipales à Marseille, prépare le terrain dans V Marseille ce mois-ci.Autour d’une noisette aux Danaïdes, entre shopping le dimanche, précarité et sécurité elle annonce “Je veux faire la movida”… à la lecture de ces propos, vous imaginez que mon œil s’est éclairé de mille feux… Alors je voulais en parler, poser les questions que j’aurais posé si j’avais été à la table à-côté pendant l’interview, et qui sait, recevoir une réponse de Marie-Arlette ?
D’abord remettre les choses dans leur contexte, chère Marie-Arlette, à une question sur le but de l’association Marseille et moi, vous répondez :
“Ce que je veux pour Marseille, c’est exactement ce qu’on fait les gens à Barcelone, les jeunes : la movida. C’est à dire qu’ils sont sortis du franquisme, cette chape de plomb pendant des années. Ce qui était bien plus grave que ce que nous vivons. On a autant de potentiel qu’eux. Ils ont attiré les populations. Et grâce à ça, ils ont pu faire les Jeux-Olympiques.”
Alors je sais que c’est la retranscription d’un échange verbal, que la parole emporte parfois les pensées mais tout de même quelques précisions. La movida s’appelle aussi “movida madrileña” car elle a surtout concerné Madrid, pas spécialement Barcelone. Effectivement, le franquisme était un brin plus dur et néfaste qu’un ticket Gaudin-Guérini, c’est toujours mieux de le dire. “On a autant de potentiel qu’eux”, je ne sais pas, les assises industrielles et capitalistiques de la Catalogne, l’intégration de Barcelone dans sa région (son pays) donnait déjà au Barcelone des années 70 un avantage certain sur le Marseille de 2010. Ils ont attirés les populations, oui, et vraiment plein de populations, pas que des bobos scandinaves !
Et franchement, réduire l’obtention des JO au mouvement de libération sociale post-franquisme, c’est passer un peu vite sur la stratégie trans-partisane des politiques catalans de faire de Barcelone une capitale. Une stratégie sur 20 ou 30 ans démarrées dans les années 80 qui mobilise aussi les milieux économiques et a fait preuve a posteriori d’une détermination hallucinante (la mairie de gauche a toujours travaillé en bonne intelligence avec la région de droite).
Bref, ça n’enlève rien à l’idée de départ qui est très bonne, mais ça permet de cadrer les choses et d’aborder plusieurs points / questions auxquelles j’imagine que vous aurez des réponses.
D’abord qu’entendez-vous par “Movida” ? Parce que “faire la movida” peut prendre différentes formes… D’abord, je me demande plutôt si le rôle du politique ne serait pas de “laisser faire” la movida plutôt que la faire lui-même. A-t-on envie d’une libération institutionnalisée dès le début ? Il y a effectivement à Marseille tout un milieu culturo-musico-arty qui n’attend que l’allumette pour s’enflammer, ou plutôt que les politiques arrêtent de sortir l’extincteur dès qu’on s’allume un peu…
Pour vous, Marie-Arlette, faire la movida la nuit c’est : faire la fête bleue ou autres évènements institutionnalisés jusqu’à 1h du matin pendant lesquels le divertissement est toléré ? faire cesser les fermetures de bars (Paradox, Enthropy etc…) ? ou carrément stimuler l’activité nocturne : ouvrir les portes et les fenêtres, autoriser les lieux à ouvrir sans limites, y compris en bord de mer, autoriser les fêtes en extérieur et doter la ville d’un vrai réseau de transports toute la nuit (bus de nuit jusqu’à 6h) ?
Galvan, maire de Madrid pendant le début de la Movida, avait déclaré “Ahora a colocarse y al loro” (maintenant, on se défonce et on reste sur ses gardes !), c’est ce niveau de libération que vous voulez communiquer ? D’un point de vue “social” ou “moral”, la movida madrilène envoyait tout balader, mais pour vous ça veut dire quoi ? Laissons les jeunes s’amuser, il y aura bien quelques problèmes mais c’est pas grave ? Travailler en profondeur sur un des paradoxes marseillais : ville très ouverte mais très conservatrice ? C’est être à l’avant-garde sociale de la France ? Et surtout concrètement, ça se traduit par quelles actions ?
Enfin, ce n’est pas la première fois qu’on parle de movida à Marseille. Quel regard portez-vous sur les années Vigouroux ? Quelle serait votre movida culturelle ? Ça voudrait dire enchaîner les cow-parade ? Faire des grandes institutions des priorités de financement (Opéra, Mac, Marsatac..) ? Ou stimuler le tissus associatif et donner les moyens au talent d’en-bas de monter très haut ?
Voilà quelques questions autour de l’idée de movida, bien sûr, ça ne fait pas le tour des problèmes de la ville (j’aurais pu parler de l’emploi dans les quartiers nord, de la corruption et du clientélisme, du manque d’intégration avec les autres collectivités etc) mais c’est le point qui m’a le plus intéressé. Si vous aviez 5 à 10 minutes pour détailler votre vision de la movida, je crois que ça éclairerait plusieurs lecteurs de VMarseille et de ce blog qui ont du être, comme moi, interpellé par cette formule.
Et pour finir en musique très “movida” : “Murciana Marrana” de Kaka de luxe (Murciana – habitante de Murcie – cochonne) tirée du film d’Almodovar Pepi Luci Bom. On verra si en 2015 on chantera les bretonnes cochonnes à l’Entropy…
Commentaires
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“movida” en provençal, ça donne “boucan” non ?
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c’est pas mal, j’avais aussi pensé à “estrambord”. Dans Lou Pichot Trésor, estrambord = extravagance, geste désordonné, exaltation. Et Boucan = vacarme, lieu de débauche. C’est pas exactement pareil… d’où l’intérêt de bien définir movida 🙂
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Je suis très content que vous m’ayez répondu Marie-Arlette : http://www.macarlotti.com/2013/02/07/faire-la-movida-a-marseille/
C’est un peu plus clair, on est pas au niveau de détail dont j’aurais rêvé mais c’est déjà pas mal.
1) je suis content de savoir que ce n’est pas une parole en l’air
2) je suis d’accord sur la clarification du terme “movida” (étymologie, trajectoire Madrid -> Bcn, Vigo, Bilbao…)
3) je suis aussi d’accord sur le rôle du politique : c’est intimement lié à la personnalité de Galvan, le politique est là pour créer les conditions de l’existence d’une movida, vous nous dites vouloir “donner ses chances à l’ébullition, au progrès, à l’innovation et à la grandeur”, je comprends laisser-faire, encourager, et je dis bravo car je pense que c’est la bonne attitude : “le talent vient d’en bas !” n’oublions pas ça !
4) on est pas là pour pinailler sur les mots, mais employer le verbe “colocarse” dans un festival de Rock, malgré la double acception du terme, à mon avis, on est plus sur la défonce qu’autre chose.
5) En revanche, je regrette que ne vous mouilliez pas plus : faire la movida ce n’est pas tout permettre, mais c’est créer les conditions de l’ébullition, c’est sortir de l’immobilisme, entrer dans le XXIème siècle… Bref, beaucoup d’intentions mais dont on ne voit pas clairement les traductions concrètes.
Quid des soirées du Petit-Pavillon, de l’Enthröpy et autres salles de concert subissant les diktats des CIQ, des concerts en plein air, de Marsatac, des bus de nuit… et au-delà de ces questions incontournables pour qui veut faire la movida à Marseille, quid des conséquences de vos prises de position : autoriser Marsatac sur les plages du Prado signifie se mettre à dos les habitants du quartier, prolonger les fluobus toute la nuit suppose des coûts importants…
Jusqu’où êtes vous prêtes à aller pour faire cette Movida dont Marseille a cruellement besoin ? Voilà, je pense, le fond de ma question…
En tous cas, merci d’avoir introduit ce sujet dans le débat, et d’avoir pris le temps de me répondre.
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