L’URGENCE IMMOBILIÈRE À MARSEILLE
La fin des travaux d’enquête concernant l’accident de la rue d’Aubagne, mais aussi le regard sur les constructions et les logements devraient nous faire prendre conscience de ce que l’on peut appeler un état d’urgence immobilière dans la ville
Qu’est-ce qu’un état d’urgence ?
Dans tous les domaines, finalement, c’est la même chose. Car que l’on appelle l’état d’urgence est une situation dans laquelle les pouvoirs doivent agir. Il s’agit de situations dans lesquelles on ne peut pas se donner le temps de tergiverser, d’attendre, voire de négocier : dans l’état d’urgence, il faut faire face à des menaces ou à des dangers. Tout de suite. L’urgence nous fait changer de temps : du temps ordinaire d cela vie sociale, on est contrait de passer à un autre temps, celui de la rapidité, celui de l’immédiateté. En réalité, le temps de l’urgence n’est même pas un temps. C’est une absence de temps. D’ailleurs nous le disons très bien : on n’a pas le temps.
L’urgence immobilière
Parmi tous les domaines de la vie sociale dans lesquels on peut être confronté à de l’urgence, le logement est un des plus importants, car il s’agit à la fois d’une nécessité de la vie sociale, d’une urgence politique, et d’une nécessité de la vie quotidienne. Le logement est une médiation, car il s’agit d’un aspect de la vie privée, de la vie quotidienne, ordinaire et, en même temps, d’un domaine de la loi, des choix de la vie publique – en l’occurrence de la politique de la ville. L’urgence immobilière désigne la dégradation des immeubles d’habitation, la précarité du logement, mais aussi la dégradation de quartiers entiers de la ville. Ce qui s’est passé rue d’Aubagne et rue de Tivoli vient nous rappeler que l’urgence immobilière est aussi un devoir de la municipalité et de la métropole : en effet, elle concerne les activités d’entretien et de prévention. Le logement est un des domaines dans lesquels l’urgence immobilière fait à la fois partie des impératifs des acteurs privés du logement et des pouvoirs publics. Sans doute, si la municipalité avait bien voulu mettre en œuvre des activités de prévention et si elle avait eu le pouvoir d’imposer aux propriétaires des logements la réalisation de travaux sur leurs immeubles, la catastrophe aurait pu ne pas se produire.
Les risques et les menaces
Dans tous les domaines, l’urgence désigne une situation de risque, la survenue d’une menace, qui oblige à intervenir, si possible en prévention, et, si ce n’est pas possible, en réfection ou en soin. L’urgence immobilière est suscitée par toutes sortes de menaces propres au logement. Il s’agit de menaces liées à l’environnement et à sa dégradation, qui peut susciter des risques. Il peut aussi s’agir de menaces liées à des activités sociales : c’est ainsi que la pollution industrielle ou l’excès de circulation peut entraîner des pollutions atmosphériques de nature à mettre en danger la qualité de vie dans les logements ou dans des quartiers entiers. C’est ainsi qu’à Marseille, l’excès de circulation automobile dans certains quartiers ou le long de certains axes routiers devrait inciter les pouvoirs publics à engager une politique de piétonnisation de plus de rues. Comme toujours, on ne veut pas voir venir le danger, et on s’aperçoit de sa gravité quand c’est trop tard pour intervenir. L’accumulation des menaces liées à la pollution de l’air peuvent susciter l’apparition de maladies respiratoires dans certains quartiers. Enfin, un autre aspect de l’urgence immobilière est lié à l’excès d’occupation de certains logements et à la construction de tours et d’immeubles trop grands dont la taille menace la qualité de vie de celles et de ceux qui les habitent Nous sommes ici confrontés aux dangers du marché immobilier.
La dégradation du logement marseillais
La dégradation de la vie dans le logement marseillais ne se limite pas à l’aspect proprement immobilier du logement. L’urgence immobilière concerne aussi l’aménagement des quartiers. On a l’impression qu’à Marseille, l’immobilier et la construction ont oublié l’habitation, le pire étant que celles et ceux qui vivent dans ces logements dégradés ne font même plus attention à la dégradation du logement, car elle est devenue une sorte d’habitude : à Marseille, le logement est dégradé, c’est comme ça. Il n’y a rien à y faire. C’est qu’il y a plusieurs formes de dégradation auxquelles nous nous sommes tellement habitués qu’in ne les voit plus. Il s’agit de la dégradation de la construction, à la fois dans sa qualité architecturale et dans la qualité de ses matériaux et de sa réalisation. Il s’agit de la dégradation de la conception du logement. Mais il s’agit aussi de la mauvaise adaptation des immeubles d’habitation aux conditions climatiques propres à Marseille car ils ont été conçus par des professionnels qui n’habitent pas la ville. Enfin, il s’agit de la dégradation de la voirie et de la propreté des espaces de la ville. Une fois encore, nous sommes face, dans ce domaine, à la confrontation de la municipalité et de la métropole.
Le rôle de la municipalité
C’est qu’il faudrait s’interroger sur le rôle de la municipalité face à l’urgence immobilière. Elle pourrait intervenir de trois manières. D’abord, elle pourrait mettre en place une sorte d’observatoire du logement marseillais, étudiant l’état des immeubles d’habitation et relevant les interventions et les travaux à effectuer. Cet observatoire devrait aussi s’occuper de la réduction des inégalités dans le domaine du logement entre les quartiers de la ville – inégalités qui sont, par ailleurs, sources de violence. Par ailleurs, la municipalité devrait se voir reconnaître, justement en situation d’urgence, des pouvoirs de contrainte à l’égard des propriétaires pour imposer des travaux de réfection ou de prévention. Enfin, le rôle de la municipalité dans la qualité du logement est celui de l’aménagement des sites et des paysages. La propreté des rues devrait faire partie des prescriptions que la municipalité pourrait imposer à la métropole, responsable du traitement des déchets. De même, la municipalité devrait se voir reconnaître des pouvoirs dans le domaine de la gestion des immeubles et des constructions laissés à l’abandon et dans le domaine de la conservation et de l’aménagement des sites, en étant obligatoirement consultée, par exemple, au moment de la construction des immeubles. Enfin, sans doute l’urgence immobilière concerne-t-elle aussi deux autres domaines qui font partie de la qualité du logement : la politique des ordures et des déchets et la politique des transports. En raison de l’état d’abandon dans lequel la municipalité les laisse, ces deux domaines devraient s’inscrire, eux aussi, dans la politique de prévention de l’urgence immobilière.
Marseille doit redevenir une ville.
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