Marselle et l'O.M.

L’O.M. ET L’IDENTITÉ MARSEILLAISE

Billet de blog
le 20 Mai 2018
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L’article que l’on va lire a été écrit en deux temps : d’abord, son auteur s’est trouvé dans les rues de Marseille le jour de la finale qui opposait, à Lyon, l’O.M. au club de Madrid ; ensuite, son auteur a fini de le rédiger après la défaite sévère du club marseillais, par 3 à 0. Tout cela fait réfléchir sur le sens du football dans la vie urbaine, à Marseille.

L’envahissement de l’espace urbain par le foot

Je me trouvais donc dans les rues de Marseille mercredi en fin d’après-midi, juste avant la finale 2018 de la Ligue Europa, qui opposait l’O.M. à l’Atlético de Madrid. Tout le centre de la ville était envahi par les petits drapeaux, par les ballons, par les écharpes, par les costumes, aux couleurs de l’O.M. Mais l’envahissement n’était pas aussi visuelle, elle était aussi sonore, puisqu’on entendait partout les trompes et les klaxons des voitures. Le contraste était saisissant avec le silence de plomb qui s’était abattu sur la ville après sa défaite. Cet envahissement de l’espace de la ville par le football et par l’événement que constituait la finale européenne dans laquelle était engagé le club marseillais témoignait d’une sorte d’abandon de l’espace urbain par la politique de la ville qui le laisse, finalement, se faire aliéner par le sport et par ses pouvoirs – à la fois ludiques et financiers. C’est quand le sport est devenu un spectacle et une opération financière générant de nombreux profits, c’est quand le sport a fini par envahir les médias et par les détourner de leur fonction première, celle d’informer et de critiquer, que l’espace de la ville a été envahi par les formes multiples des spectacles que sont devenus les événements sportifs, notamment les matches de football.

 

Le sport est une forme d’aliénation comme d’autres

Ne nous trompons pas : le sport – en particulier le football – est une forme d’aliénation comme les autres. On retrouve ici ce que nous nous rappelons de l’histoire de la Rome antique, qui proclamait comme une forme de projet politique Panel et circenses : il s’agissait, pour le peuple de Rome, de recevoir de la société dans laquelle il vivait du pain et des jeux : de quoi se nourrir et de quoi passer son temps libre. Pendant qu’ils sont endormis devant les spectacles sportifs, les peuples des villes ne pensent pas à autre chose, et, surtout, ne pensent pas à la politique, ne pensent pas aux formes multiples d’aliénation dont ils sont les victimes, qu’il s’agisse de l’aliénation par le logement ou de l’aliénation par le chômage. Le sport est devenu une des formes majeures de l’aliénation sociale et politique qui pèse sur les habitants des pays au point de leur faire oublier qu’ils sont aussi des citoyens. De plus, cette aliénation consiste aussi dans cette sorte de fierté mal placée dont sont porteurs les habitants des villes, qui croient se retrouver dans les exploits des joueurs qui ont été achetés par leurs clubs. Au lieu d’être, comme il le fut, une des formes par lesquelles la citoyenneté s’exprimait par le corps et par les pratiques sportives, le sport n’est plus qu’un spectacle, presque une fiction. C’est cette dimension de spectacle qui achève la transformation du sport en une aliénation sociale et politique.

 

Pourquoi le match a-t-il eu lieu à Lyon ?

Reste que l’on peut se poser une question simple : pourquoi a-t-il fallu que le match ait lieu à Lyon, au lieu d’avoir lieu dans l’une des deux villes dont les clubs étaient opposés l’un à l’autre ? Ce qui frappait, mercredi soir, quand on se promenait dans les rues de Marseille, c’est que les habitants de la ville regardaient le match sur des écrans géants de télévision : il ne s’agissait pas seulement d’une aliénation par le sport mais aussi d’une forme de plus de l’aliénation par les médias. Le football n’avait plus rien d’une pratique sportive, mais était complètement soumis à la pression de l’aliénation. Comme si la société avait voulu éviter les débordements qui n’auraient pas manqué de produire si l’O.M. avait gagné, la réalité du match avait lieu ailleurs. Le Stade Vélodrome n’était plus l’espace dans lequel avait lieu un match, mais celui dans lequel les spectateurs étaient rassemblés devant une représentation télévisée. De cette manière, l’aliénation était parfaite, puisqu’il ne s’agissait même pas d’une pression par la réalité d’un affrontement vivant, mais d’une aliénation par le spectacle de l’affrontement. Ainsi, l’espace de la ville était envahi par un spectacle – et encore même pas par un spectacle vivant, mais par un spectacle sur écran ; l’aliénation n’était même pas réelle, mais seulement figurée, représentée. Tout se passait, mercredi, comme si Marseille n’était pas assez riche, pas assez puissante, pas assez active, pour accueillir un match de cette importance. Sans doute ce déplacement était-il un aveu de plus de la faiblesse de la ville, tant sur le plan culturel que sur le plan économique et même, donc, sur le plan sportif.

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