LIRE BELSUNCE
Rue Thubaneau, au coeur de Belsunce. (LC)
Pour les géographes, le quartier du cours Belsunce se situe au centre de Marseille. Pour la culture, pour la vie sociale de notre temps, c’est une autre affaire.
Le cours Belsunce
Dans une autre époque, quand il a été ouvert, à la fin du XVIIème siècle, le cours Belsunce – on disait, alors, tout simplement « le Cours » – était au centre de la ville. Il en était même le centre. C’était l’époque où toutes les grandes villes, en France, mais aussi dans d’autres pays, avaient leurs « cours », leurs lieux de promenade pour les classes aisées, dans lesquelles on se montrait en se promenant. C’était des lieux qui réunissaient l’élite des villes – disons, plus facilement « le gratin ». Il aura fallu, aujourd’hui, l’initiative de l’installation du bibliothèque municipale pour que les pouvoirs locaux prennent le taureau par les cornes et montrent, par un véritable projet, une intention véritable de faire renaître ce quartier, abandonné depuis des décennies, alors qu’il est au cœur de la ville, puisqu’il est un des deux axes qui la structurent. Mais, bien sûr, comme toutes les grandes artères – au sens propre et au sens figuré : il est l’un des vaisseaux sanguins qui donnent sa vie à la ville, il a donné naissance à un véritable quartier, fait de tout un réseau de rues plus petites qui structurent la géographie de ce quartier en y proposant des parcours, des activités, des logements.
Belsunce et le « temps long »
Belsunce fait partie des sites marseillais qui racontent l’histoire de la ville – notamment parce que les fouilles archéologiques engagées au moment de la construction du Centre Bourse se poursuivent et témoignent de l’ancienneté de Belsunce, qui constitue un des tout premiers lieux de l’espace de la ville. Belsunce est une des représentations du « temps long » de la ville, et peut-être, justement, l’une des raisons de la crise que connaît le quartier est-elle le choc entre ces deux temps de l’histoire de la ville, le temps long et le temps court d’aujourd’hui, la violence de la confrontation entre ces deux temps. C’est un peu comme si le temps que nous vivons n’était pas parvenu à rattraper le temps long de la prospérité et que, par conséquent, le cœur de Belsunce avait cessé de battre – pour ne pas dire celui de Marseille. Le cours Belsunce et le quartier qui l’entoure constituent, à cet égard, une sorte de symptôme : celui de l’incapacité des pouvoirs qui se sont succédé dans cette ville à avoir un regard sur le futur de Marseille, un regard qui aille au-delà de leur petit quotidien. Pour que Belsunce retrouve son ancrage dans le temps long, il devient urgent qu’une véritable politique patrimoniale remanie les immeubles et les sites déchus, et qu’une politique économique de développement envisage l’installation d’activités commerciales plus fortes et plus ouvertes que les petites activités qui pullulent dans le quartier, l’empêchant de se développer, il faut, enfin, qu’à la fermeture et à l’abandon des immeubles en déshérence succède une véritable politique permettant à Belsunce de se débarrasser des marchands de sommeil, des hôtels minables, des garages et des commerces de pacotille.
Ce qu’est devenu le quartier
C’est bien pourquoi on peut se poser la question, aujourd’hui : Belsunce est-il vraiment un quartier ? Oui, au sens où il s’agit toujours d’un entrelacs de rues. Oui, au sens où il est toujours structuré par un réseau de voies de trams, de transports en commun. Non, au sens où aucune politique municipale n’est encore parvenue à lui redonner l’aspect d’un quartier où l’on ait plaisir à se promener, et, plus encore, qui donne à celles et ceux qui y vivent une identité urbaine, qui leur donne envie de s’y retrouver, qui leur permette de vraiment habiter là, plus que d’y simplement trouver un lit et une cuisine. Les activités commerciales se sont emmêlées dans le quartier sans ordre, sans prévision, sans le souci de répondre aux désirs des habitants. Il s’agit, d’ailleurs, essentiellement d’activités de gros, qui ne sont donc pas destinées à ceux qui vivent dans le quartier, et de commerces bas de gamme, proposant des produits d’habillement (on ose à peine parler de vêtements) qui dans lesquels les habitants du quartier ne peuvent se retrouver et qui ne peuvent sûrement pas servir d’appât à des visiteurs extérieurs au quartier. Il faut ajouter que ce qui a contribué à la déchéance du quartier, ce sont les immenses immeubles hideux d’habitation qui dressent leur laideur à l’entrée du cours Belsunce et qui abritent une partie du « Centre Bourse ». Comme toujours, un centre commercial n’est jamais le signe d’un développement esthétiquement conçu et économiquement raisonné. Belsunce est devenu une sorte de « quartier en voie de développement » (sorte d’euphémisme poli pour « sous-développé ») en plein centre de Marseille.
Le quartier du cours Belsunce est-il encore dans Marseille ?
C’est ainsi que l’on peut se poser la question : Belsunce est-il encore dans Marseille ? S’agit-il encore d’un quartier de la ville ou s’agit-il d’une sorte de verrue au Nord de la Canebière ? D’abord, comme tous les sites de l’espace urbain, il fait l’objet d’une confrontation entre les deux pouvoirs qui se partagent Marseille : la municipalité pour ce qui concerne l’aménagement du quartier, de ses activités, de ses sites et de ses logements, la métropole pour ce qui concerne les transports qui le desservent et pour ce qui concerne la prévision économique. C’est ainsi que l’on ne sait pas trop si Belsunce est dans Marseille ou dans la métropole. Par ailleurs, cette confrontation entre la ville et la métropole porte aussi sur les activités de développement et d’aménagement, tant en ce qui concerne le développement économique qu’en ce qui concerne le développement culturel et le patrimoine – notamment les fouilles archéologiques. Pour que la ville se retrouve de nouveau, enfin, dans Belsunce, et pour que Belsunce se retrouve, de nouveau, enfin, dans la ville, il faut que la municipalité – y compris en se confrontant à la métropole si c’est nécessaire – engage une véritable politique du développement du quartier, il faut qu’elle ait sur le quartier le regard d’un temps long et se décide à lui rendre l’identité qu’il a perdue. C’est un des défis auxquels doit répondre la municipalité dirigée par B. Payan.
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