LES SÉGRÉGATIONS À MARSEILLE

Billet de blog
le 13 Déc 2024
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Y a-t-il un ou plusieurs Marseille ? Cette ville est-elle une ou connaît-celle une fragmentation ? Violette Artaud a commencé à répondre, dans « Marsactu », le 16 novembre dernier. Poursuivons la démarche engagée.

La ségrégation entre le monde du Nord de la ville et celui du Sud

La séparation entre la Marseille du Nord et celle du Sud est une vieille histoire. Il s’agit de deux villes séparées l’une de l’autre à la fois par des politiques d’aménagement et par des formes géographiques de la ville. Ce que l’on appelle le « Vieux Port », qui entre, en quelque sorte, dans la terre est une frontière puisqu’il sépare la Marseille qui est dans son Nord, celle de l’Hôtel de Ville ou de la Joliette, et celle qui est dans son Sud, la Marseille des beaux quartiers, celle d’Endoume, de Bompard, des belles maisons des quartiers comme Périer. La ségrégation a commencé dans les premiers aménagements de la ville, ce n’est pas un fait survenu aujourd’hui. La Canebière est, à cet égard, la rue qui sépare les deux villes, elle trace dans le plan de Marseille les quartiers qui se séparent les uns des autres. Peut-être, d’ailleurs, est-ce pour cela qu’elle est si importante dans l’histoire de la ville : elle n’est pas une simple rue comme les autres, elle est une frontière qui donne leur identité à celles et à ceux qui habitent de part et d’autre de cette ligne. De même que la ségrégation fonde le plan de la ville, on peut même se demander si la Canebière n’a pas suivi le plan d’une ségrégation. Cette frontière qui distingue le Nord de la ville et son Sud donne aussi sa signification à la distinction entre une ville qui s’améliore, une ville qui progresse et qui semble toujours s’embellir et une autre ville qui est moins bien entretenue, qui semble susciter moins d’efforts de la part des autorités dont c’est pourtant le rôle. Derrière cette séparation, sans doute y a-t-il aussi une séparation plus politique, entre la Marseille qui vote à gauche, celle de B. Payan et de la municipalité, et celle qui vote à droite, celle de M. Vassal et de la métropole. Cette séparation entre le monde du Nord et celui du Sud est ainsi la séparation qui distingue deux autorités, deux logiques de pouvoir – en particulier deux logiques budgétaires. Si le maire a choisi de témoigner lors du procès de Noailles et du drame de la rue d’Aubagne, sans doute est-ce pour manifester à la fois sa solidarité envers les habitantes et les habitants frappés, déchirés, par cet accident et l’engagement de la municipalité dans l’affrontement avec la droite, celle de M. Vassal, de J. Ruas, cité au procès, qui fut aussi celle de J.-C. Gaudin. Finalement, pour parler vite, ces deux Marseille sont celle des riches et celle des pauvres. Toutefois, l’évolution de l’aménagement de la ville commence à faire disparaître cette frontière, à la déplacer. Comme dans toutes les villes, la frontière semble de plus en plus séparer la Marseille des quartiers du centre et celle des quartiers éloignés. C’est aussi, de cette manière, la Marseille des « quartiers Nord », celle du Canet, celle du Merlan, qui est séparée de la Marseille des quartiers du Sud, comme le Parc Borély, le Prado, Périer ou Saint-Giniez. Même si, questionné par V. Artaud, S. Novella, de l’I.N.S.E.E. estime que les frontières sont moins dures qu’avant, la distinction entre le Nord et le Sud n’en reste pas moins une frontière.

 

Le rôle de l’urbanisme et de l’aménagement dans les ségrégations

L’urbanisme et les projets d’aménagement de la ville jouent un rôle considérable dans la question des ségrégations, qu’il s’agisse de projets et de plans d’aménagement destinés à alléger les ségrégations ou de projets visant,  au contraire, à les aggraver, à à renforcer les différences entre les quartiers et les inégalités entre les habitantes et les habitants de Marseille. C’est ainsi, par exemple, que les grandes cités très hautes, qui vieillissent mal, se trouvent plutôt dans les quartiers du Nord, alors que, dans les quartiers du Sud, les immeubles d’habitation sont de taille plus raisonnable. Ce que l’on peut remarquer, c’est que Marseille est aménagée sans suivre une véritable logique d’ensemble. Il devient donc urgent de réformer la politique de l’aménagement de la ville en lui faisant suivre un véritable plan d’ensemble. Si la note de l’I.N.S.E.E., intitulée « Une ségrégation résidentielle élevée dans les pôles d’Avignon et de Marseille », c’est bien pour expliquer l’importance de la ségrégation entre deux sortes d’habitants dans l’aménagement de ces deux villes. C’est ainsi que le travail des municipalités de gauche, celle de B. Payan à Marseille, comme celle de Cecile Helle à Avignon, consiste à en finir avec les ségrégations et à mettre en œuvre une politique municipale faisant retrouver l’égalité entre tous les habitants. Le rôle de l’urbanisme est essentiel pour faire en sorte que Marseille redevienne une ville fondée sur l’égalité, une ville dont les habitants ne connaissent pas d’inégalités qui rendent leurs habitations invivables. La politique de l’aménagement a été trop longtemps dominée, à Marseille, par une ségrégation séparant les quartiers sans une « véritable politique des quartiers » pour lesquels la municipalité serait soucieuse de la façon dont les habitants vivent. À cet égard, l’accident de la rue d’Aubagne n’est pas seulement un drame faisant l’objet d’un procès : il ne s’agit même pas d’un véritable « accident », il s’agit d’un drame prévisible et entraîné par la façon dont les immeubles touchés étaient aménagés – ou, plutôt ne l’étaient pas. Il y a deux Marseille, celle qui est aménagée et construite en suivant des plans et des projets, et celle qui, au contraire, n’est qu’une accumulation de constructions sans logique d’ensemble, destinée seulement à entasser des habitants. Au lieu d’être un urbanisme dominé par la recherche des fonctionnalités et le renforcement des inégalités, il faut que l’urbanisme marseillais rende la ville agréable pour tous et toutes les habitants, à la fois du point de vue de l’esthétique des constructions, de la qualité du logement et de la facilité des transports permettant à tous les habitants de se retrouver  ensemble sans exclusions.

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