Les OAP ou l’urbanisme de projet : un libéralisme dangereux ?

Billet de blog
le 7 Déc 2017
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Le 24 novembre dernier a eu lieu à la faculté de droit d’Aix-en- Provence une journée d’étude fort intéressante sur un outil relativement récent au service de la planification : les Orientations d’Aménagement et de Programmation des Plans Locaux d’Urbanisme.

Cet instrument créé au tournant du XXIè siècle par la loi SRU (2000) et déjà modifié par 3 lois ultérieures (2003, 2010 et 2014) permet d’inscrire dans les projets d’urbanisme des orientations qui peuvent être territorialisées (OAP sectorielles), thématiques ou de secteur d’aménagement. Ces orientations sur un quartier donné, sur une thématique comme le paysage ou l’environnement ou sur un projet d’aménagement sont plus ou moins étroitement liées au règlement qui régit la planification et qui fait force de loi. Elles ne nécessitent pas notamment la maîtrise du foncier par les collectivités territoriales comme c’était le cas auparavant pour les Plans d’Aménagement de Zone (PAZ) qui avaient des objectifs similaires.

Pour faire simple, une OAP couvre un territoire construit ou à urbaniser (qui peut d’ailleurs être multi-sites) d’un projet souple, ouvrant à des réalisations nécessairement compatibles avec le règlement mais sans que la règle de la conformité ne les contraigne. Clairement des projets et des choix d’urbanisme peuvent y être développés permettant d’ouvrir des perspectives non soumises à un règlement strict. On peut par exemple proposer des aménagements de quartier avec commerces, habitations, espaces publics divers sans que soient nécessairement définies des surfaces, hauteurs ou typologies strictes. C’est le projet qui sera développé ensuite qui organisera ces orientations assez librement pour autant qu’il ne soit pas incompatible avec les règles d’urbanisme générales (définies dans le PADD et le règlement du PLU ou PLUi).

On comprend donc que des possibles s’ouvrent aux aménageurs qui dépassent la planification rigide du document d’urbanisme adopté par les collectivités territoriales, sans toutefois les contredire brutalement.

La journée d’étude de vendredi dernier, très largement suivie par un public averti et attentif, a permis à des juristes de préciser la portée de cet outil (en fait le cadre de sa permissivité) et à des aménageurs (chercheurs et experts) de présenter des exemples de telles réalisations. Les PLUi et PLU de notre métropole ont notamment largement été examinés sous cet angle. Nous avons ainsi appris que des spécificités de constructibilité couvraient les zones construites ou à urbaniser de nos villes et que certains secteurs (60 pour MPM) disposaient d’ouvertures nouvelles. Experts et chercheurs ont déployé beaucoup de réflexion et d’intelligence pour ouvrir nos territoires à des possibles vertueux en termes de création, d’écologie, d’innovation, etc.

L’outil semble bien être une « interface entre urbanisme de planification et urbanisme de projet » comme l’annonçait le titre de la journée. Un outil pour sortir de l’application étroite, rigide et souvent stérile d’un règlement, pour introduire de la souplesse, de l’adaptabilité et du dynamisme dans nos villes ne peut donc qu’être pertinent.

Pourtant, la dernière table ronde de la journée qui a réuni des opérateurs effectifs, des promoteurs privés ou bailleurs sociaux, a permis de donner à la notion d’urbanisme de projet une connotation un peu moins idyllique en nous ramenant à la réalité des réalisations effectives. En effet, les ouvertures laissées à la négociation du projet par les OAP peuvent être colorées par les projets urbains mais elles peuvent être aussi seulement des cadres de négociations entre promoteurs et élus. Moins les orientations des OAP sont prononcées, plus les négociations sont ouvertes. Et si l’on peut imaginer que les choix d’orientation ont pu être l’objet de concertations avec les différents acteurs de la ville
(habitants, associations, experts, élus, professionnels, etc.), les négociations, au contraire, se
resserrent autour de ceux qui ont la décision, élus et financeurs. L’urbanisme de projet est un urbanisme plus libéral que celui de la planification stricte et il donne donc aussi plus de latitude aux acteurs de la réalisation (décideurs et promoteurs).

Une bien belle journée qui nous a permis de saisir les nuances de la créativité urbanistique tout en nous montrant les ressorts des pouvoirs de ceux qui négocient. Les OAP, outils de possibles intéressants, ouvrent une brèche féconde à un libéralisme qui peut n’être que financier. Une fois encore, la subtilité des outils ne servira que ceux qui sauront construire les rapports de pouvoir qui permettent de les utiliser.

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