LES MUTATIONS DU CENTRE À MARSEILLE

Billet de blog
le 20 Sep 2024
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Nous l’avons souvent écrit, ici : une ville n’en est plus une si elle n’a pas un centre qui exprime son identité dans l’espace. C’est pourquoi il est important de s’interroger sur les mutations du centre de Marseille.

Photo : Emilio Guzman
Photo : Emilio Guzman

Photo : Emilio Guzman

Petite promenade dans l’histoire du centre de Marseille

La géographie du centre de Marseille a beaucoup changé dans l’histoire de la ville. Au moment de sa fondation, le centre consistait dans le port et dans les lieux d’activité marchande et politique. Cela se situait dans la rive Nord du Lacydon, nom antique de l’espace maritime du Vieux-Port. Plus tard, le centre s’est étendu vers le Sud de la ville : c’est le moment où a été construite l’abbaye Saint-Victor et les immeubles situés de nos jours autour de la place aux Huiles. Encore plus tard, du XVIIème au XIXème siècles, c’est le centre d’aujourd’hui qui s’est installé, ce qui se traduit par la présence de la Bourse et par l’aménagement de la Canebière, qui était, auparavant, à la périphérie de la ville (le « champ de chanvre »). Aujourd’hui, on a l’impression que le centre s’est dilué dans plusieurs lieux, à la fois parce qu’il s’est étendu et parce que de nouveaux centres urbains sont apparus, autour des centres commerciaux et autour de nouvelles activités. C’est ainsi que le Sud de la ville, au-delà de la place Castellane, fait peut-être, de nos jours, partie du centre, tandis que de nouveaux quartiers comme ceux qui sont au-delà du cours Lieutaud appartiennent désormais au centre.

 

Quel est le rôle du centre de la ville ?

Quel sens peut-on donner au centre, à Marseille (comme, d’ailleurs, un peu dans toutes les villes) ? Avant tout, le centre est l’espace urbain des rencontres. C’est par son centre qu’habiter une ville comme Marseille consiste à établir des relations sociales, à mettre en œuvre des échanges avec les autres, qu’il s’agisse d’échanges commerciaux, d’échanges culturels, ou, tout simplement, d’échanges de paroles. C’est bien pour cela que le centre de Marseille a toujours été un espace de marchés, de cafés et de places publiques, formes modernes de l’agora des Grecs. C’est aussi dans le centre qu’ont lieu les manifestations et les défilés politiques. Mais le centre est aussi l’espace d’une vie culturelle : à Marseille, le centre consiste dans des espaces de spectacle, comme les cinémas ou les théâtres, mais aussi de lieux de diffusion culturelle comme la bibliothèque de l’Alcazar. Une transformation marquante de lieux du centre est l’installation de cette bibliothèque sur le lieu d’un ancien cinéma qui fut aussi un music-hall, cours Belsunce, dans une artère longtemps abandonnée et dégradée : du music-hall aux livres et aux CD et aux CD-Roms, c’est la culture qui a changé d’expressions. Le centre de la ville est resté un espace de commerce, mais c’est le commerce qui a changé : les « centres commerciaux », qui constituent, me semble-t-il, des espaces artificiels de consommation se sont surtout installés dans les périphéries, mais il reste le « centre Bourse », à côté, donc, de la Bourse, qui manifeste cette mutation des commerces centraux. Enfin, le centre est le lieu de la ville où siègent les pouvoirs et les autorités politiques. À cet égard, si l’hôtel de ville, la « mairie centrale », n’a pas changé de place, sur le quai du Port, la naissance des mairies d’arrondissement a suscité l’établissement de nouveaux centres administratifs et politiques, a fait naître de nouvelles centralités dans tous les arrondissements.

 

Transports, circulation et centralité à Marseille

Le centre d’une ville est un nœud. Ce qui caractérise un centre urbain, c’est qu’il est le lieu dans lequel se rencontrent les lignes de transports en commun, c’est le centre d’un réseau. Les transports en commun, dans une grande ville comme Marseille, ont toujours été organisés en réseaux, dont les mutations correspondent, justement, aux mutations du centre. Si le quartier de la Bourse a longtemps été le nœud le plus important des réseaux de métro et de bus de la ville, de nouveaux espaces de connexion sont nés, comme à Castellane ou dans les quartiers Nord, comme à la Rose : ces lieux sont les signes de l’apparition de ces nouvelles centralités dont la naissance accompagnent le développement de la ville. Les mutations du centre sont aussi les mutations des réseaux.

 

Le centre et les périphéries

Mieux vaut, à Marseille, parler de périphéries, car il n’y a pas de banlieues : ce que l’on appelle, dans d’autres villes, les périphéries sont situées dans l’espace de la ville. C’est, ainsi, la transformation de lieux périphériques en centres urbains qui marque ce que l’on peut appeler une nouvelle génération des centres de Marseille. Nous avons cité le cas de la Rose, mais on peut aussi citer le cas de quartiers comme Bougainville ou Sainte-Marguerite qui sont ces nouveaux centres accompagnant la croissance de la ville. Mais, en même temps, on peut se poser la question : s’agit-il de nouveaux centres ou les mutations de la ville consistent-elles dans l’abandon des centres, dans la naissance d’une ville sans centre, ou sans centres ? Le déclin d’activités a entraîné un déplacement du port de la Joliette vers de nouveaux lieux, mais, avec ce déplacement, c’est tout un centre qui a décliné, tandis que le quartier de la gare Saint-Charles se situe désormais à la périphérie de la ville.

 

Le centre et la métropole

Par rapport à la métropole, où se trouve le centre urbain ? La naissance de la métropole, puis son développement, ont fait de Marseille même le centre d’un nouvel espace, en contribuant, aussi, à la mutation du centre de la métropole, en même temps que celui de la ville. Peut-être le développement de la métropole, l’inscription de la ville dans un nouveau réseau, métropolitain celui-là, contribuent-ils à une décroissance du centre de la ville et à cet abandon des centres, caractéristiques de la vie urbaine contemporaine. La métropolisation de Marseille va, sans doute, poursuivre cette mutation des espaces urbains vers une « ville en réseau », caractérisée, finalement, par l’importance des connexions et des relations entre les sites urbains et par l’affaiblissement du centre de Marseille. L’un des symptômes de cette disparition progressive de la centralité à Marseille est la dégradation environnementale des lieux qui avaient été des lieux centraux, sales, aux immeubles mal en retenus, aux rues abandonnées. Toute une écologie des centres urbains doit, désormais, se penser à l’échelle de la métropole.

Commentaires

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  1. RML RML

    L’abandon du centre ville mal entretenu, c’est plutôt un mouvement inverse auquel on assiste. D’ailleurs aujourd’hui on parle d’hyper centre, de centre, et de périphérie.
    Et il me semble que dans votre démonstration vous oubliez la restauration. Elle reste prégnante dans le centre et l’hypercentre avec, il faut le noter, une tentative d’animation des îlots villageois dont vous ne parlez pas et d’un vide sidéral autour des nouveaux centres commerciaux.

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