Les langages, les cultures et le débat dans la ville
LES MUTATIONS DE L’ESPACE PUBLIC À MARSEILLE
Deux situations se rencontrent en ce moment, à Marseille, qui nous interpellent et nous font réfléchir sur ce qu’est devenu l’espace public dans cette ville : la crise que connaît aujourd’hui « La Marseillaise » et l’appel de « Marsactu » à une souscription, qui connaît un certain succès.
Qu’est-ce que l’espace public dans la ville ?
C’est J. Habermas qui, en 1962, invente, en quelque sorte, cette expression qui, dans la suite, finira par s’imposer dans la réflexion sur les médias et sur l’information. Quand Habermas publie « L’espace public », il s’agit d’un livre d’histoire : Habermas propose une réflexion sur les transformations de la presse et des espaces de débat qui conduiront, en France, à la révolution, en 1789. Il s’agit de montrer comment, par les médias, en en particulier, par la presse, et par les cafés qui deviennent des lieux de débat dans la ville, ce qu’il appelle « la sphère publique bourgeoise » se donne une langue et une culture par lesquelles elle se construit une identité politique et un espace de débats et de confrontations d’engagements et d’opinions qui donne une dimension symbolique au politique. Sans doute, d’ailleurs, n’est-ce pas un hasard ni une simple coïncidence si Habermas propose sa réflexion sur la construction de l’espace politique du débat public en 1962, à la fois un an après la chute du mur de Berlin et seulement quelques années après la signature, en 1957, des traités de Rome qui achèvent la construction de ce qui deviendra l’Union européenne, c’est-à-dire en pleine mutation des espaces politiques. Dans la ville, l’espace public, c’est le champ dans lequel les idées et les engagements s’échangent et se confrontent les uns aux autres, le champ dans lequel la ville se construit comme un espace politique, structuré par la dynamique de l’agora et du forum.
Les transformations des médias urbains à Marseille
À Marseille, comme dans d’autres villes, les médias urbains ont évolué, se sont transformés, ont connu des mutations qui donnent une signification à la crise de « La Marseillaise » et à la naissance de Marsactu ». Je ferai part, ici, de mon expérience : j’ai connu, à Marseille, trois époques des médias urbains. En effet, pendant quelques années, à partir de 1984, j’ai tenu une chronique, intitulée « Page pomme », à Radio-Utopie, une radio libre fondée à la Belle de mai, rue Hoche, par Henry Richert, dans la mouvance des radios qui s’étaient multipliées en France et qui avaient vu leur existence pleinement reconnue, à la suite de la fin du monopole de l’État sut l’audiovisuel. Puis j’ai publié une chronique dans un hebdomadaire publié, sur papier, à Arles, puis à Marseille, intitulé « L’Éveil », qui avait été fondé par Elie Somot. Et aujourd’hui, c’est ici, dans « Marsactu », que j’ai le plaisir de tenir une chronique, grâce à l’amitié de son équipe que je veux saluer ici. Ces trois moments enrichissants de ma vie témoignent de l’évolution des formes et des pratiques de l’espace public et des médias urbains à Marseille. Les radios, que l’on appelait les « radios libres », ont fait éclater le monopole et qui ont engagé la critique des grands groupes, puis les journaux locaux se sont multipliés sur papier, donnant, ainsi, à l’opinion et à l’engagement la forme et les pratiques de l’écriture et de la lecture. Aujourd’hui, c’est le réseau Internet qui assure la pluralité des opinions, des engagements et des débats qui donnent toute sa vie à l’espace public. À Marseille, comme dans d’autres villes, l’espace des médias et du débat public a commencé par être écrit et imprimé, puis s’est exprimé par l’échange des paroles dans le champ des radios et dans celui des chaines locales de télévision pour s’inscrire aujourd’hui pleinement dans les formes des médias numériques que nous lisons sur nos ordinateurs.
Le devenir des formes de l’information et du débat public
C’est de cela qu’il faut parler aujourd’hui : la crise de « La Marseillaise » et le renforcement de « Marsactu » sont des expériences qui témoignent des mutations et des transformations de l’espace public. La presse sur papier est en crise, à la fois parce que le papier devient un matériau cher et parce que la concurrence de l’audiovisuel a fini par lui faire perdre l’importance qu’elle avait acquise à la fin du XIXème siècle et dont témoignent les immeubles du « Méridional », au coin de la rue Breteuil et du cours d’Estienne d’Orves, du « Provençal », rue Francis Davso et de « La Marseillaise », cours d’Estienne d’Orves. Le départ du « Provençal » et du « Méridional » rue Roger Salengro, après leur fusion dans un groupe unique, comme celui du « Monde » qui a quitté la rue des Italiens, au centre de Pais, pour s’installer boulevard Auguste-Blanqui, dans le treizième arrondissement, sont, eux aussi, des manifestations de ces transformations de la presse écrite. Peut-être est-ce la presse numérique qui représente aujourd’hui les formes de la presse écrite contemporaine, à la fois parce qu’elle suppose une plus grande activité de la part du lecteur et permet une continuité entre les diverses formes de l’information. Mais, dans le même temps, elle traduit une sélection sociale et culturelle plus forte et, représente, peut-être, dans le même temps, une nouvelle forme de l’élitisme de l’information et du débat public, une limitation de l’accès à l’espace politique : une censure qui ne porte plus sur les discours et les informations, mais sur l’économie politique des usages des médias et de la communication. Il y a, ainsi, une véritable urgence à défendre l’existence d’une multiplicité des formes de l’information écrite en défendant la pérennité de la presse papier aux côtés de la presse numérique, mais aussi en engageant les journaux imprimés sur papier à inscrire leur évolution dans les logiques de cette multiplicité des supports de l’information.
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