Samedi 22 juillet, le Tour de France faisait étape à Marseille. La ville s’en est trouvée toute bouleversée, comme si un événement extraordinaire s’y produisait, presque comme si la ville rencontrait l’histoire. Peut-être est-il intéressant de s’arrêter une minute sur cette drôle d’aventure urbaine.

LE TOUR DE FRANCE À MARSEILLE : SIGNIFICATIONS D’UNE ÉTAPE

Billet de blog
le 23 Juil 2017
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« Panem et circenses », disaient les Romains de l’Antiquité : « du pain et des jeux ». Il s’agissait d’une sorte de projet politique, qui consistait, pour les acteurs des pouvoirs de l’époque, à répondre à deux exigences pour satisfaire le peuple de la cité : lui donner du pain, lui permettre d’avoir de quoi se nourrir et lui proposer l’organisation des Jeux qui se déroulaient dans le Cirque, pour lui donner de quoi occuper son oisiveté, de quoi se distraire et lui permettre, ainsi, de penser à autre chose qu’aux soucis de la ville et du politique. On a eu le sentiment, ces jours derniers, autour de l’organisation, à Marseille, de cette étape du Tour de France, d’être revenus à ce temps où la ville méditerranéenne se contentait de pain et de jeux pour oublier les problèmes et les difficultés qui s’imposent à elle.

Le bouleversement du quotidien par l’étape du Tour

C’est cela, un événement, un fait qui survient du dehors et qui bouleverse le quotidien de la vie d’une société, qui en change les règles et les usages, qui vient transgresser ses normes – comme pour mieux rappeler leurs exigences une fois le quotidien revenu après coup. Ce samedi 22 juillet, à Marseille, la circulation était toute bouleversée : on avait eu droit à un feuillet d’explication en couleurs, avec un plan de la ville qui expliquait comment nous devions, comme le disait le document, « prendre nos précautions ». « La circulation et le stationnement », était-il écrit, « seront très fortement impactés », avec ce beau mot, « impactés », qui faisait grave, sérieux, lourd de sens et de contrainte. Des zones étaient interdites au public, l’accès aux plages aux plages était limité. Et puis, ce jour-là, sans doute parce que le facteur ne pouvait pas circuler, il n’y a pas eu de courrier dans les boîtes aux lettres. Bref, Marseille entière semblait livrée à un événement hors du commun.

Que signifient ces bouleversements ?

Être le lieu d’une étape du Tour de France – d’ailleurs, on pourrait se contenter de dire « du Tour », tellement l’événement a fini par s’imposer – est, sans doute, le rêve de toutes les villes de notre pays, une façon de placer leur fierté là où elles peuvent, Paris étant pleinement la capitale parce que c’est toujours là que la course se termine. En accueillant cette étape du Tour de France, Marseille retrouvait un peu de sa gloire et de sa grandeur passées en devenant le lieu vers lequel, le temps d’une journée, convergeaient les regards de tous les médias. Pendant ce moment, la ville pouvait oublier les problèmes politiques et économiques du moment, elle pouvait oublier les élections et leurs significations, les problèmes urbains et leurs implications, les difficultés de la politique de la ville. D’ailleurs, il est intéressant de noter que le tracé de cette étape contournait la ville, sans vraiment la traverser, pour se limiter aux sites qui font sa fierté : la mer et le littoral, Notre-Dame de la Garde et sa domination de l’espace urbain, le Stade Vélodrome, soigneusement implanté à la périphérie, curieusement dénommé « Orange Vélodrome », sur le feuillet qui nous avait été distribué, une façon de le livrer à une entreprise.

Que signifie le Tour de France ?

D’abord, rappelons-nous qu’il est organisé, pour la première fois en 1903, au moment de ce que l’on appellera « la Belle époque », un des moments, justement, de la fierté nationale et de la prospérité, et qu’il l’est par un journal, « L’Auto », un journal sportif, qui deviendra « L’Équipe », à la Libération, comme d’autres journaux qui auront cessé de paraître en raison de leurs liens avec la collaboration et qui paraitront sous d’autres noms avec des équipes renouvelées. Le Tour de France, comme tous les événements sportifs, est donc, dès le commencement, une rencontre entre le sport et les médias. En plus, c’est le moment où la presse devient pleinement industrielle et acquiert l’importance sociale et culturelle que les médias auront, de plus en plus. Et puis l’organisation du Tour de France est une façon d’impliquer le pays tout entier dans ce qui a fini par devenir un événement annuel qui traverse et concerne toutes les régions et toutes les villes. Par le Tour de France, le pays se retrouve et se reconnaît un peu lui-même. De plus, bien sûr, comme tous les événements sportifs, il revêt une dimension économique : les villes qui l’accueillent espèrent en tirer des revenus, comme en extra, comme en plus de leurs revenus ordinaires. Mais cette sorte de couple du sport et des médias vient nous rappeler, une fois de plus, que le sport est, de plus en plus, réduit à un spectacle, surtout depuis que la télévision lui a donné une dimension audiovisuelle. Au fond, ce n’est sans doute même plus leur caractère de pratique des sports qui est désormais la dimension essentielle des événements sportifs, mais leur dimension de spectacle et la concurrence qu’ils organisent, comme un marché. D’ailleurs, dans le domaine du football, le trafic des joueurs (peut-on, d’ailleurs, encore, parler de « joueurs » ?) s’appelle le « mercato », façon de reconnaître ce qu’est devenu le sport contemporain : un nouveau marché ; avec ses vedettes et ses prix, ses images et sa publicité, son libéralisme qui, une fois de plus, vient faire sortir la politique de l’espace public.

Commentaires

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  1. Tarama Tarama

    J’ai entendu parler de “aide” concernant la fréquentation populaire (les spectateurs).

    Vous avez de la chance de ne pas être au courant du “naming” du stade, pour lequel une entreprise a en effet versé quelques millions d’euros pour y accoler son nom à peu de frais.
    Etant donné que les marseillais ont, eux, versé au moins 300 millions d’euros pour celui-ci, il devrait plutôt s’appeler “Vélodrome des Marseillais”.

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  2. Tarama Tarama

    de bide (pas de aide…)

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