Le Prix de la Démocratie…

Billet de blog
le 3 Mar 2020
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Il y’a déjà longtemps que je milite pour l’accès réel et effectif à la Démocratie et au débat démocratique. On peut penser que les réseaux sociaux ont largement compensé le déficit d’expression des classes défavorisées dans le débat public. Mais outre les fractures numériques, culturelles et générationnelles qui sont déjà des entraves sérieuses à cette égalité des voix, c’est peut être la saturation anarchique de l’information et sa non hiérarchisation qui pose le plus de problèmes. Cette nouvelle tendance du « Fast Checking » ne suffit pas non plus à rétablir une véracité absolue des informations, parce que la masse de répétitions des informations noie l’essentiel et établit des contrevérités, des mensonges ou des rumeurs par accumulation et imprégnation consciente ou inconsciente des utilisateurs/consommateurs/citoyens… Mais le propos central n’est pas là. L’expérience de cette municipale me rappelle avec acuité à quel point j’ai raison de militer pour l’égalité des droits. Mais peut être faut-il même que je pousse cette revendication jusqu’à l’égal accès aux droits et à la démocratie ? De célèbres anthropologues nourrissent de leurs réflexions sceptiques, l’idée de l’inégalité comme règle d’or, en connectant la dimension biologique à la dimension sociale. Ils parlent aussi de croyance et d’ordre imaginaire. Je récuse cette approche ! L’égalité est une vérité absolue, concrète et indiscutable. Et elle transcende les velléités de socle de stabilité de la société. Il faut la considérer non pas comme une croyance, mais comme un axiome ou un théorème qui nous permet de réconcilier toutes les  abscisses, les ordonnées, les diagonales et les hypoténuses de notre vie en société. Et nul besoin de recourir à des considérations sur notre cerveau reptilien et sur l‘héritage de notre lointain passé de chasseurs/cueilleurs pour cela. Je disais donc que si la représentativité de la diversité est clairement un enjeu de cette élection (même si certaines listes ne l’ont pas compris), la représentativité sociale est aussi la grande absente de nombre de listes. 1789 est et restera une révolution bourgeoise et c’est le Directoire qui a définitivement entériné cette réalité historique. La surreprésentation des avocats, des médecins et des notables en général aux états généraux puis à la constituante et à la convention parle d’elle-même. La commune échappe à cette « malédiction » et reste, à mon sens, la seule véritable révolution populaire… Et on connait hélas la fin de l’histoire. Beaucoup de listes se sont montées sur le process de l’audition/casting. Cette méthode qui impose des critères codifiés, très stricts, élimine les profils atypiques, minore le poids de l’engagement et contribue à renforcer cette idée de la prévalence des parcours universitaires et des profils CSP+. Dans ce tamis restent coincés les précaires, les ouvriers et plus largement les salariés. Les femmes seules, les chômeurs, les petits commerçants et plus largement toutes celles et ceux qui ne peuvent dégager du temps et de l’argent pour faire campagne. Parce que si la Démocratie a un prix, faire campagne a un coût ! La 5ème République et son code électoral ne permettent pas l’expression libre des « pauvres » ! Dire le contraire est un mensonge. Il faut de l’argent, du temps et des réseaux pour faire campagne. Pour prendre mon cas personnel en exemple et en tant que salarié, je dois recourir à la mobilisation de l’ensemble de mes congés payés, prendre le contingent de congés payés anticipés que m’octroie mon employeur et compléter par du sans solde. C’est un sacrifice et en me le permettant je suis conscient de faire partie de la caste des privilégiés ! Ces contraintes sont de véritables murs dressés devant les aspirations de très nombreux candidatEs potentielLEs ! On voit ce qu’il en coûte aux grévistes. Et en plus des frigos vides, des tensions et des mises en danger de l’équilibre précaire de nombreux foyers, ces salariés sont, lorsqu’ils retournent à leurs postes, stigmatisés, cornerisés, harcelés et parfois menacés de licenciements ! Le parallèle doit être relativisé, mais de la même manière que les revendications des grévistes coûtent cher à celles et ceux qui les portent, la possibilité d’exprimer démocratiquement ses idées et ses convictions reste souvent hors d’atteinte pour nombre de citoyens qui, si notre Démocratie était vraiment représentative, devrait pouvoir s’exprimer sans entraves ! Et je ne parle même pas des travailleurs sociaux ou des responsables associatifs que le chantage aux subventions officieux, mais obscène empêche de se positionner. La 6ème République devra prendre ce problème en charge, en reconfigurant la distribution du financement public. Aussi estimables soient-elles, nos assemblées, nos institutions ne peuvent plus rester l’apanage d’une catégorie sociale ou de catégories socio-professionnelles au détriment des ouvriers, des chômeurs, des précaires, des gens de rien ou des gens de si peu comme disait Léo. Il faudra mettre en place un fond dédié spécifiquement à l’expression Démocratique ! De la même manière il faudra changer la mentalité des organismes prêteurs pour que l’octroi des prêts de financement de campagne ne réponde pas seulement à l’adage séculaire du « on ne prête qu’aux riches ! ». Si notre Démocratie ne trouve pas les solutions à cette réalité il faudra requalifier celle-ci et arrêter de parler de suffrage universel et avouer que nos scrutins sont basés sur l’approche censitaire. Il faudra arrêter de parler de Démocratie représentative pour admettre qu’elle ne l’est que très partiellement. Dans le cadre de la campagne de la liste « UNIR ! » nous avons essayé de faire figurer et participer le spectre social le plus large possible, parce que les paroles ne suffisent pas. Nous avons été congruents et la diversité sociale de notre liste nous permet d’aborder ce sujet sans pudeur et surtout sans honte ! Nous avons intégré toutes celles et ceux qui existent sur le territoire de par leurs engagements respectifs, de par leurs actions respectives et de par la charge représentatives qu’ils/elles portent chacune et chacun ! Pour lutter contre l’abstention, les incantations et les campagnes d’incitation déclamatives ne suffisent pas ! Il faut rendre à toutes et à tous l’accès à la politique et à l’expression démocratique libre et dégagé des contingences financières ou sociales ! Dans notre République tout le monde devrait pouvoir voter et se présenter pour défendre ses idées ! La légitimité des élus dépend de cette assertion, jouer l’indifférence sur ce sujet c’est pratiquer la politique du pire et nous conduire directement vers des réalités démocratiques dystopiques.

 

BENSAADA Mohamed                                                                Marseille, le 3 Mars 2020

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