LE PLAN MARSEILLE EN GRAND®

Billet de blog
le 24 Oct 2024
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LE PLAN MARSEILLE EN GRAND®
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LE PLAN MARSEILLE EN GRAND®

Un plan brodé au point de croix qui n’est ni cohérent, ni cohésif pour un sou…

Par le Collectif des écoles de Marseille

Credits photo Alexey Fedorenko – Adobestock

Puisqu’on ne nous le demande pas, nous souhaitons proposer notre propre analyse du rapport de la Cour des comptes sur le plan “Marseille en Grand”. Nous soulignons les points qui nous sont importants et auxquels nous aurions souhaité que ce plan puisse répondre, et surtout ce que la Cour des Comptes ne dit pas.

1. L’absence de cadre clair pour le plan Marseille en Grand

Tout d’abord, nous déplorons que le plan “Marseille en Grand” repose uniquement sur le discours du Président de la République au Pharo en septembre 2021. Nous nous souvenons que l’attitude de notre maire ce jour-là n’était pas celle des grand-messes, mais plutôt celle de la désillusion. Nous déplorons également que personne ne semble avoir relevé l’origine floue du milliard de travaux inscrit à l’époque par le Printemps Marseillais dans son programme. Ce jour-là, au sein du collectif, nous nous sommes interrogés : d’où sort ce milliard ? Certes, il résonnait comme une réponse aux près d’un milliard des PPP (Partenariats Public-Privé) de Jean-Claude Gaudin, mais personne n’avait véritablement chiffré ces travaux, d’autant plus que l’état de vétusté du patrimoine scolaire n’avait pas encore été finalisé par les deux bureaux de contrôle mandatés par Gaudin.

Ce milliard n’était donc fondé sur rien d’autre qu’une démarche de marketing politique et d’un doigt mouillé à l’eau bénite, et cela a fonctionné. Mais le pire restait à venir : ils ont persisté avec ce milliard. Personne ne les a arrêtés, et ils ont intégré le plan écoles dans ce milliard, en toute urgence. Un milliard sur 10 ans, et voilà le plan Écoles scellé.

2. Le projet de rénovation : un montage complexe

Il n’a pas fallu longtemps pour que les conseillers, experts des marchés de partenariat comme Christophe Pierrel, ainsi que l’État et FIN INFRA (une petite équipe d’experts comptables du ministère de l’Économie qui font du lobbying sur les marchés de partenariat) se lancent dans le projet. À cela s’ajoute un adjoint passionné de foot et de Motchus en charge du Plan Ecoles, un Président jupitérien fan de l’OM, et un Maire qui rêvait d’être Gaudin.

Nous y sommes. Ce groupe a décidé de lancer le plus grand plan de rénovation de patrimoine scolaire en France, sous les yeux de la presse et de la population marseillaise. Quoi qu’il en coûte, il fallait agir.

3. Un contexte favorable aux investissements énergétiques

Le moment était propice : dans le contexte national, l’État, conscient de l’urgence climatique, a mobilisé des sources de financement conséquentes (Fonds Vert, DSIL) pour la rénovation énergétique des bâtiments prêtes à être déployées auprès des collectivités. Le code de la commande publique a également évolué pour permettre la transformation des MGP (Marchés Globaux de performance) en MGP à Paiement Différé (les MGP-PD type PPP que l’AMU commence à expérimenter avec l’aide poussive de FIN INFRA) suite a un projet de loi initié par Aurore Bergé, et le Sénat, enfin, a lancé une mission d’information sur l’état du patrimoine scolaire en France avec des auditions auprès des architectes, des syndicats d’architecte, des ingénieurs, des entreprises générales du bâtiment, des petites entreprises du bâtiments, des maires de France, de France Urbaine, …

Tous se sont accordés pour dire que :

* Le patrimoine scolaire est de loin le patrimoine le plus important en superficie du patrimoine des collectivités (de l’ordre de 48% de la surface bâtie.

* Ce patrimoine a nécessité d’être rénové pour répondre au besoin de performance énergétique et dans l’urgence climatique (faut toujours faire vite)

* Les collectivités n’ont pas les capacités financières immédiates pour faire, et manquent de compétences techniques également

* Et finalement, tout ceci tombe bien parce que l’État propose à la fois du financement et l’arsenal juridique pour que ces marchés de travaux puissent être réalisés en grande pompe par les entreprises générales, via des marchés dont la dette pourra être étalée sur la durée du marché qui pourra comporter plusieurs années d’entretien et de maintenance.

Entre l’arsenal juridique, l’urgence climatique, et les milliards d’euros de travaux qui sont sur la table, nous imaginons aisément que cela a aiguisé les appétits des grandes entreprises.

Tout converge vers une nouvelle vague d’investissements pour le patrimoine scolaire à l’échelon national. Et selon nous, Marseille allait représenter un formidable laboratoire de ce qui peut être fait en rénovation de parc immobilier à grande échelle. Nous en sommes persuadés, que le sujet de Marseille n’est qu’un énième prétexte pour le président pour asseoir une politique libérale et de financiarisation des travaux de rénovation du patrimoine public, avec au passage un affaiblissement des collectivités.

4. Le marché de partenariat : l’incroyable retour des pratiques que nous avions combattues

Ce milliard de travaux pour les écoles marseillaises va donc se transformer en une véritable opportunité pour la stratégie de Macron, un démonstrateur de ce que les collectivités pourront faire pour franchir le cap de la rénovation énergétique. Rapidement, une SPLAIN (Société Publique Locale d’Aménagement d’Intérêt National) voit le jour : la SPEM (Société Publique des Écoles Marseillaises), avec une gouvernance partagée 50/50 entre l’État et Marseille. Son objectif est clair : rénover et reconstruire 188 écoles. Dix personnes constituent le conseil d’administration : 5 élus de la ville, 5 représentants de l’État.

Et là, Ô surprise, un marché de partenariat est alors signé entre la Ville et la SPEM !

(Là encore il a fallu une modification du code l’urbanisme pour faire entrer de nouvelles compétences pour une SPLAIN, pour répondre au besoin marseillais de construire et rénover.)

Lorsque nous avons vu ce marché de partenariat, cela nous a rappelé nos luttes passées contre Gaudin pour les mêmes pratiques. étonnement, ceux qui avaient combattu par le passé les PPP, ont plongé dans les mêmes travers, manipulant des évaluation du mode de réalisation et de soutenabilité budgétaire afin de mettre en place ce marché de partenariat.

Nous n’en sommes toujours pas revenus.

Pour ces raisons, nous avons déposé un recours contre ce marché de partenariat, qui n’a rien à faire là, si ce n’est imposer un rythme effréné à la ville et à la SPEM et favoriser une forme de privatisation de la gestion des écoles à travers l’entretien et la maintenance sur plusieurs années confiées via la SPEM à des sociétés privées.

5. Le cœur de notre critique : l’entretien du patrimoine scolaire et les moyens alloués au fonctionnement des écoles et bien au-delà

Notre avis sur le rapport de la Cour des comptes est clair : Le Plan Marseille en Grand ne résoudra pas le problème fondamental que parents et personnels dénonçaient depuis des dizaines d’années et qui perça médiatiquement par l’intermédiaire de Charlotte Magri en 2015 , à savoir le manque manifeste d’entretien du patrimoine scolaire. De plus, il n’évoque même pas ce que notre grande enquêtegrande enquête remettait en lumière, le manque criant de personnel municipal dans les écoles, ATSEM en maternelle mais également les agents intervenant en élémentaire.

Avoir des écoles neuves est une chose, mais les entretenir et fournir les moyens nécessaires pour les usagers est encore plus essentiel. Comment pouvons-nous imaginer que l’école publique sortira grandie de ce plan si l’on ne s’attaque qu’au sujet bâtimentaire ?

Certains affirment que les écoles innovantes par exemple voulues par Macron apportent un plus, mais nous demandons toujours à voir une réelle mesure de leur impact sur le climat scolaire. Nous avons exigé plus de transparence auprès du DASEN (Directeur de l’Éducation nationale a l’échelle départementale) sur ces dispositifs. Rien.

Prenons l’exemple de l’école de Ruffi, censée incarner un projet innovant autour du “bien-être” (le “well being”, un projet mixant pratique de l’anglais et bien-être à l’école, étonnement ce même projet abscon s’est retrouvé dans plusieurs écoles innovantes comme un copier coller), alors même qu’elle est surchargée au point d’utiliser les espaces communs comme salles de classe. De plus, comment imaginer que cette école et d’autres aillent mieux lorsque ses meilleurs élèves sont redirigés vers la Cité Scolaire Internationale ?

Bref…

6. Les enjeux sociaux et éducatifs négligés

Les problématiques sont nombreuses :

Par exemple, comment l’État et le département peuvent-ils laisser faire la construction d’un collège privé en plein quartier prioritaire sur Euromed alors que le besoin d’un collège public est utile, le plan Marseille en grand n’aurait-il pas dû l’interdire ?!

Comment peut-on toujours avoir des classes surchargées jusqu’à trente élèves ? Là encore, quel est le plan ?

Un temps de pause méridienne géré majoritairement en temps de surveillance, des animateurs précaires, des centres sociaux sous-financés qui désormais doivent répondre à des appels à projets pour trouver du financement (même auprès de la ville), des bâtiments mal entretenus, des abords d’écoles dangereux, et une absence de soutien scolaire personnalisé pour les enfants et familles qui en ont le plus besoin.

Comment peut-on parler aussi d’une école inclusive alors que les établissements ne sont pas accessibles, et que les AESH manquent cruellement de moyens et de formation ?

Nous aurions espéré que le plan “Marseille en Grand” nous aide à répondre à toutes ces questions.

7. Nos propositions

Nos propositions qui reprennent notre programme que nous avions rédigé en 2020 sont toujours d’actualité :

* Développer une réelle compétence municipale pour la gestion du patrimoine scolaire en redonnant à la ville de Marseille sa capacité de maîtrise d’ouvrage pleine et entière, voir même de maîtrise d’œuvre.

* Faciliter l’accès à la commande publique pour les PME et TPE locales en favorisant la formation aux métiers du bâtiment sur la ville, et en nouant des partenariats avec les grandes écoles d’ingénieur du BTP. Là encore il nous paraît incongru que la seule réponse du plan Marseille en Grand apporte pour l’emploi est de proposer des formations et des aides à l’auto entreprenariat !!? Alors même que plusieurs milliards de marchés de travaux de bâtiments sont mis sur la table pour les écoles et la rénovation de l’habitat. Aussi incroyable que cela paraît, personne n’a pensé à faire le lien entre les deux…

* Proposer des installations culturelles et sportives en lien avec les projets d’école, prévoir la mise à disposition de locaux pour les services publics absents de quartiers (déserts médicaux). Là encore, suite à la construction des bâtiments scolaires, construisons des bâtiments publics qui manquent en plus des écoles.

* Inclure la construction de petits centres de production de repas dans la construction des écoles.

* Mettre en place des études dirigées et un réel soutien scolaire personnalisé pour les élèves ou les familles en difficulté dans les apprentissages, et ce sur toute la ville. Les familles ont besoin de ces soutiens scolaires, elle est là la force d’une mairie de gauche, être au service de tous ses habitants.

* Améliorer les conditions de travail des ATSEM et des animateurs en formant les animateurs, et en les mutualisant sur plusieurs publics (seniors, école, centres aérés,…) là encore le plan aurait dû permettre cela.

* Recruter et améliorer les conditions de travail des ATSEM et agents en élémentaire, ainsi que des animateurs

* Redonner plus de moyens aux centres sociaux, et aux centres aérés, c’est la misère, ils n’ont plus de moyens et depuis peu ils doivent même avec la ville répondre à des appels à projet pour bénéficier d’aides…

* Améliorer la transparence et la communication avec les usagers à travers un site dédié aux travaux.

* Créer des postes d’agent de maintenance mutualisés pour plusieurs écoles afin de mieux gérer l’entretien, nous avions dit 1 agent municipal pour 6 écoles.

* Instaurer un contrôle de la qualité de l’air dans les écoles et adapter les locaux pour faciliter l’accueil des élèves en situation de handicap.

* Établir un collège des maîtrises d’usage en lien avec le Plan Écoles à l’instar du CoMU pour le Plan Partenarial d’Aménagement (PPA) de la ville de Marseille. Il n’est pas tenable que la SPEM se tienne dans sa tour d’ivoire, et que le plan Écoles de la ville se fasse sans concertation globale. Nous ne parlons pas des concertations faites pour chaque école construite ou rénovée.

8. En conclusion, même si nous n’avons pas fini d’en parler

Nous appelons à une réelle prise en compte de ces enjeux pour que l’école publique puisse enfin bénéficier des moyens qu’elle mérite, nous appelons à ce que la ville rectifie rapidement la trajectoire et que le plan Marseille en grand prenne à bras le corps ces objectifs.

L’avenir de l’école publique marseillaise ne se jouera pas avec des rubans et des ciseaux d’inauguration, mais bien dans la capacité à comprendre et répondre aux attentes réelles des familles, des enfants, de la ville et de ses habitants.

Le Collectif des écoles de Marseille

Le CeM (prononcez le seum parce qu’on y tient).

 

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