Le maître de sa voie
« C’est le retour des amours qui nous chauffent les oreilles, il fait si chaud qu’il nous pousse des envies », comme le chantait le célèbre groupe français tout en couleur. Selon celles dont Agatha Christie dirait qu’elles étaient presque dix, « voilà (bientôt) l’été, j’aperçois le soleil » et avec lui, la reprise des festivals. Espérons que Marseille se parera de son ciel le plus azur pour accueillir la première édition de The Echo, tout nouveau mais bien né.
Nils Frahm © Markus Werner
Les beaux jours de 2024 seront marqués par la sudation : de l’Euro de football au Tour de France, en passant par Roland Garros et les Jeux Olympiques (sans oublier La Marseillaise à pétanque,
où la sueur a une délicieuse odeur d’anis), cette année les sportifs vont mouiller le maillot. Ils ne seront pas les seuls car, entre deux bières tièdes, les fêtards s’apprêtent également à tremper la chemisette d’une scène à l’autre. Il fut un temps où les plus mélomanes avaient leurs habitudes : début juin, c’était This Is Not A Love Song à Nîmes, puis en juillet ils pouvaient se rendre sur l’île du Gaou pour Le Pointu. Deux rendez-vous qui n’ont malheureusement pas survécu. Pour rassurer les non adeptes de la rubrique nécro, sachez que le Yeah! va bien et se délocalisera à Sète fin août, ce qui n’est pas plus mal pour éviter l’embouteillage des premières semaines estivales.
On sait que la nature a horreur du vide et, deux semaines après Le Bon Air, la cité phocéenne accueillera donc le tout nouvel événement faisant l’objet de cette admirable prose. The Echo, qu’est-ce donc ? Pas d’histoire de Bunnymen ici (les vieux fans de formations anglaises apprécieront la référence), mais une initiative de La Responsabilité des Rêves, alliée à des tourneurs et au Cepac Silo, une association qui, pour rappel, regroupe l’Espace Julien, la Mesón, le Makeda et le Théâtre de l’Œuvre. Comme ce fut le cas pour Avec le Temps en mars dernier, c’est dans les cinq salles susmentionnées que se tiendront les ébats sonores. Ainsi qu’à l’Intermédiaire pour un before le 30 mai. La vingtaine d’invités est un florilège de nationalités, le festival ayant parcouru le globe pour trouver des artistes de grande qualité dans une multitude de styles. Dans les concerts à la billetterie parallèle, le talentueux et prolifique berlinois Nils Frahm démontrera sa maîtrise des machines et des claviers sur scène — il s’agit d’un redoutable pianiste, en atteste son récent album minimaliste Day — quand le groupe Parade, signé chez les locaux Lollipop Records, assurera sans doute un showcase d’une aussi haute teneur que son LP It All Went Bad Somehow, aux guitares acérées et au chant possédé.
Pour le reste, place à l’exercice ingrat consistant à faire entrer chacun dans une case bien trop étroite. Pardonnez les raccourcis. Commençons par Mary Lattimore, harpiste aux mélodies incitant autant à l’introspection qu’au mouvement. Au niveau rock, Model/Actriz a un son new- yorkais saturé et exalté qui n’est pas sans évoquer !!! (Chk Chk Chk), Tropwical Fuck Storm est délicieusement noisy, HTRK propose de l’ambient cérébrale et posée, Exek lorgne sur le krautrock, Baby’s Berserk transpire l’amour des clubs, de l’électro punk au nu-disco, Dame Area joue une synthwave imparable, quand Slow Pulp (rien à voir avec Jarvis) lorgne vers le shoegaze. Sur le versant pop, les frangins de Faux Real déverseront leurs hymnes visuellement et musicalement extravagants, Astrel K interprétera ses morceaux savamment orchestrés et arrangés, Jessica Winter (aucun lien avec Mickaël) étalera sa pop très travaillée aux penchants EDM, MJ Nebreda exposera sa pop latine moderne survitaminée, Loïs Lazur jouera sa musique protéiforme entre pop synthétique planante et cold wave, quand Flavien Berger sera l’une des têtes d’affiche grâce à ses chansons délicieusement bricolées. Les DJ ne seront pas en reste, avec là encore une sélection fine : Trae Joly du collectif local Moon Squad aux cuts incisifs, King Kami aux mixes galvanisants prisés partout dans le monde. Les deux bombes platines Doucesœur et DJ Pompompom cohabiteront lors d’un set qu’on espère explosif, leurs travaux respectifs étant un régal pour les oreilles, quand KSU (du collectif Pata Negra) devrait augmenter les BPM et nos battements cardiaques de quelques dizaines d’unités.
Une programmation exigeante qui donne envie de traîner jusqu’au bout de la nuit.
Sébastien Valencia
The Echo, du 30/05 au 2/06 à Marseille. Renseignements : https://theecho-festival.com/
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