Le jacobinisme positif
Dans la dernière émission d’Albert sur Grenouille consacrée à la métropole, j’ai employé le gros mot de “jacobinisme utile”. Et pire, je l’ai employé en sous-entendant que ça pouvait être intéressant pour nous, voire même positif ! Après la laïcité positive, une autre énormité ? Pas forcément, je voulais en dire un peu plus sur le sujet en plein émoi sur l’officialisation de la métropole Aix-Marseille-Provence et du “Nouveau Grand Paris”.
Je n’ai pour habitude d’encenser le centralisme, le jacobinisme ou peu importe la manière de nommer cette tradition républicaine à l’infantilisation des territoires placés sous la responsabilité d’un Etat surpuissant qui récompense, gronde, décide et guide. Tout ça a fonctionné pendant grosso-modo deux siècles, le contrat était clair, nous avons échangé notre identité contre une promesse de développement et de progrès. En se fondant dans un moule commun, oubliant traditions, langues et différences, nous nous sommes librement soumis à un Etat et sa capitale, devenus seuls responsables de notre développement à tous.
Puis on décide (de tout en haut) qu’il faut décentraliser, changer de modèle, et on demande soudain aux régions et grandes villes placées sous tutelle depuis des décennies de se prendre en main. Mais problème : on ne s’improvise pas girondin, alors cette décentralisation reste très jacobine, Paris reste le centre, aucune métropole n’obtient les moyens de son développement, aucune structure du pouvoir n’est déplacée (les grandes administrations, les grands musées, les grands médias… le pouvoir effectif et symbolique n’a que très rarement franchi le périph’). Sans mentionner qu’aucun effort n’a été fait pour entretenir et renforcer les identités régionales qui pourraient contribuer à construire des régions fortes.
Et on se rend compte qu’à force d’être traitées comme des irresponsables, certaines collectivités le sont effectivement devenues. Notre territoire en donne un exemple saisissant, incapables de s’entendre pour le bien commun, s’en remettant systématiquement à Paris, enfermées dans des schémas égoïstes… Tout ce pourquoi nous avions jadis décidé de signer ce contrat républicain.
Nous avons effectivement rempli notre part du contrat en abandonnant notre identité, jusqu’à fêter avec zèle le 14 juillet et barder nos monuments de drapeaux tricolores à ne plus savoir où mettre le nôtre. Nous avons consciencieusement oublié notre langue, nous avons bien intériorisé la domination politique, culturelle, économique jusqu’à gommer notre accent pour s’intégrer, transférer nos centres de décision ou faire nos études à Paris pour être plus sérieux… Bref, nous avons tout fait pour être reconnus et intégrés.
Et lorsque nous aurions besoin que l’Etat joue son rôle, s’impose face à des collectivités irresponsables… le voilà qui s’invente des valeurs décentralisatrices, de dialogue, de respect des décisions et élus locaux ! Cet état qui nous avait promis de nous défendre contre le court-termisme et les intérêts particuliers des barons locaux nous fait défaut. Par contre, même ruiné, il trouve encore quelques milliards pour sa capitale.
Alors on se sent un peu trahis, et on se demande à quoi ça sert de faire partie de ce truc ? Si l’Etat n’est pas capable d’honorer sa partie du contrat (faire respecter l’intérêt général), pourquoi s’embarrasser de toutes les contraintes qui vont avec son surpoids ?
Et bien le jacobinisme utile, c’est la face pile du centralisme. Oui à l’infantilisation, à la Province, au mépris, à l’uniformisation… à condition qu’on s’occupe de nous ! Marseille s’est souvent prostituée en 2600 ans pour avoir la paix et la prospérité, mais il faut aussi savoir changer de mac quand il n’a manifestement plus les moyens ou l’envie ! Ou alors on se débrouille seuls, avec tous les problèmes de corruption que l’on a aujourd’hui, mais un peu plus de dignité.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Commentaires
0 commentaire(s)
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.