LE COMMERCE ET LA VILLE

Billet de blog
le 6 Jan 2024
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À Marseille, le commerce fait partie de l’histoire - même, il la fonde. Mais il est aussi toujours présent dans les lieux de la ville, dans ses activités, dans sa vie sociale.

Le commerce dans l’histoire de Marseille

N’oublions jamais que c’est le commerce qui a fondé la ville. Ce sont des marins venus de Phocée qui ont fondé Massalia, au bord de la mer, et qui ont fait de la ville un espace consacré au commerce. À la fois parce que le port était un point de départ et d’arrivée de bateaux destinés au transport de marchandises destinées à être échangées et parce que celles et ceux qui habitaient la ville travaillaient dans les métiers liés au commerce, le négoce fait partie des activités présentes depuis toujours à Marseille. Plus tard, le port s’est développé, de siècle en siècle, accueillant des bateaux de plus en plus grands et venant de plus en plus loin et partant pour des destinations de plus en plus lointaines. C’est ainsi que le port ancien a fini par être de plus en plus étroit et que, devenu le Vieux Port, il a laissé le rôle de port de commerce à la Joliette au milieu du XIXème siècle, pour s’étendre de plus en plus et devenir, aujourd’hui, l’un des premiers ports de France. Mais le commerce est aussi présent dans la ville, sous la forme de ses petites boutiques de marchands, puis sous la forme de ses grands magasins, dans les années 1860, pour, aujourd’hui, prendre la forme des centres commerciaux. Trop grands pour pouvoir habiter la ville et pour être autre chose que des accumulations d’objets et de clients, ceux-ci se trouvent, ainsi, rejetés dans les périphéries auxquelles ils donnent des semblants d’urbanité, comme aux Terrasses du Port, à la périphérie de la ville, à la Joliette, et, encore plus loin du centre, dans des espaces commerciaux comme Grand Littoral, le centre commercial de Bonneveine ou celui de la Valentine. On peut se rendre compte, ainsi, que le commerce a toujours accompagné l’histoire de la ville. D’ailleurs, sur le bâtiment de la Bourse, à l’orée de la Canebière, au Vieux Port, on peut lire cette inscription « Bourse et chambre de Commerce », qui affiche fièrement l’identité urbaine de Marseille et de la métropole.

 

Le commerce et la vie sociale

Si le commerce a une telle importance à Marseille, c’est que c’est lui qui fonde véritablement la sociabilité, faite d’échanges, de négoce, de ventes et d’achats, de commerçants et de clientèles. Habiter Marseille, c’est toujours, un peu, avoir une activité commerciale, de client ou de commerçant. Le commerce n’est pas qu’une activité économique et professionnelle, mais il est toujours ce qui donne une signification à la citoyenneté urbaine. C’est ainsi, par exemple, que, si le commerce a toujours été, dans toutes les villes, l’espace de la rencontre de l’autre, à Marseille, ils est un peu plus que cela : il est un peu la preuve d’une existence sociale. La fermeture des commerces manifeste une véritable mort de la ville comme dans les anciens lieux de la rue de la République, tandis que le remplacement d’enseignes importantes par des petites boutiques sans réelle activité est le signe d’une déchéance des quartiers qui ont l’air abandonnés, comme c’est, par exemple, le cas du cours Belsunce où des magasins de vêtements pas chers et des produits de deuxième classe ont succédé aux anciennes activités commerciales des siècles passés. Le cours Belsunce qui était, avant, un espace de promenade apprécié, est, ainsi, devenu une artère mal entretenue et remplie de trottoirs sales et de vitrines en désordre.

 

Le commerce et l’aménagement de la ville

Le plan de Marseille est celui d’une ville de commerce. On peut voir sur les documents que les plans de la ville qui ont donné à Marseille ses aménagements au fil du temps se succèdent au fur et à mesure des évolutions et des transformations des activités commerciales. Aux petites rues du Vieux Port ont succédé, au XVIIIème et au XIXème siècles des « allées » comme les allées Gambetta ou le haut de la Canebière, et cette évolution était liée à la transformation des magasins et des activités commerciales. Plus tard, les premières grandes surfaces ont peuplé les quartiers de la ville, comme le Printemps, et, plus récemment, le Centre Bourse. C’est ainsi que les plans d’aménagement de la ville, les axes de la circulation et les réseaux de transports en commun ont suivi l’évolution du commerce et ont formé une sorte de politique de la ville à deux faces, l’une représentant le commerce et l’autre l’espace et les lieux de la communication et de l’échange. On pourrait ainsi penser, à Marseille, une écologie commerciale urbaine de nature à faire du commerce une activité sociale ne dénaturant pas l’espace de la ville comme il l’a fait trop longtemps, mais, au contraire, lui donnant une nouvelle vitalité, associée, en particulier, aux nouveaux usages de la consommation.

 

Et demain ?

C’est ainsi qu’il importe de garder toujours à l’esprit l’importance du commerce pour imaginer la ville et le fait urbain de demain et pour tenter de prévoir ce que sera le développement du commerce marseillais. Trois évolutions peuvent, ainsi, apparaître. La première est la poursuite de l’évolution du commerce marseillais au cours de la mondialisation. Il ne s’agit plus seulement du commerce maritime, mais ce dernier a inscrit, sans doute pour toujours, la mondialité dans les caractéristiques de l’activité commerciale marseillaise. C’est ainsi, en particulier, que le commerce marseillais peut être le lieu de rencontre entre différentes cultures, différents types d’usages sociaux, différentes formes esthétiques et symboliques issues de tous les pays. Une deuxième évolution est en train de naître, sous l’effet de l’appauvrissement de la ville et de l’évolution du fait commercial : il s’agit de l’apparition et du développement de ce que l’on appelle le commerce solidaire. Le commerce n’est plus seulement le fait de grandes entreprises, mais il devient de plus en plus le fait d’associations de solidarité, d’organisations de soutien aux personnes en situation de précarité ou aux migrants. Cette évolution peut traduire une transformation de fond de l’activité commerciale y compris dans le long terme. Enfin, une autre mutation du commerce se fonde sur l’importance retrouvée de la relation. On se trouve ainsi devant deux logiques commerciales. La première est la fonctionnalité, et, avec le développement du numérique, elle est de plus en plus présente : il s’agit d’un commerce qui n’est destiné qu’à vendre et acheter, à consommer. L’autre est ce que je propose d’appeler le commerce de relation. Il s’agit d’activités commerciales comportant à la fois la vente et l’achat, comme toujours, mais aussi la formation des usagers, l’aide à la découverte de meilleurs usages. Il s’agit aussi du développement d’entreprises commerciales portant sur des formes de communication, notamment dans le domaine du numérique. Dans tous ces domaines, Marseille peut profiter de l’expérience du négoce qu’elle a depuis toujours pour occuper une place importante dans le commerce de la mondialisation. C’est le rôle de la ville, de la métropole et de la Chambre de commerce d’encourager une politique commerciale de cette nature, articulée à une réelle activité de formation, d’enseignement et de recherche dans le domaine du commerce et de ses transformations. Mais le plus important, dans cette évolution, est qu’elle ne livre pas le commerce dans sa totalité au profit et à la concentration, mais qu’il s’agisse bien, dans le futur, d’une médiation : d’un système de relations et de pratiques sociales dans lesquelles nous nous retrouvions et auxquelles nous puissions donner du sens.

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