LA VILLE-PORT : UNE IDENTITÉ INCONSCIENTE
Il n’y a rien à faire : Marseille est au bord de la mer. Née de la mer, la ville a donc toujours vécu de la mer. Cela permet de comprendre des éléments majeurs de sa vie politique et et de son identité sociale.
La naissance mythique et réelle de l a ville et le temps long de l’histoire
Ne nous trompons pas : le mythe de la naissance de Marseille fondée par le navigateur Protis venu de Phocée en Asie mineure et épousant Gyptis, la fille du souverain régnant alors sur la ville a une signification autant mythique qu’historique – voire davantage. Comme tous les mythes, cette histoire dit quelque chose de l’identité et de l’histoire de la société, de la ville ou du pays qu’elle met en scène. Ce qui est sûr, ainsi, c’est l’importance de la mer et de la navigation dans le temps long de la ville. Si Marseille s’est toujours reconnue dans la légende de la rencontre d’un marin venu d’ailleurs et d’une jeune fille du pays, c’est bien que l’identité de la ville repose sur cette rencontre de la culture de la mer et de la politique de la ville. L’important n’est pas tant que Marseille soit née de la mer, comme tous les ports, mais qu’elle soit née d’une rencontre avec l’étranger. Dans l’identité inconsciente de la ville, l’étranger occupe une très grande place. C’est dans la relation avec l’autre que se reconnaît Marseille.
Le rôle du transport dans la ville
Dans toutes les villes, le transport est un élément essentiel de la vie urbaine. On pourrait même dire que c’est l’importance du transport et sa nécessité qui fondent la dimension urbaine d’un espace de vie. Les villes naissent toujours de carrefours de routes ou de carrefours entre routes et mers. Mais, à Marseille, c’est toute une politique du transport qui fonde l’économie de la ville. Dans cet espace particulier, les modes de transport sont multiples : transports en commun, navigation, transport aérien montrent, ensemble, la multiplicité et la diversité des modes de déplacement dans la ville et des façons qu’elle a de se relier à d’autres villes ou à d’autres pays. En même temps que cette diversité des modes de transports qui se rencontrent dans l’espace de la ville, la figure de la « ville-port » donne une importance particulière au transport dans son histoire. Mais, en raison de l’activité maritime de la ville, cette importance du transport est liée la place du port dans l’histoire de la ville. On peut se rendre compte, ainsi, si on lit la succession des plans de la ville dans l’histoire, que le port est le point de départ et que les plans successifs de Marseille se sont construits à partir de l’activité liée à la mer et autour d’elle.
La trame des réseaux
Mais il n’y a pas que les transports et les déplacements. Cette naissance de la culture urbaine fondée sur le transport permet de comprendre l’importance de ce que l’on peut appeler une urbanité de réseaux. À côté du réseau des rues et des réseaux de transports en commun, la ville repose sur une trame de réseaux multiples, qu’il s’agisse des réseaux de circulation et d’approvisionnement de la ville en eau, des réseaux de distribution de l’énergie ou des réseaux d’information et de communication. Marseille s’est construite par une diversité et une complexité des réseaux qui s’articulent les uns aux autres et contribuent à structurer l’identité politique de la ville. Cette trame de réseaux divers permet de comprendre, au-delà, les logiques d’interconnexion qui fondent la vie politique marseillaise. Ces logiques articulent les fonctions politiques, les mandats et les personnalités en les reliant les uns aux autres dans des réseaux de solidarité et d’interdépendance qui donnent aux partis politiques et aux pouvoirs une logique de réseaux propres à Marseille.
La diversité des cultures
Une approche anthropologique de l’urbanité explique comment à cette multiplicité de réseaux s’ajoute une autre diversité : celle des cultures, des langues, des modes de vie – d’autant plus importante que le port est à l’origine d’une vie sociale fondée sur la pluralité des cultures et de la multiplicité des histoires. Dans la ville, un grand nombre de langues se parlent, une multiplicité de cultures voisinent et se parlent dans l’espace urbain, cette polyphonie urbaine fait de Marseille un creuset de diversité qui permet de comprendre que l’histoire de la ville est faite d’événements et d’évolutions fondés sur une logique de pluralité. Cette diversité de cultures donne aussi à la ville une place particulière dans l’histoire, Marseille se trouvant, ainsi, depuis toujours, à la frontière du pays et de pays voisins.
Marseille et la Méditerranée
Cette diversité des cultures qui se rencontrent et se mêlent à Marseille se fonde sur la pluralité méditerranéenne des cultures qui s’articulent, en revanche, à une véritable culture méditerranéenne dont Marseille est le témoignage. Le projet du MuCEM exprime, d’ailleurs, cette identité méditerranéenne dans le domaine de la culture et entend en constituer une illustration et un témoignage. C’est que la diversité des cultures marseillaises se situe dans l’espace méditerranéen. Cette identité particulière permet de comprendre les spécificités du port de Marseille et la place importante des cultures issues de pays méditerranéens, d’Afrique du Nord et du Proche-Orient dans la culture politique de la ville.
Une identité inconsciente
L’importance de la mer et, donc, du port et de la Méditerranée, dans l’identité de Marseille tient à ce que ces éléments divers ne se limitent pas à des faits réels attestés et racontés par l’histoire, mais qu’ils fondent une mythologie de la ville. C’est ce que signifie la dimension inconsciente de cette identité. Si celles et ceux qui habitent Marseille se reconnaissent dans cette diversité culturelle méditerranéenne, c’est qu’elle caractérise le temps long de la ville, ce temps long dont nous ne sommes pas toujours conscients mais qui permet de comprendre ces évolutions de l’histoire de la ville et un certain nombre de ses caractéristiques contemporaines. Cette identité fondée sur la diversité des cultures méditerranéennes donne une signification particulière à la multiplicité des quartiers, qui sont tous comme de petites îles dans la mer qu’est Marseille. Cette pluralité de quartiers et de modes de vie divers fonde la géographie urbaine de Marseille sur le voisinage d’un certain nombre d’îles qui forment la trame des réseaux de la ville en donnant à la ville la forme d’un véritable puzzle.
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