JOYEUX NOËL ?

Billet de blog
le 24 Déc 2022
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Les noces de la Ville de Marseille et de la Métropole

Noël, c’est la fête, chez les chrétiens. Puis, peu à peu, au fur et à mesure que se multipliaient les migrances de toutes sortes, mais aussi, disons-le, l’hégémonie des cultures issues du christianisme, c’est devenu le jour de la fête. Sur deux domaines importants, la municipalité de Marseille et la Métropole de Marseille ont conclu un accord[1]. Quelles sont les significations d’un tel accord, et quelles en sont les implications ?

 

 

Les relations entre les deux pouvoirs

Plutôt que de parler de collectivités territoriales, mieux vaut parler de pouvoirs. En effet, la confrontation entre Marseille-métropole et Marseille, à laquelle nous sommes habitués, n’oppose pas véritablement deux entités politiques, deux institutions, mais bien deux pouvoirs, autour de leur domaine essentiel : la politique urbaine de Marseille. Qu’il s’agisse de l’opposition entre deux acteurs d’orientation politique différente, comme c’est le cas aujourd’hui, ou d’autres types de confrontations, entre une métropole et une ville aussi importante, il ne peut y avoir que des conflits. En effet, le pouvoir municipal, à Marseille, est aussi important que le pouvoir d’autres métropoles. N’oublions tout de même pas qu’à Marseille, c’est la ville qui fonde l’identité de la métropole, et non l’inverse. Il y a ainsi, entre eux, des rivalités et des jalousies de pouvoirs, des relations de méfiance et de soupçon qui ne peuvent permettre que la vie institutionnelle se déroule dans de bonnes conditions. Enfin, si ces deux acteurs politiques existent, c’est justement en raison des pouvoirs qui leur sont reconnus et dont ils disposent, et, par conséquent, ils ne sont pas prêts à an abandonner la moindre part dans un consensus qui ne pourrait être qu’illusoire.

 

L’impasse d’une métropolisation dessinée à Paris, hors de ses partenaires

L’institution métropolitaine est, en réalité, un pur fruit de la centralisation. Nous le disons ici depuis longtemps, et cela a été dit depuis toujours : la détermination des limites de la métropole et la définition de ses pouvoirs ont été fixés par des décideurs nationaux, comme en apesanteur par rapport aux acteurs dont ils définissaient l’identité. Cette métropolisation s’est organisée hors de toute expérience réelle de la réalité de la vie locale. Surtout, pour qu’une métropole ait un sens, il importe qu’elle demeure véritablement urbaine. Or, la confusion entre le domaine de la métropole et celui de la plus grande partie du département conduit à dessiner une métropole hors de toute signification dans le domaine de la ville et de la politique urbaine. Il ne s’agit pas d’une métropole urbaine, Marseille-métropole n’a pas de compétences proprement urbaines, et, dans ces conditions, il s’agit d’un animal politique d’un genre un peu particulier, difficile à définir et à penser. À bien réfléchir, une identité politique, les limites d’un pouvoir, ne peuvent être définis que par les citoyennes et les citoyens sur qui ils s’exercent.

 

La voirie et la propreté : deux domaines jugés prioritaires

Observons les deux domaines choisis pour ce premier accord, car, s’ils sont les premiers, c’est qu’il s’agit de domaines dont la responsabilité présente un caractère d’urgence. B. Payan a bien défini ces deux domaines comme ceux des « compétences du quotidien ». Pour aller un peu plus loin, il s’agit des domaines dans lesquels la politique se joue au quotidien, dans lesquels les habitantes et les habitants sont confrontés tous les jours, dans le plus ordinaire de leur vie sociale, aux institutions et aux pouvoirs, aux acteurs et aux choix politiques. La voirie et la propreté sont, avec les transports, les domaines dans lesquels les décisions et les institutions donnent une signification politique à l’environnement dans sa dimension la plus quotidienne, mais qui n’est pas pour autant la plus simple, car, justement parce qu’il s’agit de la vie quotidienne, cette signification est la plus proche des usages.

 

La solidarité

La dotation de solidarité communautaire dont bénéficie Marseille fait aussi partie de la convention entre la municipalité et la métropole. Alors que cette dotation, consentie par la métropole aux communes qui en sont membres, était, pour Marseille, de 50 000 euros en 2021 et en 2022, elle va passer à 15 millions d’euros. D’abord, il s’agit d’une augmentation considérable, qui permet, en passant, de se demander pourquoi, si la métropole disposait de telles ressources, Marseille n’en avait pas bénéficié auparavant. Par ailleurs, on peut remarquer qu’il s’agit d’une reconnaissance, tardive mais réelle, de la place du chef-lieu dans l’espace social et politique de Marseille-métropole. C’est dans la solidarité que s’exprime cette reconnaissance, car c’est la solidarité qui fonde le lien social entre les acteurs d’une institution. C’est d’autant plus vrai ici que Marseille est, certes, une grande ville et le chef-lieu de la métropole, son centre, à la fois économique et politique, mais est aussi une ville pauvre, une des villes les plus pauvres de France, une ville dans laquelle les inégalités sont flagrantes. La solidarité métropolitaine va, enfin pouvoir prendre une dimension réelle, donnant, ainsi, une consistance sociale à son identité.

 

Un « bouleversement » ?

Le maire de Marseille a parlé d’un « bouleversement ». S’agit-il vraiment de cela ? Pour parler véritablement de bouleversement, il aurait fallu un véritable rééquilibrage des pouvoirs, et, peut-être, une recomposition de la métropole. Surtout, un bouleversement politique ne peut se produire dans les relations entre Marseille et la métropole qu’à condition que, justement, soit rétablie une forme d’égalité. Ce n’est pas par hasard que B. Payan a évoqué un terme cher à l’idéologie macroniste et au libéralisme : le « ruissellement ». Mais cela ne signifie qu’une chose : la richesse tombe, en arrosant les riches, comme de l’eau, mais l’égalité et la solidarité ne bénéficient que de ce qui ruisselle : des gouttes. Non seulement le ruissellement n’est pas une manière de parvenir à l’égalité, mais il est une façon d’entretenir l’inégalité. Au lieu d’un partage équitable, le ruissellement n’est rien d’autre qu’une sorte d’aumône. Pour parvenir à un véritable rééquilibrage économique et politique, la métropole doit dépasser le ruissellement et mettre en œuvre une politique authentique d’égalité et de solidarité. Sinon, la métropole ne servira qu’à pérenniser les inégalités, elle ne servira donc à rien.

 

[1] Dépêche de l’Agence France-Presse, citée par Marsactu le 14 décembre 2022.

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