JO 2024 : pour gagner plus, il faut gérer mieux
Les calculs stratégiques se retournent parfois contre ceux qui les ont mis en œuvre. Certains grincheux commencent à râler contre l’accumulation de finales perdues à domicile.
Clarisse Agbegnenou était la plus forte du plateau, du moins le pense-t-elle. Elle a pourtant été battue en demi-finale. Elle pense avoir perdu uniquement en raison de son erreur dans le combat, et n’envisage pas que son adversaire Andreja Leski, qui ne l’avait jamais battue, a gagné cette fois pour avoir été plus clairvoyante. Si on se souvient bien, c’est déjà une Slovène, Tina Trstenjak, qui avait battu la Française en finale à Rio en 2016. Leski n’est pas si tarte puisqu’elle est devenue championne olympique sur ippon en 2 min 20 s, après avoir subi un waza-ari.
Agbegnenou s’était déjà fait secouer par son adversaire israélienne au 1er tour, ne la dominant qu’après deux minutes et demie de prolongation. Elle s’est contentée d’un waza-ari contre la concurrente brésilienne, puis s’est débarrassée en une trentaine de secondes de la redoutable représentante du Kosovo. Les autres adversaires « dangereuses », dont la Japonaise de service, n’étaient plus qualifiées.
Quelle idée d’attaquer et de se faire contrer à 15 secondes de la prolongation. Elle ne disposait plus alors d’assez de temps pour inverser la tendance. Leski avait subi deux pénalités et aurait dû ouvrir un peu sa garde si le combat s’était prolongé. Qu’est-il passé par la tête de cette combattante si expérimentée ? Pourquoi vouloir accélérer les choses au moment de calmer le jeu ? Voulait-elle s’économiser avant la finale qui se profilait ? Une championne se nourrit de confiance, parfois de morgue, mais un zeste d’humilité ne lui fait pas de mal.
Le match pour la médaille de bronze contre l’Autrichienne Lubjana Piovesana ne lui a posé aucun problème, et Agbegnenou dispose maintenant d’une médaille olympique dans chaque couleur, après l’argent de Rio et l’or de Tokyo.
Même si elle n’est pas imbattable, Clarisse Agbegnenou reste la plus grande judoka de l’histoire en France et en Europe (7 titres !). A l’âge de 32 ans, elle peut envisager légitimement de raccrocher le judogi pour s’occuper de sa famille. Mais avec un titre individuel et un autre par équipes (pour l’instant), elle peut aussi prolonger sa carrière jusqu’aux JO de Los Angeles en 2028 pour tenter de rejoindre et dépasser l’Américaine Kayla Harrison, la Chinoise Xian Dongmei et les Japonaises Ayumi Tanimoto et Masae Ueno, qui sont doubles championnes olympiques individuelles. Elle pourrait même rejoindre au sommet de son sport la Japonaise Ryoko Tamura-Tani (moins de 50 kg), qui apparaissait inaccessible au palmarès, avec cinq médailles olympiques, dont deux titres, et sept titres mondiaux (il n’existait pas de compétition par équipe lors du règne de la tornade nippone entre 1992 et 2008).
Son compatriote Alpha Oumar Djalo a échoué dans sa quête d’une médaille et, une fois encore, n’est pas parvenu à exprimer totalement le talent que le milieu lui accorde et qu’il démontre par intermittences. Il n’a que 28 ans, mais il lui faudra ne pas laisser passer sa prochaine chance.
Autre gestion contestable, celle des épéistes françaises dans leur finale contre les Italiennes. Principalement grâce à Auriane Mallo-Breton, médaille d’argent de l’épreuve individuelle, les Françaises avaient constitué un petit magot de 4 touches d’avance. Elles ont choisi de le défendre plutôt que de continuer à l’augmenter. Et les Italiennes, plus homogènes et plus agressives, ont eu l’immense mérite de revenir au score dans une ambiance déchainée et hostile. Mallo-Breton a perdu pour la seconde fois de la semaine la dernière touche de la « mort subite ». Elle a plus souffert de cette défaite collective que de la précédente en individuelle.
Les commentateurs du web se sont aussitôt déchainés, pour incriminer l’entraîneur, telle ou telle épéiste, et dispenser des cours de stratégie sportive pour considérer que les Français en général étaient les rois (ou les reines) de la « lose », incapables de s’imposer à domicile. On leur fera simplement remarquer que les différents médaillés d’argent n’étaient pas favoris lors de leurs finales respectives et qu’ils méritent plutôt les félicitations dont l’ensemble du public les a recouverts et que ces spécialistes à la gomme leur refusent.
Les basketteurs français ont géré comme des ministres en mal de réélection leur match contre le Japon, mais ils l’ont miraculeusement gagné. Les Japonais ont dégainé des tirs à 3 points comme une nuée de frelons. Les Français étaient incapables de les imiter, surtout ceux qu’on a sélectionné pour ça (Fournier, De Colo, par exemple), et retrouvaient leur problème atavique de transformation des lancers francs. « Wemby » s’est senti obligé de tout faire. Il y arrivera peut-être bientôt, mais pour l’instant, c’est prématuré et il a perdu autant de ballons que ses coéquipiers. Au final, le public sidéré a vécu un moment inoubliable, quand le faible temps qui reste au compteur est débité en tranches minuscules où il se passe autant d’événements que dans une carrière entière de joueur lambda.
Les Français ont mené de peu jusqu’à 5 minutes de la fin, quand leurs adversaires sont passés devant. A 47 secondes de la fin, le score était 80-80. A 16 secondes, les Japonais menaient 84-80. Incapables de marquer, d’attraper un rebond ou de garder tout bonnement la balle, les stars ressemblaient à des cadets. C’est alors que le jeune meneur de Monaco, Matthew Strazel a réussi de l’aile malgré la charge d’un défenseur un tir à 3 points impossible, génial, irréel, qui restera dans toutes les mémoires. Et obtenant de surcroit un lancer franc qu’il a su transformer. 84 partout. La dernière tentative du prodigieux meneur japonais Kawamura a échoué d’un souffle avant la sonnerie, donnant aux Français la possibilité d’une prolongation qui leur a finalement permis de s’imposer 94-90. Pour les Bleus, la bonne gestion consisterait sans doute à faire leur révolution.
Après l’orgie de médailles du lundi 29, le programme du mardi 30 juillet a permis de souffler un peu. Les futures médailles mijotent dans les cuisines de la natation, des sporko (comme on appellera désormais les sports collectifs, il faut se ménager…).
Cette respiration salutaire permet de redécouvrir les charmes de sports qu’on avait négligés depuis Tokyo, et de faire la connaissance de nouvelles disciplines. Le buffet olympique permet de savourer le spectacle de disciplines méconnues, pratiquées à leur meilleur niveau : badminton, tennis de table, hockey, water-polo, voile… Cette profusion n’est en rien écoeurante, elle est même stimulante comme une balade en forêt.
Comme les TV ne montrent pratiquement que les Français et les stars mondiales, il n’a pas été possible d’examiner les prouesses des skateurs, qui ont disparu dès leur apparition. Seront-ils encore là à Los Angeles ? La même question se pose du reste pour le scribe…
Pour ce qui est de la danse urbaine, nom châtié du breakdance (ou breaking) validé par le Canada et l’Académie, on n’est pas certain d’avoir du temps libre, car il faut soi-même faire un break pour passer l’aspirateur et repasser le linge. Le beach-volley, la natation artistique et le taekwondo offrent aussi généreusement des occasions de faire la sieste, mais il y a souvent quelque chose d’intéressant à voir ailleurs. En revanche, l’escalade sportive est validée depuis les JO de Tokyo. Les Français participent, on a donc une chance d’en voir quelques bribes.
Plus classiquement, on a revu avec plaisir du tennis de table, du badminton (tant qu’il reste des Français dans la compète), et du water-polo, subitement plus intéressant depuis que les femmes y participent. Il paraît que la sélection espagnole est la bête noire des Français en hockey. C’est surprenant, et cela fait réfléchir par extension à la notion de bête noire, tous sports confondus.
En cherchant bien, depuis que nos footeux ont appris à battre les Allemands, on ne voit qu’un candidat sérieux : le sportif britannique est celui que nous avons le plus de plaisir à vaincre. Cette idée nauséabonde n’a qu’une seule excuse: c’est exactement la même chose de l’autre côté de la Manche…
VIGNETTES
¤ En natation, la place des Français est la 5e, comme l’ont démontré Aubry sur 800 m et le relais 4 x 200 m, qui est supposé révéler le niveau d’une équipe nationale. Derrière les Américains, les Australiens, les Britanniques et les Chinois, à la lutte avec les Italiens, c’est tout à fait honorable.
¤ Simone Biles et l’équipe américaine de gymnastique artistique ont repris la première place, surtout au niveau de l’intérêt médiatique. C’est une star planétaire, au-delà de son sport, mais elle assume cette charge avec grâce et professionnalisme.
¤ Après leurs consoeurs, les poloïstes français (comprenez : ceux qui évoluent dans une piscine et non sur un cheval) ont gagné un match. De justesse, mais ils ont gagné et leur joie faisait plaisir à voir. Les autres sporkos se tiennent bien et les filles du rugby à VII ont obtenu la 5e place au classement final d’une compétition gagnée par la Nouvelle-Zélande. Elles n’ont perdu qu’un match, celui qu’il ne fallait pas perdre, tombées sur l’érable des Canadiennes qui terminent avec l’argent et ne s’en plaignent pas.
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