Intégrismes et intégration

Une quatrième finale à venir pour une sélection française : les filles du hand ont apporté leur pierre à cette inédite réussite collective. Comme les garçons, mais un cran plus bas, elles semblent disposer de bonnes chances d’obtenir le titre dimanche. Il faudra néanmoins résoudre le problème des pénaltys qu’elles ne sont pas fichues de convertir, sans grand dommage pour cette fois.

Pour les basketteuses, cela s’est moins bien passé. Le Japon a mis au point une sélection commando pour ces Jeux à domicile, qui propose un style inhabituel, auquel ses adversaires ne savent pas s’adapter. Une circulation frénétique du ballon, une meneuse de jeu (Rui Machida) incroyablement prolifique en passes décisives (18 !), et une ribambelle de spécialistes du tir bonifié. Les Françaises menaient de huit points au terme du premier quart-temps, et pensaient avoir résolu le problème. Mais elles se sont effondrées toutes ensemble ensuite et ont fini par prendre une rouste.

Elles semblent pourtant en mesure d’obtenir la médaille de bronze, si la volonté de rachat est plus forte que la fatigue, et si l’encadrement ne reproduit pas les mêmes erreurs. La Serbie sera un adversaire mieux prévisible.

En finale, le Japon aura sa carte à jouer devant les Etats-Unis, si la réussite reste au rendez-vous. Mais les Américaines sont prévenues et elles sauront sans doute mieux que les Bleues produire l’intensité défensive, les pénétrations en puissance et la conquête des rebonds.

Il est frappant de voir que de nombreuses sélections intègrent désormais dans leur effectif des éléments majeurs venus d’autres horizons, par naturalisations comme cela s’était déjà souvent constaté, mais aussi de plus en plus fréquemment par assimilation de familles immigrées. La France avait montré le chemin depuis longtemps, bien avant le slogan « black-blanc-beur », sans que cela démontre que toutes les difficultés d’intégration sont résolues dans notre pays. C’était du reste un sujet de raillerie pour les adeptes de la pureté nationale, qui sont malheureusement plus nombreux encore au-delà de nos frontières que dans l’Hexagone.

Le premier footballeur noir a été sélectionné en France en 1931, en Allemagne en 1974, en Angleterre en 1978, en Espagne en 2006, en Italie en 2010.

Petit à petit, de nombreux pays ont compris que les fruits de l’immigration étaient bien un atout, et d’abord sur le plan sportif. Par exemple, Jamina Roberts, la meilleure handballeuse suédoise, est née à Göteborg d’un père caribéen et d’une mère suédoise. Mads Mensah Larsen, handballeur danois, est de père ghanéen et de mère danoise.

Même le Japon a intégré dans son équipe de basket féminine Evelyn Mawuli, fille d’un couple ghanéen immigré dans l’archipel, ou Monica Okoyé, dont le père est nigérian. Celle-ci est devenue un emblème dans la campagne de l’équipementier Adidas, en faveur de l’intégration et de l’acceptation des différences.

La constatation de la diversité dans nos sélections met aussi en évidence des disparités socio-culturelles : les Français issus de l’immigration venue du Maghreb sont nombreux dans le football et les sports de combat, mais pas dans le basket, le hand et le volley, sans qu’on discerne exactement pour quelles raisons.

Avec son bilan misérable, l’athlétisme français devrait chercher pourquoi il n’accorde plus d’asile à des talents en errance, comme naguère les heptathlètes Eunice Barber, ou Antoinette Nana Djimou. La seule représentante de la France au marathon féminin de Tokyo était Susan Jeptooo, née au Kénya, ancienne agente des écoles à Lyon, devenue professionnelle des courses sur route.

Cette remise en question de l’apathie fédérale peut du reste être bien plus générale : l’exemple italien (déjà cinq titres à Tokyo) démontre qu’il est possible de reconstruire sur des ruines, si on n’est pas capable de conserver son patrimoine.

Après la victoire de Jakobs sur 100 m, les Transalpins ont suscité une autre surprise en s’imposant sur le fil dans le relais 4 x 100 m avec un exploit dans la dernière ligne droite de Filippo Tortu, qui a rattrapé son lièvre britannique. Tortu s’était fait remarquer en série et en demi-finale du 100 m.

Le 4 x 100 m féminin a permis de vérifier le déclin américain sur les épreuves de sprint, et de confirmer la suprématie des Jamaïcaines, avec une nouvelle médaille d’or pour Elaine Thompson et Shelley Ann Fraser. L’équipe de France a terminé 7^e de la finale, moins rapide qu’en série, et à plus d’une seconde du record national. La Suisse a terminé 4^e…

De son côté, la Bahaméenne Shaunae Miller a confirmé son titre de Rio sur 400 m, sans avoir cette fois à plonger sur la ligne, tandis que l’Américaine Allison Felix a obtenu avec le bronze sa 10^e médaille olympique.

Pari perdu en revanche pour la Néerlandaise Sifan Hassan, qui n’a fini qu’à la 3^eplace le 1 500 m enlevé par la Kényane Faith Kipyegon, tenante du titre olympique. Après sa victoire sur 5 000 m, et avant la finale du 10 000 m, Hassan commence à trouver le menu indigeste.

Pour sa part, le spectateur savoure toutes les finales, et il ne s’en lasse pas !

VIGNETTES

¤ Le Canada a remporté le tournoi féminin de football devant la Suède, aux tirs au but. Chez les hommes, le Mexique a battu (3-1) le Japon pour la médaille de bronze. Les lourdes défaites de l’équipe de France en phase de groupe se sont produites contre deux futurs demi-finalistes, ce qui incite à être un peu moins sévère.

¤ L’épreuve féminine du combiné en escalade a été gagnée par la Slovène Janja Garnbret, devant deux Japonaises. Après un examen plus attentif, cette nouvelle discipline est plutôt convaincante. Elle fournit des images spectaculaires, semble suffisamment sécurisée et se dispense d’arbitres. Les sports olympiques ne peuvent pas tous en dire autant.

¤ Le pentathlon moderne se déroule dans un stade magnifique, entièrement dédié, intégrant toutes les installations nécessaires. Seules les tribunes étaient en trop, ce qui est dommage compte tenu du suspense procure par cette épreuve. Ce qui est surtout regrettable, c’est la symbolique militaire totalement anachronique de cette discipline. On en préfèrerait Fort Boyard. La favorite allemande a été injustement spoliée du titre par le refus de son cheval, tiré au sort et probablement antimilitariste, de participer à la compétition. Les concurrentes mériteraient de s’affronter dans un quintette d’épreuves plus pacifiques et moins aléatoires.