L’IGF DÉCOUVRE L’EAU TIÈDE, FIN INFRA TIENT LA LOUCHE, ET LES COLLECTIVITÉS BOIVENT LA TASSE
L’IGF DÉCOUVRE L’EAU TIÈDE, FIN INFRA TIENT LA LOUCHE, ET LES COLLECTIVITÉS BOIVENT LA TASSE
https://www.igf.finances.gouv.fr/igf/accueil/nos-activites-1/rapports-de-mission/evaluation-des-contrats-et-march.html
On nous l’avait promis : les PPP, rebaptisés “marchés de partenariat”, c’était la modernité, la performance, le “on livre à l’heure et on maîtrise les coûts”. Vingt ans après, l’Inspection générale des finances (IGF) publie enfin son bilan. Et là, surprise : c’est en demi-teinte. Comprendre : ça peut livrer vite, oui… mais c’est plus complexe, plus rigide, et plus cher. Bah oui…
Nous aurions aussi préféré que ce soit FIN INFRA, une direction du Trésor, en charge d’évaluer les marchés de partenariat justement, qui fasse le bilan, et réponde ainsi à sa mission d’évaluation. Ils étaient certainement trop préoccupés sur leur activité de lobbying des marchés de partenariat. Pour mémoire, c’est FIN INFRA le grand initiateur de tout le montage juridique et financier imaginé entre la ville et la SPEM, montage que nous avons attaqué au tribunal, jugé illicite.
Bref : l’IGF découvre l’eau tiède.
Pendant ce temps, à Marseille, on nous sert donc montage tiède-froid : un marché de Partenariat Public-Public, des marchés globaux pilotés par une société ad hoc (la SPEM) dont la gouvernance commence à sérieusement être en difficulté.
Et nous, collectif des Écoles de Marseille (CeM), le dénonçons depuis la sortie de ce marché de partenariat et les conséquences sur les marchés de travaux : une ville qui a besoin d’écoles réparées, mais se retrouve enfermée dans des contrats coûteux dont elle aura la peine à mesurer la performance.
Le bilan IGF : “oui, mais…”
L’IGF n’est pas en train d’écrire “PPP = scandale”. Elle écrit plutôt : PPP = souvent dans les temps, souvent conforme, mais pas forcément efficient (tout ça pour ça).
Les surcoûts existent, notamment parce que le financement privé coûte plus cher que le financement public, et surtout : c’est plus compliqué à piloter, plus rigide, et le suivi côté public est trop souvent insuffisant (clauses de refinancement, pénalités : peu utilisées, peu activées).
Autrement dit : l’IGF confirme ce que nous dénonçons depuis presque 10 ans maintenant.
Aix-Marseille Université : l’exemple parfait du “vite, mais cher”
Là où le rapport devient vraiment intéressant, c’est quand il regarde une situation locale interressante avec Aix-Marseille Université, en comparant trois opérations de travaux :
– OCEANOMED 2 (PPP, 2014)
– INSPE Saint-Jérôme (conception-réalisation, 2019)
– Turbulence (MOP, 2020)
En PPP, la procédure est plus courte, réalisation plus rapide, et au total un bâtiment livré nettement plus tôt qu’en MOP. Effectivement, en loi MOP, il y a deux phases de consultation, une première pour la maîtrise d’oeuvre qui réalisera les études, et une seconde Pour les entreprises qui réaliserons les travaux. En PPP ou MGP, une seule consultation qui choisit un groupement maîtrise d’oeuvre et travaux. Pour les écoles, nous en appelons à l’exemple du fiasco de l’école de la Castellane qui va nous coûter un bras, et pourtant ce n’est pas de la loi MOP.
Sur la qualité : pas de différence miracle.
Sur la qualité, l’IGF ne raconte pas une supériorité écrasante du PPP : elle montre que la conformité est globalement au rendez-vous dans les trois modes.
Sur les coûts, L’IGF relève un surcoût important en conception-construction pour l’opération en PPP par rapport à l’opération comparable en MOP, et surtout une maintenance beaucoup plus chère. Et ça, c’est exactement le cœur du sujet : le PPP est un achat de tranquillité contractuelle financé par un surcoût. Nous dénonçons ce surcoût depuis tout le temps, avec l’effet pervers de mettre encore plus sous perfusion du privé la puissance publique.
Fin Infra : l’évaluateur qui vend l’outil qu’il doit évaluer
Autant vous le dire FIN IFRA ne sont pas nos amis.
Normalement, dans un État fonctionnel, l’évaluation préalable d’un PPP sert à empêcher les mauvaises idées. Elle est censée être la ceinture de sécurité : démontrer que le montage est pertinent par rapport à une solution publique classique, pas juste “possible”. Il y a un acteur central dans cette mécanique : FIN INFRA. On le présente comme l’expertise publique de référence pour sécuriser les montages.
Sauf que FIN INFRA n’est pas un contre-pouvoir. Il se révèle aussi un facilitateur. Une sorte de super lobbyiste, une structure dont l’ADN est d’aider à faire entrer le projet dans le bon moule, celui qui passe : juridiquement, financièrement, bancablement.
Quand l’outil est un PPP, Fin Infra sait faire. Quand l’outil devient un marché global de performance à paiement différé, Fin Infra sait faire aussi. Et quand il manipule et manigance avec l’aide du plan Marseille en Grand, en jouant aux apprentis sorciers financiers, en contractualisant un PPP entre la ville et la SPEM, et en forçant la main pour que la SPEM contractualise ses travaux à tour de bras avec des MGP, il sait faire aussi.
Heureusement nous l’avons coupé dans son élan, et encore vous n’avez pas tout vu, parce que dans le même temps FIN INFRA a fait du lobbying pour faire évoluer la loi et transformer les MGP en réels PPP avec l’apparition des MGP à Paiement Différé. Et ça nous en sommes certains, que conformément aux conclusions de son évaluation du marché mis en place entre la ville et la SPEM, qu’il a lui-meme rédigé pour la ville, FIN INFRA avait prévu que la SPEM soit une pompe à fric pour les entreprises générales du BTP avec des MGP à 25 ans.
SPEM : quand le montage devient gouvernance
Marseille, c’est le cas d’école où l’on a pris une urgence réelle (des écoles à rénover, parfois indignes) pour installer un montage industriel et reproductible sur le territoire.
À n’en pas douter, et comme le reste du plan Marseille en Grand, le montage alambiqué du plan Écoles est expérimental, la SPEM n’est pas un détail, le mécanisme a volonté de se déployer sur tout le territoire pour rénover le patrimoine scolaire.
C’est la machine à contractualiser, massifier, sécuriser, “tenir les délais”. Et c’est exactement là que la question devient politique : qui gouverne la machine ? qui la contrôle ? qui en répond ?
Le plu fou dans cette histoire, c’est que FIN INFRA a conseillé donc la ville sur ce montage, a validé ce même montage qu’il avait conseillé, et désormais FIN INFRA est même présent dans la gouvernance de la SPEM parmi les douze administreurs qui pilotent la SPEM. Et ça, pour nous, ça a toujours été une alarme démocratique. Parce que cela brouille les lignes entre l’expertise d’État, l’architecture contractuelle, et la conduite d’un opérateur qui met en œuvre le montage.
Et qu’on ne vienne pas nous dire que tout ceci est neutre : quand on installe des marchés longs, rigides, difficiles à amender, avec paiement différé et objectifs performanciels, on installe aussi une politique. Une politique par le contrat. Une politique qui s’achète sur 25 ans. Nous le voyons encore aujourd’hui avec le stade vélodrome.
La vraie gabegie, politique cette fois
Le plus triste, dans cette histoire, ce n’est pas que certains croient encore aux PPP comme à une solution universelle. Après tout, dans chaque époque, il y a ses fables. Le plus triste, c’est que parmi les six élus municipaux administrateurs de la SPEM, trois étaient dans le collectif Marseille contre les PPP et connaissaient parfaitement FIN INFRA. Comment ont-ils pu participer à un dispositif qui reproduit les ressorts qu’ils dénonçaient : transfert de maîtrise, rigidité contractuelle, opacité démocratique, logique de “hors bilan” ou “paiement différé”, et externalisation de la décision dans une ingénierie de montage.
Nous demandons :
Voilà voilà…
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