Le Grand Marseille : comment construire une métropole
Aujourd’hui, partout, sans doute, dans le monde, l’idée même de ville semble remise en question. On ne peut plus penser l’urbanité dans les limites géographiques des villes d’aujourd’hui, ni imaginer la vie urbaine aux dimensions de la ville que nous connaissons aujourd’hui, ni, surtout, penser les pouvoirs sur la ville dans un espace politique comme celui des villes contemporaines. C’est la raison pour laquelle, en 1966, en France, était née la communauté urbaine, avec quatre premières expérimentations de ce nouvel objet politique : Bordeaux, Lille, Lyon et Toulouse.
Peut-être faudrait-il commencer par s’interroger sur les raisons pour lesquelles Marseille, alors, n’avait pas voulu jouer le jeu de la métropolisation. On peut voir quatre raisons à cela. La première, la plus évidente, est le refus du maire de l’époque, Gaston Defferre, de partager son pouvoir sur l’espace urbain en le partageant avec d’autres municipalités. Comme c’est souvent le cas des difficultés institutionnelles, c’est une question de pouvoir qui est à l’origine de l’impossibilité d’instituer ne métropole. Mais il faut aller plus loin. Une seconde raison semble tenir à ce que l’on peut appeler l’économie politique de la ville. Pour construire une métropole, il importe de ne pas penser la ville comme un espace clos, mais comme un réseau d’échanges et de circulations. C’est cette logique d’échanges qu’il semble difficile d’instituer à Marseille, comme si sa culture de port limitait l’ouverture de la ville à la mer au lieu de l’étendre à une véritable terre urbaine. Une troisième raison de la difficulté pour Marseille de se projeter dans un espace de réseau peut se lire dans son paysage et dans son aménagement. À la différence de villes comme Paris ou Lyon, tout se passe comme si Marseille n’avait pas construit ses banlieues à l’extérieur de la ville, mais à l’intérieur. Marseille ne s’imagine pas comme un espace métropolitain parce que ses périphéries sont à l’intérieur des limites de son espace. Pour construire une métropole, sans doute serait-il ainsi nécessaire d’améliorer et d’approfondir les relations entre tous les quartiers de Marseille et les autres communes de l’espace métropolitain à venir, comme Aix ou Aubagne. Cela est lié à ce qui semble la quatrième raison de la difficulté d’une métropolisation de Marseille : l’absence d’un véritable centre : comme les banlieues de Marseille sont à l’intérieur de la ville, comme on pourrait dire que la ville de Marseille consiste dans un ensemble de banlieues à peine réunies en une agglomération, il n’y a pas dans cet espace de véritable centre qui pourrait servir de pôle identitaire à la ville. Cette absence de centre se manifeste, en particulier, sur le plan de l’esthétique et de l’aménagement des lieux de la ville.
À partir de tels constats, on peut exprimer ici quelques propositions pour construire une réelle métropolisation de Marseille.
La première est la construction d’une identité de la ville dans de véritables médias urbains. C’est le but que poursuit un site comme Marsactu. Il s’agit de donner à la ville des modes d’expression et de représentation dans lesquels elle puisse pleinement s’exprimer, débattre, se construire, mais aussi, tout simplement se voir, comme dans un miroir culturel et politique.
Une deuxième proposition se situe dans la politique des transports et des déplacements. Pour qu’une métropole se construise, encore faut-il que ceux qui y vivent aient le sentiment de pleinement l’habiter. Or, habiter une métropole, c’est pouvoir pleinement s’y déplacer – y compris le soir – afin de la connaître et de connaître ses autres habitants, en les rencontrant, en leur parlant, en partageant avec eux les envies et les figures dont on est porteur.
Par ailleurs, Marseille est une ville ancienne : 2 600 ans d’histoire, ce n’est pas rien. Et sans doute est-ce dans l’ancienneté de cette culture que peut se construire l’identité métropolitaine. On a un peu le sentiment que, de la même façon que Marseille méconnaît la mer, elle méconnaît son âge et son histoire, alors qu’elle pourrait leur donner leur valeur et une signification.
Sans doute est-ce, enfin, dans la relation à la mer que cette identité peut se construire. En effet, alors que Marseille a la chance d’être un site littoral, on a l’impression que cette ville s’est toujours construire contre la mer, le dos à elle, comme si elle la rejetait. Ce n’est pas un hasard si, dans la culture marseillaise, c’est de la mer que vient le mal comme la peste. Pour pleinement se vivre comme une métropole riche et puissante, Marseille doit sans doute remettre la mer en son centre, comme le fut le Lacydon au début de son histoire.
Commentaires
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Je découvre tardivement cette contribution. L’analyse qui y est faite de l’aménagement du territoire de la ville de Marseille et de sa relation à la mer m’évoque cet article sur la mutation de Barcelone avant les JO de 1992 : http://www.raco.cat/index.php/Catalonia/article/viewFile/171269/243341
Les quelques lignes de la première page décrivent un état des lieux qui me fait furieusement penser à celui de Marseille.
Il y a sans doute des leçons à prendre à Barcelone, mais ce n’est pas un scoop…
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